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Coop Alsace : les salariés pris de court par la direction

L’ordre du jour était chargé. Pourtant, la réunion du Comité central d’entreprise (CCE) de Coop Alsace n’aura duré que quelques minutes hier. L’ensemble des syndicats a quitté la table après avoir découvert que le conseil d’administration allait se passer d’eux pour entériner les accords avec Leclerc. Surprise : le rendez-vous décisif est pour demain, samedi 16 juin. Les salariés n’ayant pas été consultés, ils réclament l’annulation de ce rendez-vous et menacent de poursuivre la direction en justice pour entrave.

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Coop Alsace : les salariés pris de court par la direction

L'ancien siège de la Coop au Port-du-Rhin. (Photo Archi-Strasbourg / CC)

Demain le conseil d’administration de la Coop se réunit et les salariés n’étaient pas au courant. Pourtant, il devrait être décisif pour l’avenir des 3200 salariés du groupe. Le représentant du personnel Laurent Hobel (FO) explique :

« L’ordre du jour du conseil d’administration (CA) de samedi est simple : donner tous les pouvoirs à la direction pour finaliser les accords avec Leclerc (ndlr : entrée dans le capital de la filiale hyper/supermarchés). Une fois voté, ce sera fini pour nous ! Nous n’étions même pas au courant de la tenue de cette réunion alors que la procédure veut normalement qu’elle soit précédée d’une information et d’une consultation du personnel. Nous estimons qu’il y a entrave au fonctionnement du comité d’entreprise. »

A l’unisson, les syndicats ont réclamé le report du CA. Mais pour Christian Duvillet, le PDG de la Coop, la stratégie de rapprochement avec Leclerc et Casino ne peut souffrir aucun délai supplémentaire. Les transformations de certains supermarchés ont déjà débuté et devraient se poursuivre tout l’été. Le groupe Coop est également au pied du mur quant à certaines échéances sociales : le mandat ad hoc qui protège le groupe arrive à échéance fin juin.

Mais pour les représentants du personnel, tout va trop vite. Ils se sont levés et ont claqué la porte. Ils décident d’engager une procédure en référé, espérant que la justice, elle, les entende et contraigne la direction à suspendre le CA. Le tribunal n’a qu’une journée pour rendre sa décision. Elle est attendue ce vendredi soir.

« Le volet financier est bouclé. Le volet social, lui, est inexistant »

« Désormais, c’est clair pour tout le monde : le but de la restructuration est le démantèlement de la Coop. Le volet financier est prêt, bouclé. Le volet social, lui, est inexistant. A la Coop, c’est les banquiers d’abord, les salariés après. Si l’accord est signé samedi, que deviendront les salariés à partir de juillet ? Par exemple, il y a actuellement 180 personnes travaillant au siège, il ne devrait en rester que 12 et seulement 5 dans les bureaux à Reichstett, contre 27 aujourd’hui. Où vont-ils tous aller ? Rien n’est prévu, le CCE n’aura pas le temps de se réunir, de valider, comme le veut le droit du travail… C’est bien la preuve que la direction n’en a rien à faire de ses salariés ! »

Le syndicaliste ne décolère pas. Il refuse de se retrouver au pied du mur, contraint de « limiter la casse » en négociant les transferts de compétences au cas par cas et dans l’urgence. D’autant qu’à la Coop, les syndicats ont encore en tête le plan de départs volontaires « bâclé » décidé en mai 2011 et dont ils ne sont toujours pas sortis aujourd’hui.

Les salariés candidats au départ s’étaient pourtant tous fait connaître au 31 octobre 2011. Ils étaient 409 à quitter normalement l’entreprise au 1er novembre. Seulement, les licenciements n’ont été signifiés par lettre que le 27 avril 2012. Laurent Hobel se souvient:

« Parmi ceux qui n’avaient pas de promesse d’embauche après la Coop, beaucoup devaient bénéficier d’une formation via Pôle emploi. Mais comme ils n’étaient pas officiellement licenciés, ils ne pouvaient prétendre au chômage… Les salariés ont vu défiler les formations les unes après les autres sans pouvoir s’y inscrire. »

Et le « motif économique » a dû être ajouté in extremis au « protocole de rupture amiable » pour que les salariés Coop puissent recouvrir pleinement leurs droits.

Le plan de départs volontaires tire en longueur, l’ardoise s’alourdit

Sur les 409 départs volontaires, la moitié s’est ainsi retrouvée en dispense d’activité : toujours embauchés et rémunérés par la Coop mais sans travail… à attendre une lettre de licenciement qui ne venait pas. Combien cela a coûté à la Coop ? « C’est impossible à chiffrer », assure Christian Duvillet, le PDG. Côté salariés, on a fait les comptes : 400 000€ par mois pendant au moins six mois. Et tous ne sont pas encore partis. « Les derniers partiront en juillet », poursuit le PDG. En tout, le plan aura coûté 20 millions d’euros, contre 10 initialement prévus.

« En plus, la direction n’a pas clairement ciblé les postes à supprimer, elle a simplement fixé les effectifs en fonction des objectifs de productivité à atteindre. C’est joli sur le papier. Mais dans les faits, tout est déséquilibré. Les profils qualifiés, comme les informaticiens, convaincus de pouvoir retrouver un travail, sont partis. Mais pour les remplacer, on ne va pas mettre des manutentionnaires ou des caissières, qui eux sont restés et se trouvent en sureffectif…. Où vont-ils aller ? » interroge Laurent Hobel qui prédit : « Certains refuseront le reclassement, de changer de poste, de lieu de travail… Ils devront être licenciés. La direction, qui entretient un certain climat de stress, doit compter aussi sur les démissions pour dégraisser tout en se donnant bonne conscience. »

Pour lui, cette « désorganisation » laissait déjà entre-apercevoir le « but de la manœuvre » : « Mettre l’entreprise dans une situation telle qu’elle soit obligée de se jeter dans les bras de ses sauveurs, Leclerc et Casino ». Et les salariés craignent de ne pouvoir repousser l’étreinte, s’ils ne parviennent à interférer dans l’agenda de leur direction.

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