Sous un drapeau français en berne, une professeure des écoles entre en grève de la faim ce mardi 28 octobre. Il est 7h30 et Vanessa a pris place devant l’entrée du rectorat de Strasbourg. Avec son bonnet et écharpe noire, son gilet duveteux beige et son sac à dos, elle s’apprête à passer sa première journée devant le siège de l’académie de Strasbourg. Depuis la fin du mois de juillet, quand elle a appris qu’elle ne serait finalement pas recrutée en tant que professeure titulaire, Vanessa se bat (lire notre article) contre un traitement jugé « inhumain » de la part du rectorat :
« On sait qu’il y a des démissions de professeurs des écoles. La liste complémentaire a été créée pour ces postes vacants. Et finalement aujourd’hui, l’académie de Strasbourg refuse de nous prendre parce qu’on coûte trop cher à l’État. Après tous les efforts que j’ai faits, je ne peux pas me résoudre à exercer en tant que professeure contractuelle… »
Économies vs valeurs de la République
Rue de la Toussaint, les fonctionnaires du rectorat passent devant Vanessa. Certains jettent un œil à la pancarte qui annonce le premier jour de sa grève de la faim et sa revendication : « Recrutez les listes complémentaires ». En une heure, une seule personne s’arrête et entame la conversation par plusieurs questions : « Vous avez écrit au recteur ? au ministère ? » La professeure des écoles acquiesce. Elle a multiplié les mails et les publications sur les réseaux sociaux. À force d’insister, elle a obtenu un rendez-vous avec la secrétaire générale du rectorat : « On m’a dit qu’on pouvait m’aider à trouver un travail dans l’alimentaire. Je l’ai très mal pris… » En face, l’interlocutrice est compatissante : « À l’Éducation nationale, on fait de la gestion de masse… »
Le vent porte la fraîcheur d’un automne bien entamé. Assise sur la pierre froide des escaliers du rectorat, Vanessa dit « ne plus sentir la réalité de la devise française » : « On veut juste faire ce métier dont on rêve depuis toujours. En face, le rectorat ne pense qu’aux économies, et plus aux valeurs de la République. » D’une voix tantôt teintée de colère, tantôt de tristesse, elle décrit le sentiment d’être « considérée comme un article dans un rayon. On préfère prendre le moins cher. »
« Je pourrais tout faire pour ce métier »
Dans son combat, Vanessa a obtenu de nombreux témoignages de collègues. Beaucoup de soutien. Mais aussi de l’incompréhension : « Certains profs me disent qu’il ne faut pas se mettre aussi mal pour ce métier. Mais c’est de ma vocation qu’on parle. Je pourrais tout faire pour ce métier. » La professeure des écoles a déjà plus de deux années d’expérience dans le domaine. Une première en tant qu’alternante, lors de la deuxième année de son master en enseignement. Une seconde en tant que contractuelle, une situation qu’elle refuse de retrouver. D’abord « pour les enfants », parce que l’instabilité de l’emploi de contractuel nuit à la qualité de l’enseignement. Pour des raisons financières aussi. Vanessa évoque les 1600 euros mensuels qu’elle gagnait en tant que contractuelle. « Mais le salaire, ce n’est pas ce qu’on attend le plus, s’empresse-t-elle de préciser, pour moi, la plus grande fierté, c’est de voir mes élèves réussir. »
La gréviste de la faim compte revenir chaque jour devant le rectorat, dès le petit matin : « Mon objectif, c’est que le rectorat me voie. Apparemment, les mots ça ne fonctionne pas. » Vanessa affirme qu’elle ne s’arrêtera pas tant que les postes vacants ne seront pas donnés à des personnes inscrites sur la liste complémentaire du concours. La professeure des écoles en est sûre. L’académie de Strasbourg a fait un choix de privilégier les contractuels. « À Rennes ou à Besançon, l’académie a fini par prendre toutes les personnes sur la liste. Je trouve ça horrible qu’ici je doive me battre pour pouvoir faire le métier que je veux alors qu’il y a des places… »



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