
Après l’évacuation du camp de la Montagne Verte, des personnes logées et des tentes subtilisées aux associations
Une centaine de personnes, dont de nombreux enfants, vivant sous des tentes dans le quartier de la Montagne Verte ont été évacuées mardi matin par la police nationale. Les primo-demandeurs d’asile ont été dirigés par les services de l’État vers des logements dédiés. Les personnes qui ont d’autres statuts ont été placées dans des foyers de l’association Accueil Sans Frontières 67, à Bouxwiller. Ils devront à nouveau justifier leur situation dans les jours qui viennent. Les tentes utilisées par les réfugiés n’ont pas été rendues aux associations.
Le campement situé près de l’arrêt de tram de la Montagne Verte a été évacué par les services de l’État le 14 septembre, vers 6h30. Une cinquantaine de CRS en faction et de la rubalise délimitaient un périmètre de sécurité autour de la zone. Dans ce camp installé depuis la fin du mois de juillet au début de la route de Schirmeck, on comptait environ 100 personnes, réparties en 21 familles d’Europe de l’Est, dont des malades et de nombreux enfants en bas âge.
Les habitants du camp ont été emmenés en bus, dans le centre de l’Epide, quartier Vauban, où les services de l’Office français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) ont examiné leurs statuts. Selon les informations transmises par des familles directement à Rue89 Strasbourg ou à des associations, l’OFII a emmené environ 60 personnes, celles qui demandent l’asile pour la première fois en France, dans des structures d’hébergement dédiées. La préfecture a aussi dirigé près de 40 personnes dans trois foyers d’Accueil Sans Frontières 67 (ASF 67), à Bouxwiller.
Des acteurs associatifs s’inquiètent du manque de communication de la préfecture
Selon une personne qui travaille pour cette association, « la préfecture a sollicité l’ASF 67 pour héberger temporairement les personnes ayant d’autres statuts que primo-demandeurs d’asile. Elles devront justifier administrativement leur présence en France dans quelques jours ». Par exemple, certaines ont des titres de séjour santé, d’autres ont été déboutées du droit d’asile, mais leurs enfants sont scolarisés à Strasbourg depuis plusieurs années. Elles risquent, dans le pire des cas, d’être reconduites à la frontière.
Pablo, fondateur de la maraude des Vélos du Cœur, en lien avec plusieurs familles placées à Bouxwiller, explique que « celles-ci sont dans le flou par rapport à leur traitement ». Nicolas Fuchs, de Médecins du Monde, dit aussi manquer d’informations sur la situation des personnes à Bouxwiller et Benfeld : « Il n’y a pas de transparence sur leur prise en charge. » La préfecture n’a pas répondu à nos questions sur le sujet.

Depuis plusieurs semaines, les services de l’État, qui s’étaient rendus sur place, avaient établi une liste des noms des habitants du camp. Il fallait être sur cette liste pour être évacué ce 14 septembre au matin. La préfecture assure dans un communiqué que « les personnes seront prises en charge et hébergées au vu de leur situation personnelle et administrative ».
Les tentes fournies par les associations subtilisées après l’évacuation
Des membres de Strasbourg Action Solidarité ont essayé de négocier avec les forces de l’ordre, afin de récupérer les tentes données par les associations. En vain. À la demande de l’État, des bénévoles de la Protection civile ont démonté toutes les tentes et les ont mises dans des camionnettes. Valérie Suzan, présidente de Strasbourg Action Solidarité, commente :
« Nous en avions fourni une multitude. Il y en avait pour des milliers d’euros sur le site. La veille encore, nous avions encore fourni une tente neuve. C’est du gâchis. Nous travaillons d’arrache pied pour la dignité des personnes à la rue, nous n’avions pas besoin de ça. »
Sur place, il restait de nombreuses affaires des familles qui n’ont pas pu tout emmener avec elles, notamment les tentes de l’association Strasbourg Action Solidarité (Photo TV / Rue89 Strasbourg). Il restait également les affaires personnelles des familles, comme les jeux des enfants (Photo TV / Rue89 Strasbourg).
La préfecture a demandé aux services de l’Eurométropole d’enlever « les éléments constitutifs du campement ». Quelques heures après l’évacuation du camp, Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg, et Floriane Varieras, adjointe en charge des solidarités, ont diffusé leur réaction :
« Nous demandons une mise à l’abri durable des personnes. Nos services se tiennent prêts pour faciliter l’accès des familles à leurs effets personnels laissés sur le campement. »
Une évacuation qui intervient une semaine après une réunion de quartier houleuse
Le lundi 6 septembre, environ 70 riverains du camp avaient interpellé plusieurs adjoints à la maire, dont Pierre Ozenne en charge de l’espace public, lors d’une réunion de quartier houleuse, au sujet des conditions déplorables d’accueil de ces familles (pas de sanitaires, pas d’eau potable). Quelques jours après la réunion, des toilettes sèches et un accès à l’eau potable avaient été installés sur le camp.

Finalement, une semaine après cette réunion, les services de l’État ont décidé d’évacuer le camp sans prévenir la Ville. Dans son communiqué, la préfecture explique que ce campement illicite « générait des risques pour la sécurité sanitaire des occupants et des nuisances pour les riverains ».
Est-il possible pour la mairie de réquisitionner les logements vacants (2000 à Strasbourg) ?
Si oui, pourquoi ne le fait-elle pas?
Est-ce, à l'instar de sa politique écologique, par peur de mettre en place des solutions qui aient un impact réel et efficace sur la vie des habitants ?
Je crois que c'est une prérogative préfectorale
https://www.anil.org/documentation-experte/analyses-juridiques-jurisprudence/analyses-juridiques/analyses-juridiques-2012/requisition-des-logements-vacants-avec-attributaire/
Deux procédures encadrent aujourd'hui la réquisition. Créée par une ordonnance de 1945, la première permet aux préfets de prendre possession des locaux vacants pendant cinq ans au maximum, afin d'y loger des personnes sans domicile ou mal-logées. Les propriétaires reçoivent alors une indemnité, dont le montant peut être convenu à l'amiable ou fixé par la justice. De leur côté, les occupants peuvent réaliser des travaux, mais doivent prendre les coûts à leur charge. Conçu pour répondre à des crises exceptionnelles, comme la sortie de guerre et l'accueil des rapatriés d'Algérie, ce dispositif a également été employé à plusieurs reprises dans les années 1990. À la suite de l'occupation très médiatisée d'un immeuble du centre de Paris par le DAL fin 1994, deux campagnes de réquisition ont notamment été lancées par Jacques Chirac : 811 logements ont alors été saisis en région parisienne.
Une seconde voie a été ajoutée peu après dans la loi, en 1998. Celle-ci permet également au préfet de réquisitionner des logements vacants, mais ils doivent cette fois l'être depuis au moins un an. La saisie peut alors durer au maximum six ans, ou même jusqu'à douze ans en cas de travaux de rénovation lourds. Surtout, cette procédure introduit un intermédiaire entre les bénéficiaires et les propriétaires : la préfecture confie le logement à un "attributaire", qui prend en charge les travaux, perçoit un loyer des occupants et verse une indemnité au détenteur du bien. Cet acteur peut être un organisme HLM, une collectivité locale ou encore l'Etat lui-même. Autre différence notable avec l'ordonnance de 1945 : seuls les locaux appartenant à des "personnes morales", c'est-à-dire des entreprises ou des institutions, peuvent être visés.
Navré j'étais ironique dans ma question. Je vous remercie pour le temps que vous avez consacré à me répondre.
C'est pour cela notamment qu'il faut développer du logement intercalaire (et pas des squats) à Strasbourg !
J'applaudis des 2 mains ...
Ils convoquent aussi la tradition d'humanisme rhénan que les élus strasbourgeois aiment convoquer pour donner de l’éclat et de la noblesse à leurs actions et à leurs initiatives.
Le parallèle est certainement régulièrement approprié, même si on peut nuancer avec Stefan Zweig (cité par Gabriel Braeuner dans la revue de l’ association Espoir, No 172, décembre 2018, p. 6) : « La cause de la rapide décadence et de la fin tragique de l’humanisme c’est que si ses idées étaient grandes, les hommes qui les proclamaient manquaient souvent d’envergure ». Et même si cet humanisme n’empêchait ni l’antijudaïsme virulent, ni de jeter au bûcher les sorcières ou encore de rester indifférent aux « massacres de quelques dizaines de milliers de paysans séditieux au printemps 1525 aux portes de Saverne et de Scherwiller ( bien avant l’époque des ronds-points et des gilets jaunes). »
Pas compliqué d ' harceler les vulnérables!
Quel bénéfice la société espère-t-elle y gagner?
Souvenez vous de l' absurde carence de trois mois imposée aux bénéficiaires de l' AME en 2020...
" Selon que tu es puissant ou misérable"
Suite au vote des trois mois de carence ( en 2020) pour la prise en charge des soins pour les étrangers demandeurs d'asile, cinq médecins ( dont je m'honore de faire partie) saisissent l’Ordre des médecins contre la ministre de la Santé en poste à l’époque.
En matière de soins octroyés aux étrangers, on a le sentiment étrange qu’insensiblement et insidieusement, de manière « perverse », par les moyens de la précarisation et de l’humiliation, les pouvoirs publics se fixent un objectif : exclure l’humain et évaluer les coûts des « flux » migratoires.
« Or rendre la vie invivable a des effets bien réels sur la vie des migrants. La politique migratoire n'y voit que des corps : par exemple, on utilise des tests osseux pour vérifier l'âge… On déplace des corps. Mais ce sont des personnes. Et c'est ce que nous rappelle le syndrome de résignation : il y a des personnes vivantes dont on rend la vie invivable. C'est le symptôme d'une politique qui dit à des gens qu'ils n'existent pas, et qu'ils ne peuvent pas exister. » (Éric Fassin.)
Ces mesures administratives ou législatives confirment le dessein d’une nouvelle philosophie de la gestion technique de la santé et de l’évaluation du soin.
Au lieu d’un abord global et d’une écoute de « l’usager » et de sa famille avant tout, les diagnostics tendent à être établis sur la base de bilans (épreuves et tests visant à mesurer et chiffrer les symptômes) et pratiqués en première intention.
Les soins sont alors avant tout éducatifs, rééducatifs et médicamenteux ; l’approche psychologique et sa part dans les soins sont réduites à la portion congrue, d’où les attaques haineuses contre la psychanalyse et piètres contre les médecines alternatives.
Or, l’expérience du terrain et du secteur nous a bien appris que la santé tient aux circonstances culturelles, sociales et économiques ; à la faculté d’adaptation et à la foi dans l’avenir développées durant l’enfance ; aux réseaux d’amitié et de soutien auxquels chacun a accès au travail, à la maison et dans la vie sociale ; au sentiment de disposer d’une marge de manœuvre et d’une certaine maîtrise de son travail et à la capacité à faire face aux changements brutaux de la vie (chômage, séparation, décès…)
Le fait d’exercer la politique pour un médecin l’exonère-t-il de respecter le serment d’Hippocrate ?
Une ministre est-elle responsable des crimes commis au nom de décisions gouvernementales prises de manière collégiale ?
Quelles sont les limites éthiques de l’exercice politique ?
Les médecins en politique doivent bien répondre de leurs actes.
L’Ordre national des médecins, habituellement beaucoup moins bien inspiré, a émis une mise en garde contre la carence de trois mois pour la prise en charge des soins des demandeurs d’asile, soulignant les « risques sanitaires » qu’elle induit.
Prenant l’Ordre des médecins au mot, nous avons collectivement déposé une plainte devant ses instances contre la ministre de la santé
Texte de la saisine envoyée le 5 mars 2020 en recommandé :
« Monsieur le Président du conseil Départemental (75) et cher confrère,
Nous dénonçons, avec de nombreuses associations et professionnels de santé*, la complicité de Madame le Dr Agnès Buzyn, ministre des Solidarités et de la Santé, membre d’un gouvernement dont les décisions récentes portent atteinte, directement, à la santé physique et psychique d’une population connue pour être particulièrement vulnérable
Comme l'a d'ailleurs rappelé l'Ordre, lui-même, dans une récente mise en garde contre cette mesure, soulignant les « risques sanitaires » qu’elle induit. L’Ordre y voit aussi une contradiction avec le serment prêté par les médecins « de protéger toutes les personnes, sans aucune discrimination, si elles sont affaiblies, vulnérables ou menacées dans leur intégrité ou leur dignité ».
Les conséquences graves de cette politique, qui préconisent, notamment, d'imposer un délai de présence (ou de carence) de trois mois aux demandeurs d’asile, avant de demander une couverture maladie, représentent un recul sans précédent pour les droits et la santé publique en France.
En plus de faire de l’accès aux soins un parcours du combattant, ces décisions augmentent le risque pour les personnes exilées de contracter des maladies en vivant dans des conditions de vie extrêmement précaires et parfois instables, géographiquement.
Elles vont aussi entraîner une pression supplémentaire pour les équipes hospitalières, les caisses d’assurance maladie et les finances publiques.
Pourquoi déstabiliser l’insertion déjà fragile des personnes étrangères, ce qui affaiblirait durablement le travail des professionnels de santé et du médico-social ?
Inévitablement, cette réforme conduira à des renoncements et à des retards de soins pour des centaines de milliers de personnes.
Privées d’accès aux soins préventifs et curatifs précoces, des personnes en situation de précarité, dont des femmes enceintes à la rue et des enfants, consulteront aux urgences. D’autres attendront l’aggravation de leur état de santé, pour devoir in fine se rendre à l’hôpital. Concrètement, ces prises en charge plus nombreuses et à un stade plus avancé s’imposeront aux équipes des urgences hospitalières, déjà saturées. Ces décisions vont ainsi décupler les coûts humains et financiers.
Les risques de contagion sont réels, une fois les maladies contractées du fait de la précarité et de la promiscuité : tuberculose, VIH, rougeole, coronavirus aujourd'hui plus que jamais, ainsi que les risques de décompensation psychique et de tentatives de suicide.
Ces conséquences désastreuses sont d’une évidence telle qu’elles marquent bien une volonté politique de précarisation.
Comment les professionnels de santé pourront-ils gérer l’accès aux soins et la continuité des soins de ces personnes, si leurs droits peuvent être remis en cause d’un jour à l’autre, sans préavis ?
Comment soigner des personnes dont les droits à l’Assurance maladie seront repoussés, et qui seront interdites de couverture maladie au motif qu’il leur faut attendre trois mois de régularité de séjour ?
Quelles instructions seront données par le ministre de la Santé aux soignants et aux établissements hospitaliers pour préserver dans toutes les situations la délivrance des soins nécessaires ?
Lorsque ces personnes sans droit se présenteront aux soins de premiers recours (médecins généralistes, pédiatres, psychiatres, etc.), ces médecins devront les accueillir gratuitement et tenter de les soigner sans accès aux examens complémentaires diagnostiques ni aux médicaments.
L’analyse de ces mesures révèle de nombreuses inquiétudes : elles s’avèrent néfastes pour la santé des personnes étrangères vulnérables, pour les équipes hospitalières, les professionnels de santé et du médico-social et les caisses de Sécurité sociale.
Nous avons donc décidé de saisir l’Ordre des médecins au sujet de Madame le Dr Agnès Buzyn, car elle contrevient ou se met en position de contrevenir à :
ARTICLE R. 4127-2 du Code de santé publique (CSP)
Le médecin, au service de l’individu et de la santé publique, exerce sa mission dans le respect de la vie humaine, de la personne et de sa dignité.
ARTICLE R.4127-7 du CSP
Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs mœurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu’il peut éprouver à leur égard. Il doit apporter son concours en toutes circonstances. Il ne doit jamais se départir d’une attitude correcte et attentive envers la personne examinée.
ARTICLE R.4127-9 du CSP
Tout médecin qui se trouve en présence d’un malade ou d’un blessé en péril, ou informé qu’un malade ou un blessé est en péril, doit lui porter assistance ou s’assurer qu’il reçoit les soins nécessaires.
ARTICLE R.4127-32 du CSP
Dès lors qu’il a accepté de répondre à une demande, le médecin s’engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science en faisant appel, s’il y a lieu, à l’aide de tiers compétents.
COMEDE, GISTI, Médecins du Monde, SMG, ODSE (Observatoire de la santé des étrangers)
Merci Alex de veiller.
Espérons que l' OFII fera usage fraternel et hospitalier de ses prérogatives.
Accueillis à l' Epide , est-il écrit: espérons aussi que nous serons aussi digne que
le Général Picquart sous le nom duquel siège la structure: lui qui a risqué son nom, sa carrière, sa situation et sa vie pour défendre le principe de la justice et de la vérité lors de l'emblématique affaire Dreyfus.
Rappelons-nous qu'alors la France était déjà coupée en 2 ...