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Get out, série B hantée par les angoisses d’un peuple

Sauf quelques rares occasions, le cinéma d’horreur parvient encore à se frayer un chemin dans nos salles obscures. Et parfois, par chance, le film rencontre un double succès, public et critique. C’est le cas de Get out, premier long-métrage signé Jordan Peele, qui a l’immense mérite de se montrer aussi stimulant qu’effrayant.

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Get out, série B hantée par les angoisses d’un peuple

à son corps défendant (Copyright Universal Pictures International France)

Chris, photographe afro-américain, accompagne sa petite amie pour un week-end en famille. La famille en question, il faut le préciser, est blanche, aisée, de prime abord  sympathique, peut-être un peu trop. Et lorsqu’il apprend que sa nouvelle belle-mère est experte en hypnose, Chris en vient à s’interroger sur ce personnel de couleur, mutique et apathique, qui déambule dans la demeure.

L’équilibre du genre

Il est surprenant de constater que Get Out est un premier film, de surcroît signé par un auteur très éloigné du domaine de l’horreur. Produit par la compagnie de Jason Blum, nouvelle figure de proue de tous les succès récents du cinéma de genre, le film fonctionne comme un habile divertissement, qui saurait jongler entre une certaine légèreté (pour ne pas s’aliéner le grand public) et une peur insidieuse, sans effets ostentatoires, sans tapage ni fracas.

Copyright Universal Pictures International France

Get out a le mérite de se reposer sur  une histoire originale et de faire la part belle à ses comédiens. Les membres de la famille diabolique sont terrifiants parce que séduisants. L’équation s’applique au puant mais charismatique frangin, mais surtout au père, amical jusqu’à la nausée. Daniel Kaluuya est la grande révélation du film. Son expressivité, tout au long du calvaire de Chris, restera dans toutes les mémoires. Son visage, figé d’effroi et porté sur l’affiche, deviendra d’ailleurs l’image symbole de l’œuvre.

Cette précision dans l’écriture, dans le choix des interprètes, cette manière d’assumer le Grand-Guignol et l’excès sont de grands arguments en faveur du film. Mais ils seraient insuffisants à faire de Get out un remarquable standard du genre.

Copyright Universal Pictures International France

La tentation politique

Le cinéma d’horreur a cette faculté exceptionnelle à saisir le pouls d’une époque, à mettre en exergue les failles d’une société. Jason Blum, producteur avisé, semble donc vouloir perpétuer une tradition initiée par les Tobe Hooper et autres John Carpenter en jetant à l’écran les angoisses d’un peuple. Sa saga American Nightmare posait les bases d’un désir politique. En mettant le pied à l’étrier à Jordan Peele pour son premier film, il offre une tribune à une minorité angoissée par la montée de l’intolérance au sein de la société américaine.

Get out prend d’évidence le cinéma d’épouvante à revers. Dans une majorité d’œuvre du genre, c’est l’establishment qui est en péril. La jeunesse dorée de l’Amérique triomphante, les archétypes WASP sont persécutés. Ici, les gens de couleurs redeviennent victimes. Les anciens opprimés sont à nouveau sous le joug d’une classe dominante radicalisée, rassurée de ses excès, confortée dans son impunité.

L’œuvre parvient sur les écrans une année charnière de l’Histoire politique américaine. Le fait n’est pas anodin et les cinéphiles ne manqueront pas de célébrer cet étrange timing.


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