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Éprouver l’existence des fantômes au Kunstmuseum de Bâle

Le Kunstmuseum de Bâle ouvre ses portes aux esprits avec une exposition temporaire appelée Fantômes, Sur les traces du surnaturel. Plongées dans une atmosphère sombre et mystérieuse, les 160 œuvres présentées immergent le public dans un passé qui n’a pas fini de hanter.

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Éprouver l’existence des fantômes au Kunstmuseum de Bâle
Vue de l’Installation Pepper’s Ghost, reprise d’une technique scénique du XIXe siècle.

Point n’est besoin d’être une Chambre 

 – pour être Hanté –

Point n’est besoin d’être une Maison –

Le Cerveau a des Couloirs

– qui surpassent

L’Espace matériel

Emily Dickinson (1830–1886)

L’imaginaire est remplie de fantômes, ectoplasmes ou autres spectres. Le Kuntsmuseum de Bâle propose une rétrospective de 250 ans sur les productions artistiques qui cherchent à rendre compte de leur présence.

Entre art et histoire : comprendre la nature des fantômes

Ce qui frappe dès la première salle, et pour l’ensemble du parcours de l’exposition, c’est le choix scénographique singulier ici : les œuvres sont exposées  avec une parcimonie de lumière qui en révèlent toute la dimension inquiétante, dérangeante. Parmi les photographies qui nous sont parvenues du XIXe siècle et qui présentent des scènes d’exorcisme et de possessions, il se trouve aussi divers objets comme un plateau de ouija. Invisible et insaisissable, le fantôme a longuement intrigué la science. De nombreuses expériences ont été menées pour prouver leur existence. Si le fantôme est un être impalpable, la présence de ces reliques le matérialise pleinement.

Vue de l’œuvre To Repel Ghosts Photo : Axelle LEHMANN / Rue89 Strasbourg

Des notes de médium, griffonnées frénétiquement sont ici présentées à côté de tableaux et d’objets spirites. Fantôme, sur les traces du surnaturel cumule 160 œuvres et objets qui représentent autant d’interprétations et expériences de l’invisible et de ses mystères. Chaque photographie, chaque toile et chaque sculpture représente alors un espoir de se rapprocher de la compréhension d’un monde hors de notre portée. Le public est emporté dans un cheminement d’exposition, à travers les clichés, objets divinatoires et représentations culturelles que les artistes, médiums et scientifiques ont attribué aux spectres. Il ne s’agit ni de remettre en question le caractère rationnel de l’existence, ni de fonder une croyance en l’existence des spectres. L’exposition donne plutôt à voir ici de nouvelles facettes du fantôme, et de son histoire.

Ressentir la hantise – parcourir l’exposition et frôler l’au-delà

Beaucoup d’éléments visuels ont été associés aux fantômes et au passage dans l’au-delà. L’obscurité des lieux rend bien plus alerte aux changements de température et autres souffles qui existent dans le dédale des couloirs. Des lumières clignotantes balisent le parcours. Les motifs du brouillard et du voile, que l’on retrouve dans de nombreux clichés et peintures, s’accompagnent d’une atmosphère sonore sombre, ou même lugubre, qui semble hanter le public depuis l’entrée. Si les fantômes ne s’étaient pas déjà invités dans le parcours, ils seraient fabulés dans le reflet d’une vitre ou dans le râle bourdonnant qui emboîte le pas des visiteurs. 

Le parcours se rythme aussi par un rapport singulier aux œuvres. Les murs des premières salles présentent une surcharge visuelle : toiles, projections vidéo, installations et photographies en tout genre… Puis, soudain, l’ambiance change : une pièce entièrement déserte. Il faut alors avancer prudemment dans un espace qui semble à présent hanté par le vide pour, peut-être, ressentir le souffle d’une « inquiétante étrangeté ». 

Vue de l’œuvre Desvestidos, dite « dévêtue »Photo : Axelle LEHMANN / Rue89 Strasbourg

Mais le fantôme n’est pas uniquement l’apparition inexpliquée qui terrifie les nuits, ces récits pleins de fantasmagories. Il peut également se matérialiser au travers de tous ceux qui sont absents, ou qui ont été effacés de l’histoire collective : dans la violence des actes  qui ont réduit des voix humaines  au silence. Il existe en effet des passés tenaces qui hantent le présent, des absences refoulées qui peuvent resurgir tout à coup, au détour d’un moment d’histoire, à l’image des promesses de hantises des victimes d’injustices structurelles que l’on retrouve griffonnées hâtivement sur le blanc d’une toile de Glenn Ligon : « Je me transforme sous tes yeux en fantôme et je viendrai te hanter. »  


#Art contemporain

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