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En Alsace, deux fêtes populaires quittent le label financé par le milliardaire Pierre-Édouard Stérin

Le marché de Noël d’Obernai et le carnaval de Mulhouse ont pris leur distance avec le label « les plus belles fêtes de France », financé en partie par le milliardaire d’extrême-droite Pierre-Édouard Stérin.

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En Alsace, deux fêtes populaires quittent le label financé par le milliardaire Pierre-Édouard Stérin
Édouard Faller, organisateur de la Heimetfescht de Sélestat, dit ne pas se sentir concerné par la polémique autour du label « les plus belles fêtes de France »

Des fêtes locales financées par un milliardaire qui rêve de voir le Rassemblement National arriver au pouvoir en 2027. Grâce à une enquête au long cours sur les investissements de Pierre-Edouard Stérin, le journal L’Humanité a révélé son financement d’événements locaux partout en France. L’homme derrière le projet Périclès (acronyme de « Patriotes, enracinés, résistants, identitaires, chrétiens, libéraux, européens, souverainistes ») est entré en juin 2025 au capital du prestataire Studio 496 (nom renvoyant au baptême de Clovis). Cette société coordonne l’action du label « les plus belles fêtes de France ». Par ailleurs, le label est aussi financé par le biais du « fond du Bien commun », créé par Pierre Edouard Stérin.

Un risque de récupération

De Lehengo Hazparne au Pays basque à la fête des boeufs gras en Gironde en passant par la fête des Islandais et des Terre-Neuvas en Bretagne… Suite aux révélations de l’Humanité, plusieurs événements locaux ont fait le choix de couper leurs liens avec le label. Le 13 août, la fédération des fêtes et festivals de culture bretonne appellait au boycott du label face au risque de récupération :

« Ce label offre certes un soutien financier et une visibilité non négligeable en cette période compliquée pour les fêtes, mais ce lien avec l’extrême droite est dangereux. Pour nos fêtes et pour toutes les valeurs qu’elles défendent. »

Retrait du calendrier

Sur le site des « plus belles fêtes de France » figurent trois fêtes alsaciennes : le marché de Noël d’Obernai, la Heimetfescht de Sélestat et le carnaval de Mulhouse. Jean-Marc Sprenger, président du comité d’organisation du carnaval de Mulhouse, nie tout lien avec le label :

« En septembre, nous allons envoyer un courrier demandant d’être retiré du calendrier de l’association. Nous ne faisons pas de politique. »

Les organisateurs du marché de Noël d’Obernai et de la Heimetfescht de Sélestat ont bien postulé au label au printemps 2025. Ces événements ont obtenu la labellisation en juin.

« La Heimetfescht est neutre »

Édouard Faller, président de l’association de commerçants « Les vitrines de Sélestat », organise la Heimetfescht depuis trois ans. Pour lui, le label « les plus belles fêtes de France » est avant tout un moyen de gagner en « visibilité ». Il lui permettra aussi de toucher 3 000 euros de subvention pour l’édition 2026 dont le budget total est de 20 000 euros, sans subvention municipale. Le 18 août, la mairie de Sélestat a d’ailleurs diffusé un communiqué de presse démentant tout lien avec le label.

Le restaurateur, qui se présente sans étiquette aux élections municipales de Sélestat, a été surpris en apprenant la polémique autour du label :

« L’association « Les plus belles fêtes de France » a un partenariat avec Michelin, plusieurs prix ont été remis par Stéphane Bern… Pour nous, c’était une occasion de promouvoir les traditions et la culture alsacienne. Mais s’il s’avère que le label a des motivations politiques, il est hors de question que l’on reste liés. La Heimetfescht est neutre. »

Les organisateurs temporisent

Édouard Faller, qui se dit « à moitié de gauche, à moitié de droite », ne se sent pas concerné par la polémique :

« Pour moi, les organisateurs de fêtes sont au bout de la chaîne, pas au cœur du sujet. C’est fatigant de devoir essuyer des critiques lorsqu’on organise un évènement bénévolement, dans un contexte de misère commerçante. On a battu le nombre de liquidations judiciaires en 2024. On devrait plutôt encourager les efforts des commerçants pour animer le centre-ville. »

L’organisateur de l’Heimetfescht ne se retire donc pas du label pour le moment. Pourtant, ses voisins d’Obernai ont suivi la vague de désistement du label, et ce dès le 8 août, selon une information des Dernières Nouvelles d’Alsace (DNA). Jacques Breton, président de l’office de tourisme d’Obernai, explique aux DNA :

« On leur a expliqué qu’on ne marche pas dans les combines du RN, de Stérin et de Ciotti. Et que s’ils étaient honnêtes, il nous aurait présentés tout ça. […] Ça correspond au souhait de Stérin que le RN gagne des villes de 10 000 à 20 000 habitants. »

Un label « apolitique » ?

Dans un communiqué de presse diffusé le 7 août, le label « les plus belles fêtes de France » affirme son indépendance au milliardaire d’extrême-droite :

« M. Stérin n’est pas membre de l’association, et l’association ne lui rend aucun compte. Quant à l’entreprise Studio 496, il s’agit d’un prestataire de l’association parmi d’autres, qui ne possède pas de droit de vote dans l’association. Le simple fait de parler de M. Stérin et de ses idées politise ce qui ne l’était pas. Nous sommes donc victimes d’attaques mensongères et militantes. »

Des liens plus profonds existent pourtant entre le label et Studio 496. Le journal Le Monde a ainsi précisé la présence de plusieurs personnes à la fois du côté de l’association gestionnaire du label et du côté du prestaire Studio 496. Entre autres exemples, Thomas Meslin est cofondateur de l’association « Les plus belles fêtes de France » et directeur de développement de la société Studio 496.

De son côté, Pierre-Édouard Stérin multiplie les investissements médiatiques et culturels qui promeuvent une vision nationaliste et conservatrice de la France : financement des médias en ligne Néo et Cerfia, organisation d’un « mini Puy-du-Fou » à Moulins, achat du « Canon français », une société qui organise de gigantesque banquets… Autant de financements d’un milliardaire qui exprime clairement ses objectifs racistes, comme en témoigne une intervention révélée par Mediapart au cours d’une conférence organisée par des catholiques intégristes mi-juin 2025 : Pierre-Édouard Stérin y a affirmé que « son action prioritaire en France » était de stimuler une politique nataliste chrétienne et « de souche européenne ».


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