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Cynthia Montier, une artiste engagée, même en temps de pandémie

Chantier en éternelle construction, le statut d’artiste est plus que jamais incertain. Cynthia Montier, jeune artiste strasbourgeoise, témoigne de ses déboires face aux mesures restrictives liées à la Covid-19. Si les établissements culturels doivent rester fermés, les acteurs de la scène artistique locale continuent d’œuvrer et de résister.

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Cynthia Montier, une artiste engagée, même en temps de pandémie

Comment continuer à créer et à diffuser son art en temps de pandémie ? Jeune artiste strasbourgeoise, Cynthia Montier répond par écrans interposés. Mystique, bouillonnante de créativité, en lutte perpétuelle contre un système social déshumanisé, voilà une tentative pour résumer en quelques mots le travail plastique et performatif de cette artiste.

Strasbourgeoise, Cynthia Montier est diplômée du master d’Arts Plastiques de l’Université de Strasbourg. À la sortie, elle a dû se confronter à quelques désillusions et effectué un an de formation en tant qu’artiste-intervenante à la Haute école des arts du Rhin (Hear) afin d’obtenir des outils solides pour défendre son statut d’artiste.

Elle est actuellement membre du conseil artistique du Syndicat Potentiel et soutenue par le Fonds régional d’art contemporain (FRAC) Alsace. Ses travaux s’articulent autour de la croyance, de l’espace urbain et des pratiques sociales. Elle met en scène des rituels activistes permettant de repenser notre rapport au monde. Sa récente œuvre collaborative Egregora (2020) est une collecte d’objets personnels appartenant à des anonymes. Elle vise à réinsuffler une force régénératrice au sein d’Odylus, le centre d’hébergement temporaire animé par l’association Horizome dans l’ancienne clinique Sainte-Odile, en disposant ces artefacts comme des amulettes protectrices et vectrices d’énergie.

Cynthia Montier, Egregora, 2020Photo : Cynthia Montier

Cynthia Montier a connu un surplus de créativité pendant le confinement. Elle a passé son temps à parler de ses projets à des interlocuteurs en ligne. Cette posture de confidente lui a permis d’utiliser cette « matière » pour la retranscrire sous une forme artistique.

Artiste, Cynthia Montier est habituée à rester chez elle avec son ordinateur. Mais la crise sanitaire l’a évidemment conduite à reporter ou annuler nombre de projets et d’expositions. En attendant, elle réfléchit à de nouveaux dispositifs, notamment à travers une utilisation personnelle du tarot. A chaque lecture du tarot, elle élabore des modes d’actions performatifs, des conférences et des workshops. L’ambition est d’utiliser cet outil de recherche et de création par la suite.

Au Syndicat Potentiel, les évènements liés à Espaces affectifs, promenade extime en différé se sont terminés tout juste avant le confinement d’octobre. Il s’agissait justement d’imaginer un espace public désaffecté suite au confinement, comme si il était encore habité par les histoires, le passage. Cynthia Montier a pu médiatiser cette performance sur Instagram et proposer à des personnes du monde entier d’envoyer des histoires, des souvenirs, des récits, des mythes ou des légendes urbaines. Cela pouvait être une alcôve, un cimetière, un lieu afin dont elle pouvait faire une affiche, collée à l’endroit de son choix afin que les personnes puissent la consulter directement dans l’espace public.

Mais l’exposition collective Rituel.le.s à laquelle Cynthia Montier devait participer à l’IAC de Villeurbanne en décembre a dû être reportée. L’exposition traite des formes de rituels des femmes-artistes. Les commissaires d’exposition envisagent de créer des formes d’expositions virtuelles.

À ce jour, Cynthia Montier a deux gros projets pour lesquels elle prospecte. Durant le premier confinement, la notion d’isolement étant très forte, elle s’est adaptée et a effectué une performance en ligne intitulée Diseuses de sorts en duo avec son amie Ophélie Naessens, maître de conférence à l’Université de Lorraine. Les deux femmes travaillent ensemble autour des dispositifs introduisant une forme de dialogue entre la spiritualité et le militantisme. Leur volonté est de mieux comprendre l’appréhension de l’espace et l’urbanisme en relation avec la psychologie.

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Cynthia Montier et Ophélie Naessens, Diseuses de sorts, 2020 © Cynthia Montier

Par ailleurs, elle élabore un autre projet qui s’appelle Activismes ésotériques, avec une autre amie, la critique d’art et curatrice Sophie Prinssen. Il s’agit cette fois d’imaginer des formes de rituels d’action et d’organisation pour les communautés militantes, civiles ou minorisées.

Cynthia Montier et Sophie Prinssen, Activismes Ésotériques, 2021 © FRAC Lorraine

Cynthia Montier avoue sa lassitude à propos du médium numérique, qu’elle estime ne pas être à la portée de tous. Elle avait l’espoir que la virtualisation des formats et des rencontres puissent permettre un accès et une nouvelle forme de relation, une convergence des communautés et des luttes. Mais elle s’est rendue compte que les publics touchés sont toujours les mêmes. Cynthia Montier s’interroge beaucoup sur l’utilité de son métier d’artiste… La virtualité n’a aucun intérêt à ses yeux si elle ne permet pas d’avoir un impact concret, de créer un écho.


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