« Nous, ce qu’on veut, c’est protéger le vivant, déclare Anne (prénom modifié). Notre boulot, en tant qu’écologistes, c’est de prévenir la population. Mais passer à l’action devient de plus en plus répréhensible. » Avec sept autres personnes, Anne a été arrêtée sur un pont au-dessus de la route départementale à Dorlisheim. Un tag « Stocamine contamene » venait d’y être réalisé. Stocamine, c’est 42 000 tonnes de déchets toxiques que l’État veut confiner à Wittelsheim, sous la nappe phréatique, réserve d’eau potable de 5,6 millions de personnes.
Interpellés sur place par les gendarmes, les huit militants et militantes écologistes ont été placées en garde à vue dans plusieurs gendarmeries, à Schirmeck, Molsheim, Obernai, Rosheim et Wasselonne. Elles y sont restées 46 heures au total. Les faits reprochés : avoir volontairement dégradé ou détérioré un pont au préjudice de l’État. Le parquet de Saverne les accuse de la même chose pour un pont à Mommenheim, où un tag a été réalisé pour dénoncer la pollution de l’air.
À l’issue de leur garde à vue mardi 4 novembre, le parquet de Saverne a demandé leur placement en détention provisoire en attendant leur comparution immédiate, prévue initialement le 6 novembre. Les activistes auraient alors passé deux nuits en maison d’arrêt. Cette mesure s’applique en général plutôt pour protéger une victime d’un agresseur ou empêcher la fuite d’un prévenu.
Détention provisoire rejetée
Les écologistes ont contesté cette mesure devant la juge des libertés Anne-Sophie Lachkar, qui leur a donné raison. « Le risque de réitération des faits est insuffisamment caractérisé compte tenu de l’absence d’une quelconque condamnation inscrite au casier judiciaire », écrivait-elle par exemple, au sujet d’Anne :
« Le risque de non comparution en justice n’est pas davantage avéré compte tenu de la stabilité de la situation socio-professionnelle de l’intéressée. Enfin, il est permis de relativiser le risque de concertation frauduleuse entre les prévenus dans la mesure où ils ont été regroupés à plusieurs dans les geôles de la juridiction dans l’attente de leur présentation devant le procureur. »
Les activistes ont finalement retrouvé la liberté mardi 4 novembre, après avoir été privés de liberté 55 heures au total, en tenant compte du temps passé au tribunal de Saverne. Ils et elles ont demandé le renvoi de leur audience, afin de préparer leur défense. « Ce qui est délirant dans ce dossier, c’est la disproportion des poursuites engagées par le parquet », estime Me Théo Gauthier, avocat d’une partie des militant.es :
« Demander la détention provisoire pour des tags, je n’avais jamais vu ça. Même la comparution immédiate, normalement, c’est pour des récidivistes alors qu’aucun n’avait un casier. Quand ils sont sortis de garde à vue pour aller voir la vice-procureure de Saverne, il y avait une trentaine de gendarmes. On avait l’impression d’être face à de la criminalité organisée. »
Audience le 22 décembre à Saverne
« Leur but est de nous paralyser, mais cette répression ne nous arrêtera pas, prévient Anne, qui a surtout souffert de ne pas avoir de nouvelles de son enfant pendant sa garde à vue. On va s’en servir pour en parler aux journalistes, au public. Quand les gens se rendent compte de ça, ils sont choqués. » Dans un communiqué de presse envoyé le 13 décembre, Extinction Rebellion a dénoncé un « événement qui s’inscrit dans une répression croissante des mouvements militants » :
« Qu’en est-il de la liberté d’expression dans ce climat oppressif, face à l’urgence environnementale qui menace l’ensemble du vivant ? Qu’en est-il de nos luttes locales si nos militant-es doivent subir de tels traitements, brutaux, injustifiés et coûteux ?
L’audience aura lieu le 22 décembre à 9h au tribunal de grande instance de Saverne. Contacté, le parquet n’a pas répondu à nos questions, au moment de publier cet article, sur le traitement réservé à ces activistes.


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