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En grève, les ouvriers de Clestra perçoivent des salaires négatifs : « Trouver à manger devient une urgence vitale »

Début août, les ouvriers en grève de Clestra ont reçu des fiches de paie indiquant un salaire négatif allant de quelques centaines à plus d’un millier d’euros. Pour poursuivre le mouvement, les grévistes vont lancer une banque alimentaire et appellent à la solidarité locale.

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En grève, les ouvriers de Clestra perçoivent des salaires négatifs : « Trouver à manger devient une urgence vitale »

– 400 euros, – 1200 euros, – 700 euros… Devant l’usine Clestra de Illkirch, jeudi 4 août, quelques ouvriers égrènent l’invraisemblable résultat de leur dernière fiche de paie. En grève depuis un mois, les salariés de l’entreprise de cloisons s’attendaient à un revenu quasi-nul au début du mois d’août. « Personne ne comprend notre dernier bulletin de salaire », souffle l’un des travailleurs mobilisés contre la gestion opaque du groupe Jestia, repreneur de la société alsacienne en octobre 2022. Salarié membre du CSE de Clestra et responsable de la branche Grand Est du syndicat CGT Métallurgie, Amar Ladraa explique le procédé utilisé par la direction :

« Dans le cadre du redressement de Clestra, le repreneur Jestia nous a payé en avance des congés qui seraient plus tard pris en charge par l’État. Maintenant que ces congés nous ont été payés par l’État, la direction récupère son avance. On avait demandé à ce que le remboursement soit étalé jusqu’à la fin de l’année mais les dirigeants ont voulu nous atteindre sur le plan psychologique. Après un mois de grève et une fin de mois difficile, le patronat tape sur le porte-monnaie. Forcément, on se demande comment tenir le mouvement social… »

Une cinquantaine d’ouvriers de Clestra ont manifesté dans les rues d’Illkirch ce jeudi 4 août 2023. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« On veut simplement connaître notre avenir »

Le long de la route Albert Schweitzer vers la mairie d’Illkirch, les ouvriers de Clestra manifestent à nouveau ce jeudi. Marc, ouvrier polyvalent au sein de l’entreprise depuis 18 ans, résume la revendication principale : « On veut tout simplement savoir quel avenir la direction nous réserve. À l’heure actuelle, plus de quarante salariés ne savent toujours pas si leur emploi sera maintenu… »

À quelques pas, Lisa (le prénom a été modifié) participe à la manifestation en soutien à son mari. L’ouvrier en assemblage fait partie de ces employés qui craignent de finir bientôt au chômage. Animatrice à mi-temps dans le secteur de la petite enfance, Lisa décrit la situation précaire de son foyer :

« D’habitude, chaque année, on va voir mes parents au Portugal. Mais cette année, on a dû annuler le voyage pour fêter les 93 ans de ma mère. Sans salaire au mois de juillet, on doit se restreindre et faire des choix pour les courses. J’espère vraiment qu’ils maintiendront les postes. Mon mari a travaillé toute sa vie ici. Il espérait finir sa carrière chez Clestra. »

« Aujourd’hui, je me retrouve sans rien »

Drapeau CGT Métallurgie à la main, Djibril (le prénom a été modifié) avance en tête de cortège. Après 10 ans d’intérim et quatre ans en tant que salarié, l’ancien ouvrier en assemblage estime avoir été licencié abusivement :

« C’est suite à mon licenciement que la grève a commencé début juillet. La direction m’a reproché de prendre des pauses trop longues et d’avoir consulté mon téléphone portable en dehors d’une pause. Depuis la reprise par Jestia, j’étais fliqué. Tous les collègues ont compris qu’ils pourraient être licenciés de la même manière que moi. Leur seul but c’est de diminuer la masse salariale. »

Djibril ne cache pas son angoisse. Sa situation est dramatique. Sur son téléphone, il montre l’état de son compte bancaire, en déficit de près de 600 euros. D’une voix inquiète, il continue : « J’ai une famille à nourrir. J’ai des charges et des prêts à payer. Aujourd’hui je me retrouve sans rien. Je n’ai toujours pas reçu l’attestation de l’employeur pour me permettre de percevoir les allocations chômage. Je fais quoi maintenant ? »

Une banque alimentaire et un appel à la solidarité

Face à ces situations d’extrême précarité qui se multiplient au sein de la communauté Clestra, les grévistes tentent d’organiser une banque alimentaire. Banderole de la CGT à la main, Sylvain Fasseur raconte avoir contacté le supermarché Auchan d’Illkirch pour organiser une collecte de denrées en soutien aux ouvriers mobilisés. Après avoir reçu une fiche de paie négative (- 1200 euros à prélever du prochain salaire), Sylvain dit vivre sur ses réserves et grâce à la solidarité des proches :

« On envoie les enfants chez les grands-parents, ça fait toujours des bouches en moins à nourrir. Et heureusement, les voisins de l’immeuble, les amis et les proches nous soutiennent. On en est là : trouver à manger devient une urgence vitale. »

Sylvain Fasseur a lancé l’organisation d’une banque alimentaire auprès du supermarché Auchan d’Illkirch. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Après avoir pu rencontrer le maire d’Illkirch Thibaud Philipps (LR), une délégation d’ouvriers de Clestra sera reçue par le cabinet du ministre de l’industrie Roland Lescure (Renaissance). Dans un communiqué, le syndicat CGT Métallurgie indique que « les salariés attendent du gouvernement un soutien et des actes pour maintenir leurs emplois, leur outil de travail et pour la mise en place d’un véritable dialogue social dans l’entreprise ».

Contacté, le groupe Jestia nous a indiqué ne disposer d’aucun responsable communication.


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