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L’étau se resserre contre les skateurs devant le tribunal

Une ultime réunion publique mercredi a tenté d’esquisser des pistes de cohabitation entre les riverains de la place du tribunal et les skateurs. Le bruit généré par les figures exaspère les habitants qui réclament qu’ils soient délogés.

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L’étau se resserre contre les skateurs devant le tribunal

Depuis sa rénovation en 2017, la place du tribunal est devenue un lieu prisé des skateurs. Lisse, légèrement bombée, avec quelques obstacles, des escaliers et des bancs pour le public, elle est parfaite. Tellement appréciée que les jeunes viennent parfois d’autres villes du Bas-Rhin pour y réaliser leurs « rides ».

Interpellations et concertation contre le bruit

L’ennui, c’est que chaque « flip » raté tape sur les pierres et qu’à la longue ce bruit tape aussi sur le système des habitants riverains de la place. À tel point qu’une partie d’entre eux a sollicité la mairie pour faire cesser cette nuisance sonore, par lettres, interpellations directes des élus, tribunes publiques, etc. D’abord rétive à empêcher les jeunes de profiter de la place, la Ville a mis en place une concertation. Mercredi 20 avril en fin d’après-midi, Sophie Dupressoir, élue en charge du quartier, tenait une ultime réunion publique devant une trentaine d’habitants passablement énervés :

« Il faut partager l’espace public, donc je propose que nous définissions ensemble quelles limitations à la pratique du skate nous pourrions envisager, sachant que je me refuse à prononcer une interdiction totale. »

Sophie Dupressoir face à des riverains de la place du Tribunal, excédés par le bruit des skateurs Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

Vague de désapprobation dans l’assistance, composée en majorité de retraités et de personnes âgées. « On partage pas, on subit ! » lance l’une d’elle. « Vous n’allez rien faire ! » « C’est le matin qu’il faudrait leur laisser, de toutes façons ils dorment, » lancent d’autres participants. L’exaspération des riverains est palpable. « Je ne me sens plus chez moi, » pointe Lucie, 50 ans, habitante de la rue du Général-de-Castelnau tandis qu’Yvon, propriétaire de quatre appartements rue du Fossé-des-Treize affirme ne pas être en mesure de les louer à cause du bruit… Un autre riverain « ne se sent pas en sécurité » quand il accompagne ses petites-filles entre son domicile et l’école Schoepflin, située de l’autre côté du quai.

Des skateurs venus de loin, en recherche d’un endroit accueillant

Pendant que les têtes chenues font part de leurs récriminations à Sophie Dupressoir, façon tir groupé, les jeunes continuent leurs glissades à quelques mètres, indifférents à ce qui se déroule et pourrait être décidé à l’issue de cette réunion. L’un d’eux s’approche et avoue être venu depuis Wasselonne pour faire du skate sur la place du tribunal :

« Devant le musée d’Art moderne, il y a trop de drogués. Au parc de la Rotonde, ce ne sont pas des équipements adaptés au “skate de street” qu’on pratique ici… et je ne vais pas prendre le tram pour aller jusqu’à Illkirch, j’en aurais pour 1h30 de trajet ! »

Les jeunes skateurs apprécient cette place, lisse, légèrement bombée et offrant des aménagements pour l’audience… Photo : PF / Rue89 Strasbourg / cc

De fait, les équipements adaptés à cette pratique manquent à Strasbourg et dans le département. Un skate park est programmé dans quelques années au parc de la Citadelle mais les jeunes apprécient plutôt les places lisses en ville, où ils peuvent se croiser et échanger… pas forcément des parks certes dédiés à la pratique mais situés dans des zones reculées où personne ne passe. Le skate est certes une activité sportive mais c’est aussi une activité sociale, surtout pour ces jeunes qui ont en majorité entre 15 et 20 ans.

« Cette place est beaucoup plus agréable et vivante »

Également résidente du quartier, Angelina, 35 ans, se désole :

« Moi ça me fait plaisir de voir ces jeunes dehors… On ne peut pas leur reprocher d’être tout le temps devant leurs téléphones et leur interdire ensuite l’accès à l’espace public. Cette place est beaucoup plus agréable et vivante depuis qu’elle a été rénovée. Les bruits ne me dérangent pas. »

Enseignante, Angelina travaille en journée tandis que les riverains présents, presque tous retraités, appréciaient le silence qui régnait auparavant. Le bruit des voitures, qui ont été repoussées de la rue Finkmatt « ne nous dérangeaient pas », indique une habitante.

Quelques participants mettent des gommettes sur un planning d’occupation partagée de la place… Un compromis pourrait être trouvé pour interdire le skate après 20h et le dimanche…

En embuscade, Pierre Jakubowicz, conseiller municipal d’opposition (Agir) était aussi présent à la réunion publique. Et pour lui, la municipalité n’a que trop trainé :

« Chez un riverain, on a compté jusqu’à 70 bruits de tapement par minute ! Les riverains sont excédés parce que la municipalité n’a pas réagi dès les premières plaintes… J’espère qu’une décision sera prise rapidement, il ne devrait pas être si difficile de dire à ces jeunes d’aller ailleurs… »

Quelles que soient les décisions de limitation qui seront finalement prises, le sort des skateurs sur cette place est de toutes façons mal embarqué : les politiques publiques ne vont jamais à l’encontre d’une demande de silence d’une partie des habitants. D’autant plus que le tribunal est propriétaire du parvis, la partie la plus prisée des skateurs, et que sa direction envisage d’y interdire la pratique du skate a annoncé Sophie Dupressoir à l’assistance. De quoi faire de nouveau régner le silence sur cette place.


#espace public

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