Les noms de Dorette Muller, Catherine Kany ou Sophie Taeuber ne vous disent peut-être rien, et pourtant ces artistes alsaciennes font aussi partie de l’héritage culturel de l’Alsace. Sophie Taeuber est, avec son mari Jean Arp, à l’origine du ciné-dancing de l’Aubette à Strasbourg, ouvert aux visiteurs samedi 18 et dimanche 19 septembre lors des journées du patrimoine.
Pour la 33e édition des Journées européennes du patrimoine (JEP), les portes des monuments et édifices emblématiques de Strasbourg sont ouvertes au grand public, de la Grande-Île à la Neustadt, en passant par la Petite-France, autour du thème « Patrimoine et Citoyenneté » (voir ici le programme complet à Strasbourg). Mais cette année, les visiteurs pourront pour la première fois suivre un parcours spécifiquement destiné à faire découvrir les femmes qui ont marqué Strasbourg, grâce à une initiative d’Osez le féminisme.
L’héritage historique des femmes dans la vieille ville
Le parcours est disponible pendant les deux jours : départ samedi et dimanche à 14h pour un groupe et un horaire unique, au square Louise Weiss à la Petite France, pour une arrivée prévue place Broglie, 1h30 plus tard. Durant un parcours en 4 étapes, les visiteurs seront guidées par deux historiennes et militantes de l’association féministe.
Ce parcours au sein du « matrimoine » commence avec une présentation de la journaliste et femme politique Louise Weiss. Il amène ensuite les visiteurs place Gutenberg, pour parler du rôle des femmes imprimeurs et libraires. L’étape suivante s’arrête à la Cathédrale, où seront mises en avant des figures féminines du Moyen-âge, comme Catherine Zell, personnalité de la réforme protestante, ou Herrad de Landsberg, abbesse, poète et encyclopédiste. Le parcours s’achève place Broglie, pour découvrir celles qui ont joué un rôle dans la Révolution française puis la République.
Élaborée par l’équipe d’Osez le féminisme et des historiennes, la promenade culturelle est ouverte à tous, sur inscription par formulaire ou par e-mail (osezlefeminismebasrhin@gmail.com).
Pour organiser ce parcours, l’association voulait aussi essayer de lier des lieux ou thématiques à des artistes, comme Sophie Taeuber ou Lisa Krugell, qui auraient mené au Musée d’Art Moderne et Contemporain, où certaines de leurs œuvres sont exposées. Hélène, militante à Osez le féminisme 67, explique pourquoi l’association a renoncé :
« Il a été difficile de trouver des experts en la matière, des artistes ou étudiants en art pouvant commenter sur les artistes alsaciennes, moins connues que leurs homologues masculins. En revanche, la recherche auprès des historiens et des étudiants en histoire a payé, et c’est ainsi que s’est construite cette balade culturelle historique. »
Rendre les femmes visibles dans l’espace public
L’association Osez le féminisme avance que les lieux emblématiques mis en avant lors des journées du patrimoine depuis 1984 sont à 95% créés, dessinés, peints, sculptés par des hommes, alors que l’Histoire française regorge d’écrivaines, d’artistes, d’architectes, souvent absentes de l’espace public. Osez le féminisme 67 veut inverser la tendance en commençant par ce circuit.
L’objectif est d’ouvrir la discussion sur la place des femmes dans l’espace public, mais aussi dans les livres d’histoire. Née l’an dernier à Paris, l’initiative voulait éveiller les consciences et les mémoires. Le comité d’Île-de-France, à l’origine des premières journées du matrimoine à Paris, explique son combat, qu’il mène tout au long de l’année, au-delà de ces journées particulières :
« Notre héritage culturel est constitué de notre patrimoine (ce qui vient des pères), et de notre matrimoine (ce qui vient des mères). En réhabilitant la notion de matrimoine, le mot comme les femmes qui le composent, nous nous réapproprions l’héritage qu’on nous vole. »
L’antenne bas-rhinoise a alors repris le projet à son compte. Hélène explique que le but est d’engager une dynamique plus large :
« Ce parcours est une première étape, une façon de sensibiliser, pour parler de la place des femmes dans la ville et dans l’Histoire. On espère que cette première action « matrimoine » sera un point de départ pour l’an prochain. »
Car l’urbanisme reflète la place faite aux grandes figures historiques. En France, seuls 2% des noms de rues portent des patronymes féminins. À noter cependant, depuis 2008, sur les 100 noms de personnalités attribués à des espaces publics de Strasbourg, plus de la moitié ont été des noms de femmes.
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