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Épuisées et méprisées, les salariées de l’APEI Centre Alsace entrent en grève

Lundi 19 décembre, des salariées d’une association pour l’accompagnement de personnes handicapées ont entamé une grève pour dénoncer une direction opaque et la mise à l’écart de plusieurs chefs de service pourtant jugés compétents et bienveillants.

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Épuisées et méprisées, les salariées de l’APEI Centre Alsace entrent en grève

Du bois, un four et des tartes flambées. De quoi tenir pour les salariées de l’association APEI Centre Alsace. Elles sont une vingtaine à avoir rejoint le piquet de grève devant le siège de l’association en fin de matinée ce lundi 19 décembre. Aide-soignante, infirmière ou monitrice, elles œuvrent au quotidien pour accompagner des personnes atteintes de handicap physique ou mental. Elles exercent à Sélestat et environs, en Esat, une structure médico-sociale organisée autour du travail des personnes handicapées, ou en foyer d’accueil médicalisé. Elles ont décidé de se mobiliser malgré les températures proches de 0°C. Comme l’indique un tract qu’elles ont toutes lu, elles veulent « que l’APEI Centre Alsace prenne ses responsabilités (…) pour trouver des solutions face à la maltraitance dont nous sommes victimes et revenir au cœur des métiers que nous aimons et qui ont du sens ».

L’union locale CGT Mosaïque est venue apporter son soutien matériel à la mobilisation au sein de l’APEI Centre Alsace. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg

Soutien à un chef de service évincé

Les premières salariées sur place témoignent de leur incompréhension. Une aide-soignante évoque sa frustration au travail « depuis que notre chef de service a été mis à pied. Pourtant, il est à nos côtés et nous soutient au quotidien… » Une de ses collègues aborde le même sujet, décrivant ce même supérieur comme « plus fatigué récemment ». « Il avait repris la cigarette », ajoute-t-elle avant de conclure, avec gravité : « La direction écrème doucement. Ils sortent ceux qui gênent. Mais je ne comprends pas pourquoi. »

Ce n’est pas la première fois que les employés de l’APEI Centre Alsace perdent un cadre apprécié. Plusieurs salariées mobilisées ont témoigné de leur soutien à une ancienne directrice et son conjoint, tous deux licenciés pour avoir posé des questions trop insistantes sur une hausse inexpliquée des frais de restauration. En mars 2022, Rue89 Strasbourg révélait que le commissaire aux comptes de l’association APEI Centre Alsace a effectué un signalement à ce sujet auprès du procureur du tribunal judiciaire de Colmar.

Au-delà de ce « sentiment qu’il y a des choses que la direction nous cache », une autre salariée d’un foyer de l’APEI Centre Alsace décrit des décisions arbitraires et incohérentes : « Avant, il nous était interdit d’embaucher des intérimaires. Puis ils ont décidé de préférer l’intérim aux heures supplémentaires. Sauf que ce n’est pas rationnel d’embaucher quelqu’un qui ne connait pas l’établissement pour quelques heures par semaine… »

« Ce n’est pas normal de voir ses collègues à bout de force »

À quelques pas, un salarié de l’Établissement et services d’aide pour le travail (Esat) décrit les deux raisons de sa venue : « la détresse de mes collègues et le manque de transparence et de communication de la direction. » Il décrit une pression excessive sur les équipes, notamment pour organiser le festival Charivari autour de la culture et du handicap. « J’ai vu des collègues travailler jusqu’à deux heures du matin. La directrice de l’Esat est en arrêt maladie depuis. Ça a épuisé bon nombre de salariés, mais c’était une volonté du siège, alors il fallait le faire. »

La banderole des mobilisations de la CGT Mosaïque a été déployée devant le siège de l’APEI Centre Alsace. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg

Bienveillance, compétence, gouvernance… Ce sont trois mots que Jessica Baun et Marie Merckle, deux artistes salariés de l’Esat de l’APEI Centre Alsace, peignent sur une banderole. Ce sont aussi trois éléments dont elles aimeraient bénéficier dans leur travail au quotidien. « Ce n’est pas normal de voir ses collègues à bout de force parce qu’ils ont organisé en deux mois un festival qui nécessiterait une année d’organisation », estime Jessica, bientôt rejointe par une ancienne administratrice de production de l’établissement, Sophie Stein. Cette dernière est amère. La fiche du poste auquel elle avait candidaté évoquait un CDI. Elle a finalement signé un CDD, qui n’a pas été renouvelé. « Ça nous ennuie qu’elle parte, d’autant que ça faisait un an qu’on réclamait ce poste », précise Jessica.

La revendication principale ? Le dialogue

Si l’ambiance est chaleureuse entre collègues, la crainte des représailles se fait vite sentir lors des interviews. Rares sont celles qui acceptent de témoigner en leur nom. « Dès qu’il y a une opposition, les salariés risquent leur poste, peu importe leur degré de compétence », dénonce la représentante de section syndicale CGT Mosaïque Aurore Boby. À ses côtés, des syndicalistes de la CGT Mosaïque, spécialisés dans le domaine de l’action sociale, apportent leur soutien logistique et peut-être même financier. « Si le mouvement social dure, on peut mobiliser nos caisses de grève », affirme Joelle Erdmann, la secrétaire générale de la CGT Mosaïque.

Aurore Boby, responsable de section syndicale CGT Mosaïque à l’APEI Centre Alsace. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg

Pour la syndicaliste Aurore Boby, l’objectif principal de cette mobilisation est de pouvoir « exposer nos revendications devant le conseil d’administration de l’association. C’est une demande qui a été refusée par la direction ». Elle voudrait alors dénoncer une situation « intenable » à l’Esat de l’APEI Centre Alsace où la moitié de l’équipe est en arrêt maladie. Elle regrette aussi des « ordres contradictoires » de la direction et la surveillance selon elle abusive des salariés. « On nous a déjà traité de fainéants qui se gargarisent du moindre effort fourni », déplore la salariée de l’Esat.

À la fin de cette première journée de mobilisation, la direction n’a pas réagi auprès des salariés mobilisés. Pour Aurore Boby, c’est clair : « La grève durera jusqu’à ce qu’on obtienne une audience avec le conseil d’administration. On ne bougera pas tant que ce n’est pas le cas. »


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