
Dernier rebondissement dans la saga du futur Pôle d’administration publique de Strasbourg (PAPS): l’expert chargé d’évaluer les problèmes du chantier pourrait être récusé par le tribunal administratif de Strasbourg, alors que les travaux sont à l’arrêt depuis juillet 2014. Personne ne sait quand l’établissement verra enfin le jour. Sciences Po Strasbourg devra encore patienter quelques années pour déménager.
Un budget total de plus de 50 millions d’euros, déjà deux ans de travaux pour un « projet phare » de Strasbourg. On s’était donné les moyens pour les futurs Pôle d’administration publique de Strasbourg (PAPS) et Pôle de compétence en propriété intellectuelle (PCPI). Sauf que le projet est en rade depuis juillet 2014 pour cause de fissures dans la structure du bâtiment. Les quelque 1 400 étudiants de l’Institut d’Etudes Politiques (IEP) de Strasbourg qui sont à l’étroit dans leur actuel Ensemble Saint-Georges avenue de la Forêt Noire vont devoir se serrer encore longtemps.
Les travaux ont bien commencé en 2013 et plus de 15 millions d’euros ont été engagés en 2014, mais en juin 2014, coup de théâtre : le cabinet d’ingénierie RFR constate des fissures sur la structure de béton et émet des doutes sur la solidité du bâtiment, alors que l’habillage du bâtiment était déjà en cours (voir encadré et photos).
Du jour au lendemain, les travaux s’arrêtent, les ouvriers n’ont plus le droit d’accéder au site et l’équipement présent sur place est laissé à l’abandon, y compris du matériel isolant qui entre temps est devenu inutilisable. Les premiers éléments évoquaient des erreurs de conception dans les « poutres voiles » qui servent à soutenir les charges lourdes. La CUS, qui est maître d’ouvrage, a saisi le tribunal administratif de Strasbourg, lequel a désigné l’architecte Schilikhois Claude Bucher comme expert judiciaire chargé de déterminer les erreurs et les responsabilités de ce fiasco.
Un feuilleton judiciaire qui embourbe encore un peu plus le chantier
Alors que l’expert était désigné depuis six mois et devait rendre ses conclusions en mai, le cabinet d’ingénierie RFR a décidé de demander sa récusation pour cause de partialité et de liens avec l’une des parties : Claude Bucher travaille actuellement sur des chantiers de CUS-Habitat (l’office public du logement social) et exerçait jusqu’en 2014 un mandat d’élu local à Schiltigheim ainsi que des activités à la mission locale de la CUS-nord. Ce mercredi 8 avril, le tribunal administratif de Strasbourg a donc examiné cette demande lors d’une audience publique.
Maître Maxence Levy, l’avocat représentant l’Eurométropole lors de l’audience, a contesté cette partialité présumée de Claude Bucher puisque CUS-Habitat est une entité juridique distincte de l’Eurométropole, et a il souligné la gravité de la situation :
« Pourquoi avoir attendu si longtemps avant de demander la récusation de Claude Bucher, qui était connu par toutes les parties depuis septembre 2014 ? Les dommages collatéraux seraient gigantesques si on changeait d’expert maintenant. À l’heure actuelle, dans le meilleur des cas le bâtiment sera livré fin 2017, mais si l’on retarde encore les délais alors cela deviendrait catastrophique. »
Le tribunal rendra son jugement le 22 avril, mais en attendant on tente de « sécuriser » le site. Au passage, l’avocat semble plus pessimiste sur la date de livraison que la direction de l’IEP de Strasbourg qui assure que la rentrée 2017 se fera dans ce futur bâtiment.
Le site Internet de l’IEP de Strasbourg rappelle pudiquement que « la maîtrise d’ouvrage et l’équipe de maîtrise d’œuvre se mobilisent pour essayer de trouver à l’amiable les solutions techniques réparatrices ». D’après Lipsky + Rollet, des « consolidations de certains éléments fragiles » sont en cours, mais lors de notre passage aux abords du chantier, toujours strictement interdit d’accès, aucune activité n’était visible. Les élèves rapportent que d’après leurs enseignants une mauvaise évaluation des sols, jugés stables à tort, explique que ce bâtiment flambant neuf risque de s’écrouler. Mais personne ne veut porter de telles accusations publiquement
Le 25 mars 2015 un nouvel appel d’offre a bien été publié par l’Eurométropole pour la « sécurité et le confortement d’un ouvrage en béton armé présentant des désordres structurel », pour une durée des travaux de huit mois. Avant les conclusions juridiques, l’Eurométropole est donc bien contrainte de mettre à nouveau la main au portefeuille pour sécuriser le site.
Sérénité affichée à l’Eurométropole
Le sujet est devenu tabou. Quels que soient les interlocuteurs au sujet du PAPS – université, architectes, exécutants, bureau de contrôle -, tous renvoient vers l’Eurométropole, maître d’ouvrage du projet. Mais au service juridique comme au service de la communication, on a pour consigne de ne pas se prononcer sur le sujet. C’est donc Nicolas Matt, vice-président de l’Eurométropole en charge des relations avec l’Université, qui distille un message d’apaisement :
« C’est un coup dur pour l’IEP et nous sommes dans une phase de préparation et d’attente avant l’avis de l’expert , qui devrait être rendu en mai (si l’expert n’est pas révoqué entre temps, ndlr), mais nous sommes calmes, nous attendons sereinement. Mon sentiment est que nous allons vers un scénario de type rattrapage des défauts de construction même si aucun scénario ne semble plus probable qu’un autre. Je reconnais que ce projet n’est pas un exemple à suivre, et en effet nous avons pensé à faire évaluer les coûts de démolition s’il le fallait. »
Cette apparente sérénité contraste avec la bataille judiciaire ardue qui a lieu au Tribunal administratif et risque de ne pas faire plaisir à l’IEP.
Une rentrée 2015 impossible pour l’IEP et le spectre d’une démolition
Les difficultés rencontrées sur le chantier sont un coup dur pour l’IEP de Strasbourg, qui aurait dû être hébergé dans le bâtiment flambant neuf dès la rentrée 2015. L’arrêt du chantier a suscité des inquiétudes parmi les enseignants et les élèves et en attendant le rapport de l’expert, les rumeurs enflent sur les rentrées à venir ou l’option d’une démolition-reconstruction aux frais du maître d’ouvrage. Mais une chose est sûre : l’IEP de Strasbourg n’est pas prêt de se développer dans ses nouveaux locaux avant plusieurs années.
Sciences Po Strasbourg joue gros : le conseil d’administration avait approuvé le principe d’une prolongation du cursus à une 5e année, la création d’une nouvelle section « politique et société » ainsi que la création de nouveaux masters en communication et en gestion de projets culturels. Le corollaire étant l’augmentation du nombre de salles et du nombre d’élèves ainsi que le développement des infrastructures et des services. Le bâtiment actuel ne pourra pas accueillir tout ce monde.
Difficile de démêler les responsabilités
Philippe Juhem, maître de conférences en Sciences politiques et membre du Conseil d’administration, ne cache pas son inquiétude pour l’avenir immédiat de l’IEP :
« La situation est complexe, comme souvent sur un chantier de cette ampleur, il est difficile de déterminer les responsabilités de malfaçons parmi un ensemble de contractants et de sous-traitants. Nous sommes tous pendus aux conclusions de l’expert, mais nous savons aussi que par définition une expertise est contestable, car des millions d’euros sont en jeu et personne ne voudra y perdre. Il y a quelques mois, la CUS évoquait une possible solution à l’amiable, mais ce scénario semble bien improbable à présent. Ce qui nous inquiète, c’est que l’arrêt indéterminé des travaux nous oblige à continuer à rester dans des locaux exigus et vétustes. Nous sommes contraints de chercher des locaux supplémentaires ailleurs mais nous sommes en concurrence avec l’École de Management (EM) qui elle aussi prospecte dans le même quartier ».
Jean Howiller, président de l’Association des anciens élèves de l’IEP et également membre du conseil d’administration, déplore le manque d’information :
« Il n’y a pas assez d’informations qui filtrent au sujet de ce chantier, ce que je regrette et j’en ai fait part au conseil d’administration. Mais cela donne surtout lieu à beaucoup de craintes et de rumeurs : faudra-t-il détruire et reconstruire ? Qui va payer ? Combien de temps cela prendra-t-il encore? Quoi qu’il en soit, l’ampleur du retard a d’ores et déjà des conséquences sur le fonctionnement de l’IEP : le bâtiment actuel est vétuste et il n’était pas prévu de s’en servir après 2015. Cela implique l’engagement de dépenses supplémentaires pour réaménager des salles, remettre les sanitaires aux normes, réviser les ascenseurs et le conduites d’eau, etc. »
Le « système D » à l’IEP jusqu’à la fin des travaux
De fait, l’IEP est confronté à un véritable problème d’espace, qui était pourtant la condition à ses projets de développement : à l’heure actuelle les 1 400 élèves de l’IEP de Strasbourg en font le plus modeste de France avec celui de Rennes, puisque les autres IEP de province accueillent en moyenne 2 000 élèves. D’autre part, les frais de scolarité ont été « modulés » en fonction du revenu parental pour élever le maximum à 3 000 euros par an, contre environ 1 000 auparavant, dans un objectif de développement de l’IEP. Des élèves qui ont participé à cette hausse ne verront jamais le nouveau bâtiment.
Mais pour le moment les perspectives de déménagement s’éloignent tandis que la nouvelle modulation est bel et bien mise en place, même si en moyenne les frais de scolarité restent modestes par rapport aux écoles de commerces. Les 700 000 euros annuels de rentrées des frais de scolarité seront pour le moment utilisés pour la rénovation de l’ancien bâtiment, le fonctionnement et l’administration.
En attendant, le directeur de l’IEP Sylvain Schirmann s’occupe de l’organisation de la rentrée 2015. Lors d’une réunion du conseil d’administration le 27 novembre 2014, il avait indiqué que « la réforme [des filières] ne s’appliquera pas en 2015, sauf si l’on trouve des salles ». Depuis, des salles ont en effet été trouvées, et même si Sylvain Schirmann a présenté sa démission qui sera effective le 31 août 2015, il se veut néanmoins rassurant pour la prochaine rentrée :
« Les inquiétudes sont légitimes, mais les problèmes matériels ont trouvé une solution. La réforme des filières aura bien lieu dès la prochaine rentrée mais dans le périmètre restreint dont nous disposons en utilisant des locaux en dehors de l’IEP, et pour plus de souplesse, dans l’utilisation des salles en allongeant la semaine de cours au maximum, soit de 8h à 20h en semaine ainsi que le samedi matin. Il y a en effet des aménagements à faire au bâtiment actuel aux frais de l’IEP mais il faut considérer que ce n’est pas à fonds perdus pour la collectivité puisqu’au moment où l’IEP déménagera, le bâtiment reviendra à l’Université. »
Une chose est sûre : le provisoire risque de durer encore quelques années.
On ne peut pas dire que quelque chose ne va pas si on le sait depuis 6 mois !
Se pourrait-il que la collectivité soit bien assurée ?
De toute façon dans un cours présentiel 1 étudiants sur 2 n'ose pas poser de question et reste silencieux. Peut être se lanceraient-ils plus facilement sur une classe virtuelle?
100% des cours en classe virtuelle c'est discutable. Mais 50%, pourquoi ne pas tenter l'expérience?
Parfois il serait sage de repousser des travaux et de ne pas rajouter des problèmes aux problèmes existants
Et bravo à l'unistra pour n'avoir retenu que des architectes étrangers pour son projet de "learning-center" !
Belle image de l'Alsace...
Je souhaite plutôt expliquer (très) rapidement la difficulté d'une analyse de candidatures pour un marché de maîtrise d'oeuvre public. Les critères précis sont définis à la première phase du concours avec, entre autres, un cadre de références où il faut par exemple avoir fait des travaux de même ampleur budgétaire (en millions d'euros de travaux), de même contraintes techniques, même type de fonctionnalités, etc... Dans cette première phase du concours, 10 à 200 groupements, ou +, proposent leur dossier - analysé par un comité technique et présenté à un jury n°1 - pour avoir le droit d'être candidat au projet. Il est sélectionné 3 à 5 équipes. La deuxième étapes du concours, les 3 à 5 équipes autorisées à concourir, présentent leur esquisse/projet qui est étudié par le même comité technique et présenté au jury n°2
Les équipes local, qui peuvent être de très bon niveaux en Alsace, n'ont pas toujours, hélas, ce qu'il faut pour passer la première sélection. Et en plus, il y a beaucoup plus d'équipes à Paris... Et puis il n'y a pas que les parisiens. Les équipes local sont en concurrence aussi avec celles de Bordeaux, Lyon, Marseilles, Stockholm, Londres, etc... La concurrence est dur et tout le monde veut bosser...
Le lauréat du futur Learning centre - Maison des étudiants de l'Université de Strasbourg n'est pas encore définit, la sélection s'est faite dans les règles des marchés publics. La deuxième étape est encore à venir.
Pour revenir au sujet du PAPS, l'erreur est humaine.
Chaque nouveau bâtiment est un prototype. Nous sommes, des Hommes (human), des bâtisseurs, pas des dieux... Même les fourmis ont des problèmes de structure...
Je souhaite surtout qu'une solution rapide permette à l'IEP d'entrée dans leur nouveaux locaux pour bien travailler et qu'ils puissent libérer le bâtiment Saint Georges pour une reconversion qui sera utile à l'Université, à la science du savoir, du respect et de l'apprentissage...
On comprend d'où viennent ces critères absurdes (les architectes doivent avoir déjà construits un bâtiment de programme équivalent, d'un coût equivalent, etc).
En résumé si après les premiers tours il reste 10 équipes, celles qui auraient deja construit un musée de montant de travaux equivalent seront éliminées.
Difficile donc pour une équipe d'accéder à un projet de salle de sport si elle n'a construit jusqu'à présent que des bureaux ou écoles.
Sans parler de la difficulté pour les jeunes architectes avec peu de références d' accéder a des petits projets car les conditions de participation sont identiques.
Si j'étais mauvaise langue je dirais qu'il y a du favoritisme et que l'on ne nous dit pas tout.............
Lors du deuxième tours, ce n'est plus les mêmes critères qu'au premier tours, et cette fois c'est un projet au stade esquisse ou APS qui est étudié.... C'est plus facile pour les gros cabinets de répondent aux concours, mais de petits cabinets d'architecture peuvent être retenu sur de beau projet (comme pour le learning centre où il n'y a pas que des mamouth qui vont présenter un projet au 2ème jury).
Il y a 4 groupements retenus, 1 alsacien, 1 lorrain et 2 parisiens (1 gros cabinet et 1 petit...).
C'est vrai, après tout les sciences humaines ne sont pas des vraies sciences, n'est-ce pas ?
PS : on dit un schilikois, pas un schiltigheimois...
dans un projet de construction, il y a de nombreux d'acteurs : un architecte, un bureau d'études, une entreprise de gros-oeuvre, un bureau de contrôle, etc!
C'est l'architecte Johann Knauth qui a résolu ce problème au début du XXème siècle, en injectant du ... béton dans les fondations.
Mais peut être une équipe Nanotechnicien en Textiles Connectés ferait aussi bien...en plus disposent-ils DEJA LARGEMENT d'équipements et d'infrastructure sur le Campus.
--> Nous pouvons donc continuer à donner des cours dans des salles de classes inadaptées, ne pas pouvoir se croiser dans les couloirs tant c'est étroit et réserver une place à la bibliothèque 3 semestre à l'avance.