
Face à l’épidémie de coronavirus, l’hôpital Émile Muller de Mulhouse n’est pas en capacité d’hospitaliser tous les patients. Un mail du chef des urgences de Colmar indique que des réflexions sont en cours sur « les critères (notamment d’âge) de limitation d’accès à la réanimation. »
« Voici quelques nouvelles du front de l’Est. Veillée d’armes. » Dans un mail adressé à de nombreux médecins, urgentistes et autres membres du personnel soignant que Rue89 Strasbourg a pu consulter, le chef du pôle urgences de l’hôpital Pasteur à Colmar décrit la situation alarmante de la crise sanitaire en Alsace : manque de lits, manque de respirateur en réanimation, personnel épuisé voire contaminé… Yannick Gottwales dresse un constat clair : les urgences de Colmar sont débordées. Pour faire face, il ne reste plus que la discrimination des patients. Des réflexions sont d’ores et déjà en cours pour établir des critères d’admission :
« J’ai réuni hier un collège de spécialistes (réa, infectio, med interne, pneumo, gériatre, urgentiste) afin de fixer des indications aux différentes filières, et plus clairement les critères (notamment d’âge) de limitation d’accès à la réanimation. »
Plusieurs témoignages d’infirmières aux urgences de Mulhouse confirment cette nécessité. Elles ont en effet constaté que les patients de plus de 75 ans ne survivaient pas en réanimation, « après avoir été extubés, ils ne reprennent pas au niveau respiratoire », explique Sophie (le prénom a été modifié). « On se demande si ça vaut le coup d’intuber les personnes âgées, ajoute Bertrand (le prénom a été modifié), c’est ça qui est dur moralement. Il n’y a plus d’égalité dans l’accès aux soins. »
À Mulhouse comme à Colmar, les réorganisations de services s’enchaînent sans jamais parvenir à solution satisfaisantes : « Durant ces 15 derniers jours, toutes les mesures que nous avons prises ont été dépassées et donc insuffisantes dans la journée même », peut-on lire dans le mail de Yannick Gottwales. Le personnel soignant de Mulhouse espère que les hôpitaux périphériques comme ceux de Thann, Saint-Louis ou Altkirch pourront aider à faire baisser la pression sur les principales structures du Haut-Rhin.
Situation intenable
Pour le chef du service des urgences de Colmar, le flou autour de ce virus et de la prise en charge des patients est intenable. Dans son service, « l’activité (habituellement à 148 passages/jour) a chuté de 45% » mais tous les efforts sont maintenant redirigés vers les suspicions de Covid-19. « En l’absence de critère de gravité, constate-t-il, tous les patients sont réorientés vers leur médecin traitant sans même entrer dans les urgences. »
Plusieurs infirmières de Mulhouse estiment que les patients Covid-19 n’auraient jamais dû être admis au sein des urgences. « Maintenant, le virus est partout dans l’hôpital », souffle Sophie. Cette professionnelle de santé affirme qu’il serait plus logique de réquisitionner des salles pour les cas suspects, afin d’éviter la propagation du coronavirus. Dans son mail, le Dr Yannick Gottwales semble du même avis :
« Nous sommes au bout d’un système, il va falloir faire des choix sur nos critères d’admission, non seulement en réanimation, mais tout simplement dans une structure hospitalière. »
Avec les exemples de l’Italie et de la Chine, nous n’avons pas cette excuse. Le virus n’a pas d’état d’âme, il ne réfléchit pas, son comportement est mécanique, il se propage, méthodiquement, exponentiellement, inéluctablement, par contact social, puis il tue. Il a commencé à tuer, il va continuer. Certes, il immunisera la plus grande partie de la population, mais il tuera les plus faibles, les plus âgés, d’autres aussi, au hasard, nous ne savons pas bien.
Face à cette vague, que faisons-nous ? Sitôt la fermeture des restaurants et cafés décrétée en France, les frontaliers se sont précipités le lendemain dimanche de l’autre côté de la frontière pour se répandre aux terrasses de café et se retrouver pour un bain de soleil jugé mérité, offrant ainsi au virus de nouvelles voies de propagation. Sanction immédiate : filtrage aux frontières.
Pour remédier à ces comportements insouciants, il n’y a plus qu’une solution : la mobilisation de l’armée pour patrouiller dans les rues et faire comprendre une bonne fois pour toutes aux gens que la solution est de rester chez soi pour réduire les interactions sociales au minimum vital. Il faut que chacun étrangle littéralement le cercle de ses contacts jusqu’à ce que la société ne soit plus constituée que de petites cellules isolées, communiquant les unes avec les autres de façon parcimonieuse, pour les nécessités de base de la vie, s’alimenter, se soigner, et encore avec distance et de façon prudente, avec des gants, des masques. C’est cela qui peut réellement gêner la propagation du virus, c’est cela qu’il n’est pas armé pour surmonter.
Quoique… pas complètement hélas puisqu’il peut survivre sur des surfaces inertes. Il faut donc aussi tout désinfecter, bus, métros, trains, surfaces, tout le temps, le temps qu’il faudra, comme nous l’avons vu en Chine. Nous ne voulions pas le croire, nous y voilà.
Pendant ce temps, qu'on fait nos dirigeants ? Alors qu'ils avaient entendu les supplications de l’ancien président de l’Italie, nous implorant de ne pas commettre les mêmes erreurs, ils nous ont réservé une parodie d’élection, en se parant de la noble toge de la continuité démocratique qu’ils avaient bien su fouler aux pieds en d’autres temps (municipales de 2007 reportées en 2008).
Reconnaissons à notre président, qui est intelligent, d’avoir eu la bonne intuition, en voulant reporter ce premier tour absurde. Mais voilà, s’il était facile de limoger le chef d’Etat-major des Armées en prenant des poses jupitériennes, il était manifestement plus complexe d’affirmer qui est le chef face à l’insupportable caquet des Baroin, Larcher, Fabius et consorts. Il fallait écouter les vrais démocrates responsables, tels que les Xavier Bertrand, Hervé Morin, Valérie Pécresse, Jean-Louis Bourlanges, et bien d’autres. Nous avons ainsi offert au virus un impardonnable boulevard, qui se paiera cash en décès de compatriotes.
Face aux conséquences sanitaires inévitables, on en vient à imaginer l’affreux aphorisme, auquel on n’aurait jamais voulu penser, et injuste au demeurant : Ave Jupiter, morituri te salutant. L’épreuve permettra du moins de faire le tri dans le personnel politique : à la guerre, disait De Gaulle, face aux circonstances, ce sont les personnalités qui font la différence.
Le Burkina Faso, avec sept cas déclarés, ferme déjà ses écoles et universités. Voilà un pays qui peut être satisfait de ses élites, souhaitons-lui bonne chance, lui qui a nettement moins de moyens que nous.
Quant à nous, nous continuons à tergiverser, à procrastiner, à nous donner un jour, deux jours de réflexion, ce qui ne fait que programmer, pour nos médecins, nos hôpitaux, nos infirmières déjà très éprouvés par des réformes incessantes et la réduction de leurs moyens, une période sans précédent de fatigue, d’épuisement, de risques, de choix affreux de traiter telle personne et pas telle autre.
On pouvait encore se gloser doctement, il y a trois semaines, pour savoir si les démocraties parviendraient mieux que les dictatures à barrer la route au virus. Nous avons la réponse, et il ne nous reste plus qu’à déclarer l’état d’urgence et réquisitionner l'armée, ses hôpitaux de campagne, ses ambulances... et ses troupes pour faire respecter les consignes.
Allez, président ! Chaque heure compte, et il faut désormais déclarer la fermeture du pays et le consignement de la population.