
Mise à jour vendredi 4 mars à 22h32 : La famille a été renvoyée par avion dans la journée du vendredi 4 mars. D’après leur ancienne hôte, elle logerait chez les parents de la mère. Le vol vers Tbilissi, la capitale de Géorgie, a été affrétée avant le référé liberté, qui devait être examiné lundi au plus tard. L’avocate Sophie Schweitzer envisage de déposer un recours auprès de la Cour européenne des Droits de l’Homme. Dans un communiqué, la section strasbourgeoise de la Ligue des droits de l’Homme a dénoncé ce renvoi.
Une famille géorgienne sans-papier qui résidait à Colmar depuis presque 5 ans a été arrêtée jeudi 3 mars. Ses quatre membres sont issus de la communauté kurde des Yezidis, souvent persécutée en Géorgie, pays classé comme « sûr » depuis décembre 2013.
Il s’agit d’un homme et d’une femme de 28 ans. Leurs enfants ont 3 et 4, sont nés en France et ils étaient scolarisés, mais malgré le droit du sol, ils sont trop jeunes pour demander la nationalité française. D’après la famille qui les hébergeait, le grand-père de la famille aurait été battu à mort en Géorgie et son ancien commerce incendié. La famille avait été déboutée de son droit d’asile en mars 2015. Ils avaient reçu une obligation de quitter le territoire français (OQTF).
« Les policiers ont été très corrects »
Christine Ottenwelter, qui hébergeait la famille à son domicile à Colmar raconte l’arrestation :
« Cette famille avait sonné chez nous, car elle était à la rue. Nous les avions accueillis en juin 2015. L’homme a été arrêté alors qu’il emmenait les enfants à l’école maternelle du quartier. Sa femme a été appréhendée à notre domicile. Les policiers ont été très corrects et non-violents, ils nous ont même rappelé dans l’après-midi pour nous dire que nous pourrions déposer les affaires demain, mais qu’ils ne savaient pas s’ils seraient encore là. C’est le timing qui nous interroge, à quelques jours près, c’était une procédure différente qui s’appliquait. Les enfants ne parlent que français. Là-bas, nous ne savons pas ce qui les attend. »
La famille aurait été emmenée dans le local de rétention de Saint-Louis, près de l’Euroairport. Le moment du départ n’est pas connu. L’avocate de la famille, Me Sophie Schweitzer, a déposé un recours en appel au tribunal administratif de Nancy contre l’OQTF qui vise la famille, mais ce recours n’est pas suspensif. Depuis l’arrestation, elle a aussi déposé un référé liberté, qui doit être étudié sous 48h, c’est-à-dire vendredi ou lundi à cause du week-end.
Dans les critères de la circulaire Valls à quelques semaines près
Sophie Schweitzer se dit « dégoûtée » :
« À 22 jours près, l’OQTF était caduque et à un mois près ils entraient dans les critères de la circulaire Valls, c’est-à-dire 5 ans de présence sur le territoire français et 3 ans de scolarisation. Si le vol vers la Géorgie se déroule avant l’examen de la demande, tous les recours n’auront plus de valeur. »
Seul « espoir » pour la famille d’après un avocat spécialisé dans le droit des étrangers, ne pas embarquer dans l’avion avant le jugement en référé liberté, à l’issue incertaine, ou que les magistrats demandent à la préfecture d’attendre le jugement pour exécuter la décision.
Les critères de la circulaire Valls (alors ministre de l’Intérieur) ne sont pas une obligation, mais ce sont des « directives » que peuvent suivre les agents en charge de la délivrance des titres de séjour pour ordonner ou non une régularisation.
Contactée après 19h, la préfecture du Haut-Rhin a répondu qu’il n’était pas possible de communiquer en urgence sur une situation individuelle. Selon l’administration, vu la durée du séjour après la délivrance de l’OQTF, les recours juridiques ont pu être effectués.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : La Géorgie, un « pays sûr » ? Pas pour cette famille
https://www.tilt.com/tilts/aide-pour-la-famille-avdian
Le droit administratif français est d'une telle complexité qu'il peut souvent être intrerprété de toutes les manières qui sont parfois même contradictoires.
C'est un mille-feuille sans fin, pondant de nouveau règlements sur les anciens qui ne sont jamais révisés ou abolis, restant donc toujours d'actualité.
Le droit est une oie que l'on gave, gave, gave, gave ... jusqu'a avoir la cyrrhose du foie, et en être malade. .... (là s'arrête ma comparaîson).
Quant à l'état de la justice qui doit trancher ce machin indigeste, n'en parlons pas.
Les réfugiés, les justiciables, les français en font les frais. .....
Et ce n'est rien à côté du droit administratif allemand. Encore que concernant le droit d'asile nous ne soyons pas vraiment dans le simple droit administratif puisqu'il y a toujours au moins deux instances en jeu : les préfectures et l'OFPRA. De plus, ces deux institutions qui se réfèrent au CESEDA (code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile) doivent aussi prendre en considération les accords et conventions internationales. Tout cela est bien entendu très complexe, mais si les fonctionnaires peuvent souvent se montrer assez obtus en la circonstance les associations de défense des réfugiés sont en général très au fait des règles et savent en jouer. Ainsi comme le remarque Frater Taciturnus, les Yésidis de Géorgie ne sont pas, et de loin, dans une situation de danger de mort comme ceux d'Irak. Ce de quoi les contribuables et justiciables font surtout les frais ces du manque de personnel susceptible de traiter les problèmes avec diligence et intelligence.
Maintenant le France ne sera un pays musulman que si elle ne parvient pas à affirmer une laïcité forte sur les principes en tenant dans les faits les promesses d'une intégration républicaine socio-économique digne de ce nom. Ce qu'aucun parti au pouvoir et dans l'opposition ne fait ou ne prévoir de faire pour l'instant !
Entendez bien ! Je ne suis pas absolument contre le fait que cette famille reste en Alsace.Et je m'interroge comme vous sans doute sur les raisons qui font que l'administration réagit justement maintenant. Bien que j'ai une idée qui ne sera probablement pas la vôtre...
Seulement, la Géorgie est un pays désormais pacifié. L'Abkhazie et l' Ossétie du Sud sont des régions maintenant sécurisées et le gouvernement en place n'aspire qu'à une chose : la prospérité économique.
Pour vous donner un exemple : d'après les estimations de la Banque Mondiale la Géorgie a bondi de 119 rangs pour ce qui est de la faire prospérer une entreprise. Elle est au 18ème rang alors que la France n'est qu'au 31 ème ! Certes ce n'est pas toujours une garantie de protection sociale mais il y a un nationalisme et une fiérté géorgienne qui table par exemple sur la renaissance du vin de Géorgie (considérée par certains comme étant le berceau de la viticulture) et en collaboration avec des viticulteurs français qui tablent en dehors des grandes appellations sur le bio qui est à la base des méthodes géorgiennes. Cette renaissance de la viticulture fait aussi renaiîre le tourisme.
Mais revenons à notre famille.
Les Yésides en Géorgie sont une minorité de minorités. Voyez sur Wiki ! Ils n'apparaissent même pas dans les statistiques en tant que tels , mais à 0.085% avec les Chinois, les Kabardes, les Kurdes (dont ils constituent la majorité : 6000 selon leurs propres associations) et les Ukrainiens.
Il n'y a donc aucune raison pour un pouvoir quelconque de persécuter une minorité qui est de toute manière invisible et c'est bien la raison pour laquelle les associations yésidiques de Géorgie reprochent à leur propres frères de partir...
Le Yésidi est selon un jeux de mot géorgien le "balayeur" comme l'algérien en Alsace dans les années 60 était le porteur de tapis.
Mais ce sont des déterminations économiques regrettables où les Etats européens devraient intervenir sur le plan qui est le leur.
Je suis en ce sens toujours un peu déçu que Monsieur Jean-François Gérard qui a, semble-t-il, tant de contacts auprès des institutions européennes n'aille pas voir ce qui par exemple pourrait se faire à la Commission de Venise sur la question géorgienne et en rende compte dans ce articles.
Désolé je n'ai pas le temps de relire pour les fautes, mais je me trouve d'accord avec vous quant à l'importance des droits de l'Homme.
Je ne connais pas spécialement la sutuation en Géorgie, des kurdes, pas kurdes, yéside ou pas yéside.... donc je ne peux pas commenter sur le fond.
Cependant, ce qui m'interpelle, c'est la situation individuelle.
Une famille résident 5 ans, des enfants en bas âge dont le seul défaut est de ne pas avoir encore le droit de choisir une nationalité... ça pose question. puisqu'ils n'ont pas l'âge, n'ont-ils pas le choix d'attendre l'âge de choisir ?
Et puis ensuite lorsqu'ils auront l'âge ils seront chez eux ici. C'est logique, ils ne pourront/voudront probablement plus partir, l'autre pays étant un endroit totalepnt étranger à leur culture d'origine qui est maintenant la notre (du moins pertiellement, tout dépend de l'éducation des parents). Ils auront fait leur scolarité ici, ne connaîtront (probablement) pas la langue pratiquée en Georgie, certainement pas au point de pouvoir continuer et reprendre des études là-bas.
Donc en fait les questions sont :
-
Pourquoi avoir attendu 5 ans ?
Pourquoi maintenant, de manière à instaurer un traumatisme très important chez ces enfants qui ne sont eux, pas moins digne que nos petits alsaciens ?
Je suis tout à fait d'accord avec vous sur le fond. Pour ma part cette famille pourrait tranquillement rester ici surtout si elle a réussi à bénéficier de l'hospitalité de certains autochtones et à s'intégrer économiquement et socialement.
Maintenant pour répondre à vos deux questions.
Pourquoi avoir attendu 5 ans ?
Vous savez. Cioran (tiens encore un immigré qui a terminé à l'Académie) disait : "les déboires administratifs sont le seuls motifs recevables de suicide" ;-)
Les voies de l'administration sont impénétrables.
L'article dit que la famille d'abord clandestine avait été déboutée du droit d'asile en mars 2015. Il aurait été bon que le journaliste auteur de l'article nous explique pourquoi.
A mon sens la réponse est claire; Il n'y a avait pas de raison politique. Maintenant pourquoi attendre? Parce que toute administration est lente est que certains dossiers resurgissent lorsque des délais informatiques les amènent à une nécessité de traitement d'urgence.
Je vous conseille à ce propos de lire les textes de Pierre Legendre dont je ne sais pas s'il intervient toujours à l'ENA mais qui a écrit à la frontière de la psychanalyse lacaniene et du droit administratif des textes très intéressants sur le fonctionnement des mécanismes administratifs. Ses textes adressés aux élèves de l'ENA sont extrêmement intelligents et même d'un héroïsme désespéré en tant qu'il propose à ces futurs bureaucrates une distance dont très peu seront capables.
Mais j'ai encore une autre explication.
Quelqu'un qui veut l'asile politique en France est soutenu par des associations.
Ces associations sont toujours de bonne foi et donc ne font que rarement le tri entre asile politique et économique. Enfin à voir...
Et donc, elles proposent aux gens qu'elles défendent tous les recours juridiques possibles. Le principal avantage de ces recours est le gain de temps. IL s'agit de tirer les délais. Je ne dit rien pour ni contre. C'est de bonne guerre. Au pire, ai-je entendu d'une personne de l'administration, "ils pourront se faire assez de blé, pour revenir chez eux avec un avantage qu'ils n'avaient pas avant" Voilà donc pour votre première question.
Maintenant pour ce qui est de votre seconde remarque : la question de l'intégration.
D'abord à vous conseiller de relire le lien wiki que donne l'auteur de l'article sur les Yésidis
Maintenant à voir aussi qu'en Géorgie, la patrie de Staline,les Yésides étaient sans doutes persécutés en son époque. Mais je ne pourrais pas le certifier, parce qu'à l'époque les ethnies minoritaires trouvaient parfois quelque avantage à collaborer avec les nouveaux pouvoirs.
Donc à dire ce que je sais très vaguement. Les Yésides sont une religion avant tout. C'est-à-dire déjà une ethnie qui se distingue malgré l'origine commune des Kurdes. Comme dans le judaïsme l'appartenance se transmet par le sang. Ce qui donne les Yésides comme une communauté religieuse qui se distingue des kurdes musulmans et qui est parfois mal vue au sein de la communauté kurde. En tous les cas tout cela est très complexe.
Alors maintenant les enfants (3 et 4 ans pas des adeptes de Voltaire déjà ;-) )
Non je vais vous le dire plus clairement et désolé pour les longueurs qui précèdent !
Les Yésides de Géorgie ont une revendication : la reconnaissance de leur religion et de leur culture.
Sous les bolchéviki et à l'ère de l'URRS ils avaient cela (Pour Staline je ne pense pas mais comme dit je devrait vérifier)
Donc les Kurdes Yésides de Géorgie n'apprécient pas ceux des leurs qui sont partis parce qu'ils interprétent cela comme un rejet de leurs traditions, de leurs cultures, de leur lutte pour la reconnaissance. A moins qu'ils réussissent économiquement. Un peu comme les Irlandais en d'autres siècles ...:-)
Je vais vous dire : je pense que cette famille s'est vue refusée l'asile politique parce qu'ils sont venus pour de raisons économiques et qu'ils ont peur de rentrer chez eux du fait du jugement de leur propre communauté.
Quant aux enfants, s'ils étaient resté chez eux ils parleraient surtout si ce sont des filles le kurdmanji, et peut-être pas même le géorgien.
Mais à rappeler que je reste signataire et partisan pour que cette famille reste en Alsace. Leur prospérité (en une ou deux générations) leur permettra sans doute un retour (sans même qu'ils reviennent physiquement) fructueux et honorable vers leur peuple !
C'est la logique de la diaspora !
A vous remercier Monsieur !
Il se trouve que l'analyse géopolitique fait plus ou moins partie de mes "activités", mais que surtout je considère qu'il faut toujours s'informer avant que de renseigner. Or, le monde est devenu d'une telle complexité qu'on ne peut le comprendre sans un minimum de recherches et de lectures qui viennent remettre à jour des connaissances de base. Et je considère que c'est rendre service et faire oeuvre de citoyen de permettre à mes contemporains de mieux comprendre les choses et les inciter à approfondir eux-mêmes les questions. Peut-être aussi parce que les articles journalistiques de fond se font de plus en plus rares hors des revues spécialisées ;-)
Je suis donc tout particulièrement touché par votre remarque et vous en remercie chaleureusement !
A préciser que les Yésides de Géorgie ne souffrent de loin pas les persécutions de leurs frères irakiens.
Certes avec la fin de l'URSS où l'appartenance kurde était reconnue ils ont perdu les enseignants de langues yéside payés par l'Etat, leurs journaux, leurs lieux de culte, leurs maisons de la culture, leur influence au sein des institutions et en 2002 la dernière radio en langue yéside a été privatisée, mais depuis que l'ancien président Saakachvili a fui en Ukraine les tensions politiques sont retombées dans le pays et la Géorgie a même amorcé une phase de retour à la "prospérité"
La position défavorisée des Yésides en Géorgie est due essentiellement à leur situation socio-économique et à leur incapacité à s'organiser en vue d'obtenir une représentation politique digne de ce nom. La grande pauvreté, l'analphabétisme chez les filles surtout, le repli communautaire et linguistique (la grande majorité parle le kurdmanji, les vieux surtout le russe mais très peu au final le géorgien) marginalise la communauté qui est souvent victime des préjugés que connaissent par exemple les" tziganes" en Alsace
De 1926 à 1989 la population kurde en général n'a cessé d'augmenter en Géorgie pour retomber ensuite.Les chiffres de 2002 donnent : 2,514 Kurdes non Yésides et 18,329 Yézides.Le recensement de 1989 donnait 33 331 kurdes dont probablement près de 30 000 Yésides.
Les associations des Yésides géorgiens qui parlent eux de 6000 Yésides restant en Géorgie en 2014 déplorent au demeurant l'émigration des leurs qui rend leur minorité plus minoritaire encore et rend plus insignifiantes leurs revendications spécifiques.
Seul le numéro compte.