Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

L’Alsace ne testera pas l’Écotaxe avant le reste du pays

L’Écotaxe, futur péage prélevé directement auprès des transporteurs routiers, ne sera pas testé en Alsace en priorité. Les députés alsaciens l’avait demandé mais la mission d’information sur l’Écotaxe recommande plutôt un test national « à blanc » pendant quelques mois. Une « franchise » d’environ 400 km a été concédée aux transporteurs routiers, pour que cette redevance n’impacte pas les trajets de proximité. Deux députés alsaciens faisaient partie de la mission d’information.

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Camion de nuit (Photo Akial / FlickR / cc)

Camion de nuit (Photo Akial / FlickR / cc)
Camion de nuit (Photo Akial / FlickR / cc)

L’Écotaxe va-t-elle survivre aux bonnets rouges bretons ? Pas sûr. Cette taxe appliquée aux kilomètres effectués par les transporteurs routiers devait rapporter entre 1 et 1,2 milliard d’euros par an à l’État. Elle fait partie du dispositif Eurovignette, qui vise à resserrer le lien polleur-payeur en Europe et dans lequel s’inscrit la LKW-Maut, qui apporte aux infrastructures routières et ferroviaires allemandes 4 milliards d’euros par an…

Mais à la suite des émeutes en Bretagne en octobre, le gouvernement a courageusement renvoyé l’Écotaxe devant les députés, en leur demandant de trouver un moyen de sortir par le haut de cette affaire. Le gouvernement ne pouvait pas simplement l’enterrer comme tant d’autres réformes car Écomouv, l’opérateur choisi pour percevoir l’Écotaxe, serait en droit de réclamer quelque 800 millions d’euros si l’État se désistait ! Les députés ont donc planché et ont livré mercredi 14 recommandations. Et la première d’entre elles, c’est changer le nom de l’Écotaxe. Puisqu’il n’est plus possible qu’une nouvelle taxe voit le jour dans ce pays, on parlera donc désormais d’ « éco-redevance poids-lourds ». Le lecteur nous pardonnera de garder Écotaxe.

Philippe Bies, député PS du Bas-Rhin, et Éric Straumann, député UMP du Haut-Rhin, faisaient partie de cette mission d’information, présidée par Jean-Paul Chanteguet, député PS de l’Indre. S’ils sont tous les deux favorables à la mise en place de l’Écotaxe, le premier a voté pour les conclusions du rapport, le second contre. Le rapport a d’ailleurs divisé la mission, puisqu’il n’a été adopté que par 18 voix contre 14. Les députés bretons ont tous voté contre. Voilà pour le signal.

Un report du trafic allemand toujours à craindre

Pour Éric Straumann, ces propositions ne résoudront pas le problème de la circulation des poids-lourds en Alsace :

« Rappelons que c’est Yves Bur (ancien député UMP, ndlr) qui avait proposé d’expérimenter une écotaxe en Alsace à la suite de la mise en place de la LKW-Maut en Allemagne en 2005. Il s’agissait d’empêcher le report du trafic poids-lourds des autoroutes allemandes sur nos routes. L’écotaxe telle qu’elle est préconisée dans ce rapport n’empêchera pas ce report, puisque les barèmes en Alsace seront inférieurs à ceux pratiqués en Allemagne. Les transporteurs auront donc toujours intérêt à passer par l’Alsace. C’est pourquoi j’ai voté contre, mais je voterai pour la loi qui mettra en place l’Écotaxe. »

De son côté, Philippe Bies ne cache pas son impatience de voir mise en place cette taxe. Car les députés publient ce rapport dans un climat de défiance vis-à-vis d’une partie du gouvernement. La nouvelle ministre de l’écologie, Ségolène Royal, s’est prononcée contre l’Écotaxe. Philippe Bies :

« Pendant qu’on tergiverse, l’Allemagne engrange 4 milliards par an pour moderniser ses infrastructures. Avec les propositions du rapport, le gouvernement a tout ce qu’il lui faut pour faire voter une loi, et mettre en place l’Écotaxe dès janvier 2015. »

Des concessions aux transporteurs routiers

Les députés ont rédigé plusieurs recommandations destinées à plaire aux transporteurs : une « marche à blanc » de plusieurs mois, pour que les entreprises puissent mettre en place le dispositif dans leurs systèmes et voir combien coûtera l’Écotaxe, un fonds de modernisation de la flotte de camions et une franchise pouvant aller de 200 à 800 km selon les volumes transportés, afin de préserver le transport de proximité. Les deux députés alsaciens avaient demandé que soit expérimentée l’Écotaxe en Alsace, Éric Straumann a même proposé que les produits soient versés au conseil régional, mais leur proposition a été rejetée face à la mise en place de la « marche à blanc » à l’échelle nationale.

Les points de contrôle prévus dans l'est de la France - cliquez pour voir la carte de France entière (doc Écomouv)
Les points de contrôle prévus dans l’est de la France – cliquez pour voir la carte de France entière (doc Écomouv)

Cependant, les concessions proposées dans le rapport ne suffisent pas à calmer les transporteurs. Pour Christian Dupuy, président de l’Otre (organisation des transports routiers européens), la franchise va créer des distorsions de concurrence mais c’est surtout le rôle de la SNCF qui l’énerve :

« Parmi les actionnaires d’Écomouv, on trouve la SNCF, dont une filiale Géodis, est transporteur routier. Donc on va avoir un concurrent directement financé par nos impôts ! Parce que c’est un impôt supplémentaire, l’État nous transforme en percepteurs. Nous payons déjà une taxe de plus que les autres transporteurs européens, c’est la taxe à l’essieu. Or cette taxe a été reconnue comme pouvant faire partie du dispositif Eurovignette. On n’a donc aucune obligation de faire l’Écotaxe. Et si le gouvernement ne le comprend pas, la réaction de la profession sera forte. »

Ambiance. Selon Christian Dupuy, la mise en place de l’Écotaxe pour des trajets en Alsace aura pour effet d’augmenter de 7,2% les factures :

« La ligne faisant apparaître la taxe va apparaître sur les factures, mais de nombreux clients ont des tarifs négociés sur cinq ou dix ans avec leurs transporteurs. De rudes négociations sont à craindre et c’est le transporteur qui risque de devoir prendre en charge cette nouvelle taxe s’il ne veut pas augmenter ses prix. »

Fin mai, les sénateurs devraient rendre eux-aussi leur rapport, cette fois sur le fonctionnement de la nébuleuse Écomouv. Les arbitrages du gouvernement sont attendus mi-juin.


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