Ministre-président de la Hongrie depuis 2010, Viktor Orbán ne laisse pas indifférent. L’homme a restreint la liberté de la presse dans son pays, et décoré des personnalités d’extrême droite… Son régime inquiète l’Europe et les États-Unis qui voient s’installer dans ce pays charnière entre l’est et l’ouest une dictature sophistiquée.
Alors quand l’atelier des élèves du théâtre national de Strasbourg (TNS) apprend qu’un de leur futurs intervenants, Attila Vidnyánsky, va prendre la direction du théâtre national de Hongrie grâce à ses liens étroits avec le ministre-président, c’est l’émoi. Pour Julie Brochen, directrice du TNS, la question devient épineuse. Le TNS, havre de tolérance, d’ouverture, et soutien des jeunes expressions hongroises via le festival Premières, peut-il recevoir un affidé d’un pouvoir dictatorial ?
Elle décide d’annuler les cours d’Attila Vidnyánsky à l’atelier, mais de maintenir les deux spectacles prévus, Les trois soeurs d’Anton Tchekov et Le Fils devenu cerf de Ferenc Juhàsz, comme elle l’explique dans un communiqué :
« Ces spectacles sont le fruit de nombreuses années de travail pour les nombreux comédiens, comédiennes et techniciens qui ont œuvré à leur réalisation, et cela bien avant la nomination d’Attila Vidnyánszky. Je souhaite que cette rencontre artistique puisse avoir lieu et qu’ils ne soient pas victimes d’une déprogrammation qui aurait des accents de « censure », cette censure même dont nous condamnons l’idée. En revanche, j’ai décidé d’annuler la présence à l’Ecole d’Attila Vidnyánszky afin d’éviter toute confusion au regard des interrogations qui demeurent. »
Mais Attila Vidnyánszky prend très mal cette annulation. Dans un courrier en réponse, il réfute être un instrument du pouvoir hongrois, qui, précise-t-il, a été « élu démocratiquement » et annule la venue au TNS des deux spectacles qu’il a mis en scène :
Pour Julie Brochen, cette irruption de la politique internationale dans la programmation du TNS est incongrue :
« Je lis désormais des articles qui réanalysent l’œuvre de Vidnyánsky au regard de ses nouvelles allégeances politiques, y découvrant des germes nationalistes. C’est faux. Les deux spectacles qui étaient programmés sont beaux et méritaient d’être joués au TNS. Et d’ailleurs, je veux garder pour Attila Vidnyánsky le bénéfice du doute. D’après ses premières déclarations, il défend une politique culturelle en faveur des minorités, une sorte de décentralisation à la hongroise. Mais c’est un homme blessé et revanchard, qui a attendu longtemps une reconnaissance. Pour autant, on ne peut pas se voiler la face sur la mainmise du pouvoir sur la culture en Hongrie et faire comme si de rien n’était. »
Du coup, le TNS a programmé le 29 avril une rencontre-débat sur « l’indépendance, la défense du théâtre et de la culture, et la lutte contre l’instrumentalisation politique de la création » avec la présence de personnalités hongroises et des sociologues.
Aller plus loin
Sur Rue89 : La Hongrie en pleine dérive autoritaire
Sur TNS.fr : L’ensemble des courriers échangés
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