
Le Social Bar accueille un événement de démocratie participative ludique samedi 9 octobre : des députés de circonstance doivent s’accorder pour voter une loi sur la prostitution. Déb’Acteurs propose de faire de la politique en s’écoutant. Révolutionnaire.
Thomas Pittau est un idéaliste. Né en Alsace, il a grandi dans la Petite-France à Strasbourg. C’est peut-être ce cadre idyllique de belles maisons à colombages qui a forgé son caractère. Car à 28 ans, diplômé d’une école de commerce, au lieu de participer à la grande machine du consumérisme, il rêve d’intéresser les citoyens à la politique. Alors que dans toutes les familles de France ou presque, la politique est soigneusement laissée en dehors du champ des discussions possibles, lui veut en faire une « instance de socialisation ».
Il organise samedi 9 octobre à 14h30, au Social Bar de Strasbourg, une sorte de jeu de rôles : les participants seront des députés répartis en plusieurs groupes (libéraux, conservateurs, socialistes, écologistes…) et devront aboutir au vote d’une loi équilibrée, sur le thème, risqué, de la prostitution (il a eu d’autres bonnes idées comme ça : le Revenu universel, les déchets nucléaires, les énergies renouvelables…).
Tout est parti de Nuit Debout
Aujourd’hui installé à Paris, Thomas Pittau s’est libéré pour dédier tout son temps à ce concept, qu’il a appelé « Déb’Acteurs » :
« Quand j’étais encore étudiant, j’ai vu pendant le mouvement Nuit Debout que les gens étaient en fait intéressés par la politique. Je me suis dit qu’il fallait permettre aux gens de débattre plus souvent, sur les sujets qui les concernent. Déb’Acteurs est né de cette idée pendant le confinement, en visio. L’objectif est de provoquer chez les participants une empathie politique. »
L’empathie politique, c’est, selon la définition de Thomas Pittau, la capacité d’écouter les arguments des autres, même s’ils sont opposés, pour qu’à chaque étape, des compromis soient trouvés. Dit comme ça, ça ressemble un peu à la politique chez les Bisounours, mais l’optimisme de Thomas Pittau ne se démonte pas :
« Chaque participant n’arrive pas avec ses idées pour en débattre. Il est d’office inscrit dans un groupe politique, qui peut très bien ne pas lui correspondre. En outre, il n’y a pas de groupe majoritaire. Donc il faut s’écouter les uns les autres car si les arguments sont imposés, les scrutins intermédiaires sont perdus et au final, la loi n’est pas votée. Tout le monde perd. »
Une séance de Déb’Acteurs et de Déb’Actrices doit durer environ 2h30, selon le nombre de participants qui peut aller de 15 à 40. L’inscription est gratuite mais obligatoire, afin de permettre à Thomas Pittau d’organiser ses groupes. Une sorte de « chapeau numérique » est proposé aux participants à la fin du jeu, via Tipeee. Thomas Pittau lance les premières sessions mais il espère constituer une réseau d’animateurs qui créeront des débats similaires sans lui.
Ce modèle économique n’est que la partie visible de la petite entreprise, qui fonctionne grâce à une équipe composée de pédagogues et d’experts du développement, pour l’instant bénévoles. Thomas Pittau prévoit de financer cette activité en proposant des variations de ces concepts à des collectivités, des institutions engagées dans des débats publics ou au sein de l’univers scolaire. Tout est à construire, mais c’est la partie la plus stimulante de la politique !
"« Chaque participant n’arrive pas avec ses idées pour en débattre. Il est d’office inscrit dans un groupe politique, qui peut très bien ne pas lui correspondre. En outre, il n’y a pas de groupe majoritaire. Donc il faut s’écouter les uns les autres car si les arguments sont imposés, les scrutins intermédiaires sont perdus et au final, la loi n’est pas votée. Tout le monde perd. »"
Cela me fait penser à l'idée très originale à l'origine de la création du premier livre d'histoire franco-allemand* où se retrouve associées deux visions de l'histoire que l'on aurait pu penser inconciliables...
https://fr.wikipedia.org/wiki/Manuel_d%27histoire_commun_franco-allemand
Il ne s'agit pas d'une histoire franco-allemande mais bien de présenter une relation commune d'une histoire commune, trop souvent réécrite à travers un prisme national dans chacun des pays. Cette relation commune pourrait servir de modèle à de futurs manuels d'histoire européens
La démarche pourrait être déclinée dans le monde de l'entreprise, qui a énormément de difficultés à comprendre et intégrer les paramètres du monde de demain (ou plutôt le monde d'aujourd'hui, si on pense que le monde de demain a été présenté au grand public pour la première fois au sommet de la terre à Rio en 1992...)
"C'est trop compliqué", "Oui mais non", "L'idée est bonne mais c'est difficile de la mettre en oeuvre", "C'est trop tôt", "Tu ne prends pas tous les aspects en compte", "On en reparle"... sont les réponses habituelles faites par les "chefs" dans la plupart des organisations. Surtout ne changeons rien!