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Histoire, luxe et biocluster : ce que sont devenus les haras de Strasbourg

Aux Haras nationaux près de l’hôpital civil, chevaux et palefreniers ont laissé place à une brasserie, un hôtel et un « biocluster » qui accueille des start-up de l’univers médical. Des siècles d’histoire et trois ans de travaux plus tard, visite guidée et petit état des lieux de ce qu’est devenu ce vestige du royaume de France en Alsace.

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Histoire, luxe et biocluster : ce que sont devenus les haras de Strasbourg

Après 3 années de travaux, les haras ont réouvert leurs portes (T.M / Rue89 Strasbourg)
Après 3 années de travaux, les haras ont réouvert leurs portes (T.M / Rue89 Strasbourg)

Daté du milieu du XVIIIème siècle, les haras nationaux de Strasbourg ont achevé leur transformation. Il aura fallu près de trois années de travaux et quasiment 25 millions d’euros pour que l’imposante bâtisse puisse accueillir touristes et professionnels. Les derniers chevaux ont pris la direction de Pfaffenhoffen en 2005 et 3 grands projets de rénovation avaient alors été proposés pour l’avenir des haras. Il s’agissait de choisir entre la réintroduction des chevaux, celle de la poule d’Alsace, ou l’aménagement d’un complexe hôtelier.

C’est Jacques Marescaux, qui dirige l’Ircad (Institut de recherche contre les cancers de l’appareil digestif), qui est à la base de ce projet et qui a reçu l’aval de la ville en 2009. Depuis, l’Ircad dispose d’un bail emphytéotique de 52 ans pour les haras, et dispose des murs mais aussi d’une majorité des parts dans les sociétés qui exploitent la brasserie (avec la famille Haeberlin) et l’hôtel (avec la famille Scharf). L’exploitation commerciale de l’hôtel a été confiée à la Sogeho, société de la famille Scharf , déjà gérante des établissements de la Cour du Corbeaux ou du Régent Petite France.

La cour des haras, et l'arbre multi-centenaire
La cour des haras, et l’arbre multi-centenaires (T.M / Rue89 Strasbourg)

À peine la porte passée, le bruit de la ville disparaît pour laisser place au calme de la grande cour centrale. Les bâtiments ont tous été refaits, et il n’existe plus aucun vestige du passé, si ce n’est les poutres et « le plus vieil arbre » de Strasbourg, un magnifique Sephora Japonica. Jacques, un retraité strasbourgeois présent pour visiter les lieux avec son ami, développe :

« Le lieu est tout a fait remarquable, bien qu’il n’ait plus grand chose à voir avec ce qu’il était avant. Je connaissais les haras avant, et je trouve le résultat plutôt satisfaisant. Seul bémol, je m’interroge sur ce nouveau bâtiment construit. L’extension de l’hôtel, d’un style contemporain, dénote complètement. »

La partie neuve de l'hôtel dénote par rapport au reste du bâtiment, mais on assure que Bâtiment de France a veillé de près au projet de rénovation (T.M / Rue89 Strasbourg)
La partie neuve de l’hôtel dénote par rapport au reste du bâtiment. (T.M / Rue89 Strasbourg)

Mais si cette impression est perceptible dans la cour, elle l’est également dans la quasi totalité de ces nouveaux haras. Du neuf avec de l’ancien et du neuf qui se mêle à l’ancien. L’Ircad qui a mené ce projet de bout en bout a voulu « moderniser avant tout ». L’architecte Christophe Wersinger s’est occupé de la rénovation, en lien avec le cabinet Denu Paradon.

Un hôtel pour l’Ircad

Premier bâtiment à l’entrée, l’hôtel. C’est dans les anciens logements où vivaient palefreniers et autres cavaliers que se trouvent désormais les chambres de l’hôtel. Un hôtel neuf, 4 étoiles, où dès la réception, les chevaux dessinés sur les murs se mêlent aux stéthoscopes. La Sogeho exploite les lieux, et c’est son directeur M. Scharff qui a choisi le personnel, trié sur le volet. Pas un bouton de chemise ne manque aux garçons d’étage…

Chevaux et stéthoscopes, Médéric Brendl-Manier est fier de son lieu de travail
Pour Médéric Brendel-Manier, impossible de traverser ces lieux sans se demander ce qu’il s’y est passé (T.M / Rue89 Strasbourg)

À l’accueil, Justine s’occupe de la réception derrière son large bureau et discute avec un client venu d’Inde. Si la clientèle, avoue-t-elle, est à 70% issue des chirurgiens qui viennent prendre part aux stages proposés par l’équipe du Pr Marescaux, le reste est en majorité une clientèle d’affaires. Justine affirme « être heureuse » de travailler dans un lieu chargé d’histoire, tout comme William, voiturier et bagagiste.

Vieilles boiseries et du mobilier moderne, neuf et ancien se mêlent sans cesse aux Haras
Vieilles boiseries et mobilier moderne, neuf et ancien se mêlent sans cesse aux Haras (T.M / Rue 89 Strasbourg)

La fleur de Lys, symbole de la monarchie française, est dessinée devant chaque porte, histoire de bien rappeler aux visiteurs qu’ils voyagent dans le temps. Un luxe qui se paie, les chambres de 19 m² se louent de 150 à 455€ et celles de 34 m² de 230 à 565€ selon les périodes ! Des prix qui, assure-t-on, « sont adaptés à la clientèle qui fréquente les haras », c’est à dire des chirurgiens internationaux et leur équipe, le plus souvent défrayés par leurs établissements.

Biocluster et stages à 10 000€.

À la sortie de l’hôtel, il suffit de longer la façade et de s’engouffrer vers l’entrée de la cour pour se retrouver face aux anciens manèges qui abritent désormais le fameux biocluster. Ce site doit accueillir des start-up spécialisées dans le transfert de technologies développées au sein de l’Ircad et de l’Institut de chirurgie mini-invasive (IHU). À l’intérieur, une ambiance rétrofuturiste où les vieilles poutres chevauchent des sortes de bureaux sur pilotis. Aux grandes vitres et à la couleur claire des murs s’opposent la chaleur du bois et des vieilles pierres.

Derrière ces murs du XVIII ème siècle se cache le biocluster, et une architecture tout droit issue du futur (T.M / Rue89 Strasbourg)
Derrière ces murs du XVIII ème siècle se cachent le biocluster et une architecture tournée vers le futur (T.M / Rue89 Strasbourg)
Les start-up disposent d'un espace de travail futuriste et calme où tout est prévu pour elles.
Les start-up disposent depuis le 28 janvier d’un espace de travail futuriste et calme où tout est prévu pour elles. (Photo TM / Rue89 Strasbourg)

Sept start-up dans le domaine du médico-chirurgical se partagent le biocluster en ce moment. Mais toutes les entreprises peuvent y accéder assure Chantal, selon les disponibilités. Pour le moment, malgré des loyers élevés, le biocluster affiche complet. Dans cet ensemble se déroule également des séminaires, dans une salle de 82 m², et des stages organisés par le Pr Marescaux et son équipe.

Ces stages sont facturés environ 10 000€ la semaine et rencontrent eux-aussi un franc-succès, assure-t-on. Cernés entre l’hôtel et la brasserie, les médecins en formation peuvent très bien passer une semaine à Strasbourg sans sortir des haras.

2,5 à 3 millions d’euros de chiffre d’affaires

En face de l’hôtel, il n’y a que quelques pas à faire pour traverser la cour et trouver la brasserie. Située dans l’ancienne grande écurie, c’est le domaine de Maxime Muller, 27 ans et beau-fil du chef étoilé Marc Haerberlin, de l’Auberge de l’Ill. La salle n’a plus rien à voir avec des écuries, mais des boiseries ont été là aussi conservées. Dès l’entrée, un personnel de 29 personnes accueillent le client, avec une cuisine ouverte sur la salle qui laisse entrevoir chefs et commis s’activer et se préparer au coup de feu.

À 27 ans, Maxime Muller fait salle comble tous les jours avec près de 300 couverts á chaque service
À 27 ans, Maxime Muller assure faire « salle comble tous les jours » avec près de 300 couverts á chaque service (T.M / Rue89 Strasbourg)

La brasserie propose des plats du jour à 29,50€ le midi, avec des tartes flambées en entrée à 8€, ou des assiettes de fromage à 10€. Et la formule plaît puisque selon Maxime Muller, le restaurant débite 300 couverts par jours, et affiche complet plusieurs semaines à l’avance. Des clients ont déjà réservé pour… 2016. Avec une telle réussite, le jeune directeur d’exploitation table sur 2,5 à 3 millions d’euros pour l’exercice 2014. Et il explique l’engouement :

« Dès que l’on a vu l’endroit on était décidé. C’était une ruine avec un potentiel énorme ! On savait que ça allait être compliqué mais que ça allait marcher. Haeberlin qui ouvre une brasserie en Alsace, c’est déjà un évènement en soi. Des gens viennent du Haut-Rhin, d’Allemagne, voire de plus loin. Avec le recul, c’est vrai qu’on est en train d’en faire une marque de fabrique de ces haras. Après, c’est vrai aussi que beaucoup de gens de l’Ircad viennent ici. Le but a vraiment été de centraliser. Pour nous une réservation à l’Ircad, c’est bien souvent une réservation à l’hôtel, et une à la brasserie. »

Les poutres sont d'époque et la famille Haeberlin a fait appel à l'agence Jouin-Manku pour reste de la décoration (T.M / Rue89 Strasbourg)
Les poutres sont d’époque et la famille Haeberlin a fait appel à l’agence Jouin-Manku pour reste de la décoration (T.M / Rue89 Strasbourg)

Si le succès se confirme, les exploitants de l’hôtel prévoient déjà une extension pour 2017, en rachetant le bâtiment des Diaconesses de la rue Sainte-Élisabeth.

Sur la droite, le bâtiment des Diaconnesses, avec comme projet d'en faire des chambres d'hôtel d'ici à 2017
Sur la droite, le bâtiment des Diaconnesses, avec comme projet d’en faire des chambres d’hôtel d’ici à 2017 (T.M / Rue89 Strasbourg)

(Édité par Pierre France)

Y Aller

Hôtel et Brasserie « Les Haras », 23 rue des Glacières à Strasbourg. Hôtel : 03 90 20 50 00. Brasserie : 03 88 24 00 00.

 

Aller plus loin

Sur Alsace20 : Au coeur des Haras de Strasbourg (secret déco)


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