
Strasbourg a tapé dans l’œil du milliardaire Jean-Claude Gandur. Plusieurs villes se disputent les faveurs du magnat du pétrole qui souhaite ouvrir un musée exposant sa collection d’art privée. Portrait d’un mécène à la personnalité contrastée.
La Fondation Gandur envisage l’ouverture prochaine d’un musée à Strasbourg pour exposer la collection privée de Jean-Claude Gandur. Le milliardaire suisse hésite entre plusieurs villes pour accueillir son patrimoine. Il était déjà venu faire un repérage dans la capitale alsacienne en 2019 et avait envisagé plusieurs quartiers du secteur des Deux Rives (Pointe de la Citadelle, Port du Rhin, Coop, Starlette).
Le projet était porté à l’époque par Thierry Roos (LR), ancien conseiller municipal d’opposition. Avec la participation de l’ancien maire Roland Ries, et Alain Fontanel, son ex-adjoint à la culture, les acteurs locaux avaient montré leur enthousiasme par un accueil en grande pompe de Jean-Claude Gandur, désireux de mettre toutes les chances du côté de la ville. La décision a été ajournée par la crise du Covid en 2020, mais le projet redevient d’actualité. Contacté début mars, Thierry Roos considère qu’une véritable « compétition » se joue toujours entre les villes, dans laquelle « Strasbourg a tous les points pour gagner ».
Le processus de décision en cours
Selon Anne Mistler, ajointe à la maire chargée de la culture, en juillet 2022, un dossier de candidature a été déposé par la capitale alsacienne. Il est en ce moment analysé par le cabinet de conseil suisse Thématis, spécialiste de l’ingénierie culturelle, chargé de départager les villes potentielles. Anne Mistler a reçu vendredi 3 mars la visite de Thématis. « Le processus est toujours en cours » selon l’adjointe, et le mécène devrait rendre sa décision finale début avril. Mais qui est donc ce milliardaire qui suscite toutes les convoitises ?
Né à Grasse dans les Alpes-Maritimes, l’entrepreneur suisse fonde le complexe pétrolier Addax and Oryx Group (AOG) en 1987. La société se spécialise dans l’exploration et la production de pétrole et de gaz en Afrique et au Proche-Orient. Vingt-deux années plus tard, il la revend pour 7 milliards de dollars au groupe chinois Sinopec, se plaçant ainsi parmi les plus grandes fortunes suisses, avec 2,1 milliards de Francs suisses en 2015 selon Forbes.
Un « homme simple, abordable » selon Thierry Roos
Sur son temps libre, l’homme d’affaires vaudois se consacre à la collection d’œuvres d’arts et crée en 2010 la Fondation Gandur pour l’art. De l’antiquité gréco-romaine à l’Europe d’après-guerre, en passant par des œuvres contemporaines africaines, elle constitue l’une des plus larges collections privées d’œuvres du monde.
Décrit par Thierry Roos comme un « homme simple, abordable, passionné par l’art et doté d’une véritable âme de collectionneur », Jean-Claude Gandur serait aussi « un homme qui veut laisser une trace dans l’histoire », issu de « cette longue tradition de mécènes qui ont permis à l’art de se déployer en France » citant notamment Bernard Arnault, Guggenheim, ou Ernst Beyeler.
L’homme d’affaires semble tenir à son image d’esthète désintéressé, animé par « le goût de l’art, l’envie de développer des collections et le désir de les partager » (voir son portrait sur son site). Une image qu’il n’hésite pas à défendre devant la justice.
À l’occasion du projet d’association entre le Musée d’art et d’Histoire de Genève et la collection personnelle de Jean-Claude Gandur, le journal genevois Le Courrier publie en mai 2015 un portrait de l’homme d’affaire intitulé « Mécène en eaux troubles ». Celui-ci met en lumière le parcours du milliardaire et l’origine de sa fortune, soulignant notamment les activités de son entreprise pétrolière qui avait été mêlée à une affaire de corruption au Nigéria à la fin des années 90, à son insu selon l’un de ses avocats, Nicolas Capt. En 2021, la justice genevoise a reconnu que la direction du groupe Addax était hors de cause, selon Le Temps.
Une atteinte à la personnalité ?
Le milliardaire intente un double procès, civil et pénal, en 2019 contre le quotidien. Il se dit profondément « meurtri et blessé » par un portrait perçu comme une attaque directe. Au pénal, la plainte pour « calomnie et diffamation » est frappée de prescription, la justice suisse reconnaît cependant que ces informations étaient « d’intérêt public ». Au civil cette fois-ci, l’affaire portée jusqu’au tribunal fédéral conclut finalement que certaines formulations portaient « atteinte à la personnalité » de Jean-Claude Gandur et donnent finalement tort au Courrier.
Joint par téléphone, le rédacteur en chef du quotidien, Phillipe Bach, estime que le journal était pourtant « dans les clous ». « Nous n’avons mentionné que des faits avérés ». Il se voit tout de même obligé de retirer l’article en question. Le quotidien déplore une « lecture restrictive de la liberté de la presse » de la part de la justice suisse, et est toujours en attente du dernier jugement de l’affaire, maintenant portée devant la Cour européenne des droits de l’Homme à Strasbourg.
« Ce qui est sorti, est sorti »
« Alors, boulimique, Jean-Claude Gandur ? – Pourquoi vous me trouvez gros ? » dans une interview donnée à la RTS en mai 2011 faisant référence à son immense collection d’art qui continue de s’étoffer, l’homme d’affaire élude la question sur un ton taquin. Pourtant, avec une collection de plus de 3 500 œuvres, et à la lumière des débats contemporains sur les questions de restitution, l’appropriation d’œuvres dans les mains d’un seul homme interroge.
Jean-Claude Gandur se positionne sur le sujet en 2019, dans une interview sur la radio RTS, pour l’émission Vacarme intitulée « Pour tout l’art du monde ». Il argumente :
« Faudra-t-il que les États-Unis et la Russie rendent à la France tous les tableaux des impressionnistes parce que “chacun son patrimoine” ? Non, je pense que le patrimoine doit être partagé. Il faut respecter aujourd’hui le patrimoine qui existe dans les pays sources, mais ce qui est sorti est sorti. »
Jean-Claude Gandur pour la RTS, dans l’émission Vacarme en 2019
Une collection estimée à près de 600 millions d’euros
Si pour le collectionneur « le passé, c’est le passé », il se dit cependant très attentif à la provenance de ses œuvres : « On ne peut plus collectionner en pirate, aujourd’hui il faut avoir un respect des objets, un respect des civilisations des autres, » ajoute t’il à l’antenne.
Quand le journaliste de la RTS lui demande s’il serait prêt, par exemple, à se séparer de ses collections égyptiennes au nom du patrimoine du pays, Jean-Claude Gandur rétorque : « Comment voulez-vous qu’un pays comme l’Égypte puisse réclamer son patrimoine, quand elle-même vendait officiellement ses objets ? », rappelant ce qu’il considère comme une « réalité historique » longtemps ignorée. Le milliardaire suisse se dit toutefois prêt à retourner certaines de ses œuvres, si la preuve de leur pillage était avérée. Ce dernier n’a pas fait suite à la demande d’entretien de Rue89 Strasbourg.
Estimé à près de 600 millions d’euros, le trésor vaudois de Jean-Claude Gandur est encore en quête d’un sanctuaire français. Les musées de Strasbourg ont proposé d’héberger dès 2025 une partie de cette collection dans une exposition temporaire.
Il suffirait alors de taxer avec plus de véhémence les profits du commerce pétrolier pour que leur valeur revienne à a collectivité, sans devoir faire la lèche à ce genre de milliardaires qui n'en ont pas la légitimité.
Il suffirait alors de taxer avec plus de véhémence les profits du commerce pétrolier pour que leur valeur revienne à a collectivité.
Pourquoi pas dans la Villa Trautmann ?
https://www.archi-wiki.org/Adresse:Villa_Trautmann_(Strasbourg)
Un serpent de mer ? Surement.
Mais la photographie le vaut peut être ? Ne serait-ce qu'une plaque en l'honneur de l'un des plus grand pionner de la photographie !
A l'instar d'un Nadar.
Gustave Doré à bien tous les hommages dans sa ville natale ?
Et le plus drôle c'était que Charles David Winter, avait son studio photographique dans le même immeuble ou l'immense illustrateur fit ses premiers dessins.
Oui, au 6, rue des écrivains à Strasbourg.
https://fr.m.wikipedia.org/wiki/Fichier:Charles-David_Winter-Autoportrait_double-Mus%C3%A9e_d%27art_moderne_et_contemporain_de_Strasbourg.jpg
En fait, deux associations ce font la “bagarre" depuis des lustres à Strasbourg pour la grandeur de la culture photographique.
Et si tu n'es ni de l'un et ni de l'autre et bien il faut ressortir des idées anciennes pour en faire de nouvelles.
Car c'est un ancien projet d'unir la photographie à Strasbourg. La ville de Lille à sa maison de la photo : https://fr.wikipedia.org/wiki/Maison_de_la_photographie_(Lille)
Il ni a pour ainsi dire rien pour la photographie vernaculaire. En même temps c'est pas grave… Si tu ne fais pas parti des 21 % de la culture subventionnée strasbourgeoise. Tu coutes encore moins cher que le bénévolat…
Si si, le travail gratuit est possible en 2023 et il est même très encadré.
Ah qu'il est beau l'humanisme rhénan.
En attendant , les juges du Tribunal Fédéral de Mon Repos ont délivré des attendus qui ne sont pas de tout repos:
Ils relèvent "que même s'il est avéré que l'homme d'affaires a opéré dans des pays instables et corrompus, dont certains dirigeants ont été condamnés, rien ne permet de conclure qu'il aurait, lui-même ou son groupe, commis des malversations ou des infractions.
Si l'auteur de l'article estimait que, dans ce contexte, Jean Claude Gandur pouvait être soupçonné d'avoir commis des actes répréhensibles, il devait faire preuve d'une grande retenue, vu l'absence de procédure pénale, souligne la 2e Cour de droit civil. Et, contrairement à l'avis des recourants, l'utilisation de termes comme «flibustier», notamment, n'est pas anodine. Loin de désigner seulement un «aventurier», celui-ci s'applique aux pirates qui, autrefois, écumaient les côtes et aujourd'hui à une personne malhonnête."
Les juges de Mon Repos estiment ainsi que l'article, "dans son ensemble, est loin de présenter les différents points de vue de manière équilibrée. Certes, en s'engageant dans le projet d'extension du MAH, Jean Claude Gandur pouvait s'attendre à ce que son action «soit décortiquée par les médias» au cours de la campagne.
Cependant, «le devoir d'information et la liberté de la presse n'autorisait pas le journaliste à présenter l'homme d'affaires et le tiers comme des corrupteurs avérés ni, par l'accumulation de jugements de valeur et de figures de style dépréciatifs, à les rabaisser au point de leur enlever tout crédit», conclut la cour."
Cependant qui se souvient du noble journaliste Ken Saro Wiwa, Prix Nobel alternatif 1995 , défenseur des Ogoni contre des compagnies pétrolières ( dont Shell) , exécuté par le régime du dictateur Abacha le 10 novembre 1995? *
Ce crime est dénoncé par le prix Nobel de littérature Wole Soyinka.
*https://fr.wikipedia.org/wiki/Ken_Saro-Wiwa
Mais on est plus à un "flip-flap" près de la part de nos politiques.