Ils n’auront eu que quelques minutes pour dénoncer leurs conditions de travail auprès des clients. Pour les salariés de la Fnac de Strasbourg, l’appel national à la grève du vendredi 28 novembre a été difficile à tenir. Interdits de manifester sur le parvis du magasin en raison du marché de Noël, les salariés grévistes ont en outre été remplacés par des cadres venus du siège et des prestataires extérieurs. « Black Friday oblige », glisse l’un d’eux, les yeux rivés sur les camions de CRS postés sur la place Kléber.
Devant leur enseigne, le va-et-vient des consommateurs se poursuit, imperturbable au mouvement social. « Force à vous », adresse tout de même un passant à la vue du chasuble CGT de Jean-Pierre Gouvernel. Après vingt-quatre ans passés dans les rayons de livres de l’enseigne, le syndicaliste gagne 1 700 euros nets par mois. « Ce qu’on veut, c’est des salaires décents », entame Jean-Pierre Gouvernel.

Primes supprimées
« Cette année, après les négociations sur les salaires, le groupe Fnac-Darty est revenu sur les grilles conventionnelles », détaille le syndicaliste. Jusqu’alors, les employés touchaient, en plus de leurs salaires, des primes sur les ventes de services annexes comme « les cartes Fnac ou des assurances. » Lors des négociations annuelles, la direction du groupe a supprimé ces primes.
Avec 37 ans d’ancienneté au compteur et « un dos en vrac », Véronique Kaps est parvenue à faire reconnaître son état de santé comme une conséquence d’une maladie professionnelle. Représentante CGT du personnel, elle insiste sur le nombre d’arrêts-maladies et égrène, pêle-mêle, la liste des troubles musculosquelettiques (TMS) développés par ses collègues. « Certains ont des problèmes de dos, d’autres des tendinites… », cite-t-elle. Mais par « peur d’être déclarés inaptes, les gens n’osent pas déclarer leurs TMS », souffle-t-elle, les joues rougies par le froid. « Ici de toutes façons, on est tous précaires », soupire un salarié gréviste, drapeau en main.
Un magasin aux locaux mal adaptés
À l’arrière de la Maison-Rouge, la trentaine de grévistes s’est réfugiée dans la chaleur du bar La Mandragore. L’occasion d’aborder la dégradation de leurs conditions de travail. Balayant l’écran de son téléphone, Jean-Pierre Gouvernel fait défiler les photos de sa galerie. Sur l’une d’elles, on voit des seaux déposés sur le sol du magasin pour retenir l’eau s’échappant du plafond. « Il y a aussi des escalators défectueux », souligne une salariée qui préfère taire son nom. « Les locaux pour le stock en réserve ne sont pas adaptés », complète Véronique Kaps :
« Les produits sont empilés, sans être identifiés. Avec l’arrivée du “click and collect”, nous sommes contraints de soulever des caisses de plusieurs dizaines de kilos pour trouver les produits commandés. »
À la table d’à côté, deux salariés du magasin Conforama de Geispolsheim écoutent, attentifs, les protestations de leurs confrères et consœurs. « Nos revendications sont identiques : on dénonce la pression du chiffre d’affaires exercée sur les personnels. Le tout au nom de la rentabilité des magasins », lancent-il d’une même voix.



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