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Un été au cinéma : les films à ne pas rater

En été, il y a les plages et… les films. Pour ceux qui restent à Strasbourg, voici ma sélection pelliculaire estivale et c’est plutôt bien fourni.

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Un été au cinéma : les films à ne pas rater

En 2019 encore, le cinéma est l’endroit parfait pour passer un bel été. Si la climatisation des salles strasbourgeoises a convaincu beaucoup de s’y rendre, l’actualité cinématographique justifie de passer des après-midis dans le noir. L’occasion, à la moitié d’un été caniculaire, de faire un premier bilan – non-exhaustif et évidemment subjectif – et d’appréhender un mois d’août chargé en événements et sorties de films.

Parasite

L’actualité dense de l’industrie cinématographique est marquée par Parasite (Bong Joon-Ho) Palme d’or cannoise qui connaît un succès populaire légitime et enthousiasmant. Ce récit d’une famille prolétaire, dotée d’un jeune homme débrouillard, qui s’immisce en douce dans le quotidien de bourgeois naïfs, aveuglés par leur propre condition sociale, a tout pour devenir une fable moderne. Six ans après Snowpiercer : Le Transperceneige, qui traitait déjà de la lutte des classes mais par un traitement plus métaphorique, n’en reste pas moins l’autre face d’une même pièce, celle de la construction d’un discours critique aiguisé sur la détérioration des relations humaines dans un monde capitaliste et surtout américanisé.

Quelle bonne nouvelle que de voir le film dépasser les attentes de The Jokers, son distributeur français, qui le fait doubler en VF avec beaucoup de soin pour ouvrir l’œuvre à un nouveau public qu’elle trouvera sans aucun doute.

Parasite, réalisé par Bong Joon-Ho, distribué par The Jokers

Midsommar

En ce qui concerne le cinéma d’horreur, il y a de quoi être rassuré. Une nouvelle génération prend la relève en réalisant des œuvres qui brillent par leur inventivité, leur discours souvent critique, un humour piquant et par la volonté authentique de raconter des histoires simples, sans se réfugier derrière la prétention d’avoir compris les codes et de les déjouer. Avec Jordan Peele (Get Out, Us) ou Robert Eggers (The Witch, The Lighthouse), Ari Aster en fait partie et a su prouver sa valeur dès le premier long métrage : Hérédité, sorti l’an dernier, frôlait déjà le coup de maître.

Disons-le d’emblée : Midsommar est LE film d’horreur de l’été. L’histoire est celle de Dani, une jeune femme sur le point de rompre avec son petit-ami très peu attentionné. Après un événement traumatique et ne sachant se résoudre à se quitter, ils partent en vacances en pleine campagne suédoise, dans la famille d’un ami de faculté afin de participer, curieux, à une célébration païenne. L’accueil chaleureux de ces hippies homéopathes tourne vite à l’angoisse dès lors qu’il s’agit de rendre à la nature ce qu’elle nous donne, sang et chair compris.

Autant dire que l’annonce d’un deuxième film qui présenterait une secte suédoise en rase campagne laissait présager un traitement savoureux de la part d’Aster. Son style déjà affirmé, qui mélange l’étrange façon Lánthimos, une bande originale anxiogène, des personnages complexes et une conception très concrète du gore, convenait parfaitement pour ce sujet délicat, tarte à la crème du cinéma d’horreur. Cette tentative, toujours radicale, d’horrifier le spectateur en plein soleil fonctionne pleinement et les images de terreur, abondantes, risquent bien de s’imprimer dans nos rétines pour longtemps encore.

Midsommar, réalisé par Ari Aster, distribué par Metropolitan Films

Annabelle 3 : La Maison du Mal

Autre conception de la peur au cinéma, la poupée maudite la plus célèbre de la décennie revient sur les écrans pour un troisième opus. Annabelle 3 : La Maison du Mal ne promettait pas grand-chose, comme à l’habitude des spin-offs de Conjuring. Le premier film, inintéressant, préparait au moins le terrain du deuxième, déjà plus convaincant. Cette dernière aventure de la plus laide et ennuyeuse des poupées a le mérite de partir d’une idée plus alléchante que les autres.

Le film s’intéresse à la maison des époux Warren, dont les pratiques d’exorcistes et de démonologies sont au cœur de Conjuring. Après une chouette introduction où l’on prend plaisir à revoir Patrick Wilson et Vera Farmiga camper leur rôle de chasseurs de démons, la baby-sitter de leur fillette ramène une amie un peu trop curieuse. En fouinant la maison, elle tombe sur la fameuse pièce qui contient tous les objets hantés récupérés par les Warren lors de leurs enquêtes et les active bien évidemment tous, dont la poupée Annabelle.

C’est l’occasion d’évoquer des affaires connues des Warren et certains mythes célèbres de la démonologie. Cette caverne d’Ali Baba des horreurs, centre névralgique du film, est le lieu de scènes particulièrement intéressantes comme celle d’une télévision qui diffuse un futur proche ou l’introspection de la fouineuse qui fait le deuil d’un père qu’elle croit avoir accidentellement tué.

Sans prétention donc, Annabelle 3 : La Maison du Mal enrichit une nouvelle fois le Conjuring-verse, crée par James Wan. Après La Nonne, décevant, et La Malédiction de la Dame Blanche, bien meilleur mais qui a souffert d’une distribution catastrophique en France (le film ne parle pas du tout de la Dame Blanche mais bien de La Llorona, croyance mexicaine populaire), Annabelle 3 se laisse regarder pour qui est friand de la mythologie Warren. Attendons désormais un éventuel troisième épisode de la saga principale, en nous contentant pour l’instant du cinéma d’exploitation façon Wan.

Annabelle 3 : La Maison du Mal, réalisé par Gary Dauberman, distribué par Warner Bros. France.

Tolkien

Les biopics sont des objets filmiques intéressants. Certains arrivent, avec beaucoup de justesse, à rendre des hommages posthumes émouvants tout en conservant une valeur cinématographique par des idées de mise en scènes brillantes et originales (I Walk the Line sur Johnny Cash ou Control sur Ian Curtis de Joy Division). D’autres, plus documentaires, sont écœurants de bons sentiments en oubliant qu’un film n’est pas un album photo nostalgique de beuveries (l’ineffable Amy).

Tolkien n’arrive même pas à être de ces catégories tant il est enrobé de mièvreries et de banalités, alors que l’ambition de raconter la vie de cette homme de lettres était légitime. L’auteur du Seigneur des Anneaux n’est résumé qu’à cette œuvre-ci, dont les quelques représentations – plutôt réussies – sont issues des adaptations filmiques, comme si le film ne s’intéressait qu’à l’auteur-qui-a-inspiré-la-fameuse-trilogie-de-Peter-Jackson.

Enfin, le film psychologise l’écrivain, réduisant son travail minutieux d’universitaire à des traumatismes d’enfance, dans un contexte caricatural de l’Angleterre du début XXe siècle. À ce sujet, l’œuvre prétend se moquer des bonnes manières anglaises mais garde une complaisance amusée avec ce qui reste représenté comme une distinction raffinée de l’élite… Quelle déception !

Tolkien, réalisé par Dome Karukoski, distribué par 20th Century Fox

Spiderman: Far From Home

Enfin, six mois après l’excellent Spiderman : New Generation, Spiderman : Far From Home quitte l’Amérique pour faire voyager Peter Parker, toujours campé par Tom Holland, en Europe dans le cadre d’un voyage scolaire. Le costume laissé à la maison, c’est l’occasion pour Peter d’un break mérité après les événements d’Endgame et de séduire Mary-Jane dans des scènes comiques réussies. Teen-movie plus que jamais, les vacances s’arrêtent brusquement lorsqu’un colosse d’eau attaque Venise avant d’être arrêté par Mysterio, nouvel allié de Spiderman qui va faire ses preuves dans des affrontements spectaculaires.

Après Homecoming, décevant tant ce nouveau Peter était dans l’ombre de Tony Stark, Far From Home est une bouffée d’air frais bienvenue pour conclure cette troisième phase du Marvel Cinematic Universe. Mais la surprise, c’est la richesse des discours, inattendus, sur l’illusion et les images médiatiques, abordant les questions de fake news et de traitement d’informations par la presse. Dans ces nouvelles aventures du Tisseur, l’évolution du personnage, pris dans la toile du simulacre, prend enfin une direction intéressante et dont la résolution, très marquante, ne fait qu’appeler un prochain film plus profond encore.

Spiderman: Far From Home, réalisé par John Watts, distribué par Sony Pictures.

Que voir en août ?

Si ces mois de juin et juillet comportaient bien d’autres films intrigants (Yesteday, de Danny Boyle, Le Daim, de Quentin Dupieux, etc), intéressons-nous désormais à quelques événements d’un mois d’août particulièrement chargé.

Once Upon a Time in… Hollywood

La dernière production de Quentin Tarantino, Once Upon a Time in… Hollywood, qui paraîtra le 14 août, s’intéresse à l’histoire d’une star sur le déclin (Leonardo Di Caprio) et de sa doublure (Brad Pitt), plongés dans une industrie du cinéma bouleversée par une actualité politique dense (Vietnam, luttes sociales).

Dès la bande-annonce, des promesses annoncent un film hommage – comme d’habitude chez Tarantino – à l’ère pré-Nouvel Hollywood (la génération Coppola, Spielberg, Scorsese…). Au cœur de ce tumulte au pays des rêves, le film racontera l’assassinat de Sharon Tate (actrice montante et épouse de Roman Polanski) par Charles Manson et sa famille dégénérée, sujet délicat s’il en est. Mention spéciale à l’apparition de Bruce Lee (incarné par Mike Moh) qui sera un personnage célébré dans le film et dont on souhaite que l’apparition ne se résume pas qu’à une scène, mais dont les premiers retours sont plutôt tièdes. Reste à savoir ce que Tarantino peut dire d’Hollywood et de son affreux monde.

Ce bon copain d’Harvey Weinstein, qui a produit ses films, saura-t-il traiter avec justesse et esprit critique un tel contexte, entaché d’un féminicide et d’un contexte politique chargé ? À n’en pas douter, ce réalisateur boulimique d’images proposera au moins une réflexion, propre à la post-modernité qu’il représente, sur le patrimoine cinématographique qui l’a nourri.

Once Upon a Time in… Hollywood, réalisé par Quentin Tarantino, distribué par Sony Pictures.

Le Gangster, le Flic et l’Assassin

Le même jour, espérons que Le Gangster, le Flic et l’Assassin profite du succès de Parasite pour renouveler l’intérêt français pour le cinéma coréen. Ce thriller est le second long-métrage de Lee Won-tae, nouveau réalisateur qui signe ici son deuxième film, passé en midnight movie à Cannes. Au casting, on retrouve avec plaisir Ma Dong-seok, qui jouait un futur papa bourru dans Dernier Train pour Busan, peut-être le personnage le plus attachant du film.

Cette fois-ci, l’histoire est celle d’un policier qui va s’associer à un chef de gang pour traquer un tueur en série qui a sali la réputation de ce dernier. Si la bande-annonce délivre ses promesses, on peut s’attendre à ce que Le Gangster, le Flic et l’Assassin soit fait du même bois qu’un The Villainess ou A Hard Day, à savoir des productions léchées et dont le spectacle est assuré.

Le Gangster, le Flic et l’Assassin, réalisé par Lee Won-tae, distribué par Metropolitan Films.

Rétrospective Kenji Mizoguchi

Pour qui veut s’intéresser à l’histoire du cinéma, les cinémas Star savent y faire en proposant des rétrospectives de qualité. Après une rétrospective dédiée à Charlie Chaplin, et pendant une autre sur Almodovar, le Star Saint-Exupéry célèbre le cinéma japonais en projetant huit films restaurés de Kenji Mizoguchi.

Ce cinéaste, dont beaucoup de films ont été perdus, en est pourtant un pilier, avec Akira Kurosawa ou Yasujirō Ozu. Son sens esthétique, ses cadres très soignés, son goût du mélodrame – féminin principalement – mais qui refuse la surenchère valent le coup d’œil.

Pour commencer, je vous conseillons son dernier film, La Rue de la Honte (1956) qui traite de la prostitution tokyoïte alors que le pays pense à en interdire la pratique, film magnifique sur le destin de femmes dans un japon d’après-guerre bouleversé par l’occupation américaine. Et pour ceux qui sont en quête de frissons, Les Contes de la lune vague après la pluie (1953) , son chef-d’œuvre, est un film de fantôme qui fait le récit de Genjuro, potier campagnard qui délaisse sa famille pour tenter sa chance en ville. Il est alors séduit par une femme au charme étrange, dame Wakasa. Fable fantastique et mélodrame puissant, ce long-métrage est un film précurseur du film de fantôme à la japonaise mais également une œuvre qui invoque une riche histoire du théâtre, kabuki et nô notamment, déjà hantée par des figures spectrales.

Présentation des huit films de la rétrospective Kenji Mizoguchi orchestrée par Capricci Films.

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