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« L’Arbre aux papillons d’or » de Tiên Ân Pham, road-movie mystique à mobylette

L’Arbre aux papillons d’or est le premier long, très long métrage de Tiên Ân Pham, dont on sort sidéré par sa beauté et sa maîtrise formelle. Le Festival de Cannes ne s’y est pas trompé en lui remettant la Caméra d’or, prix du meilleur Premier film. Rue89 Strasbourg a eu la chance de rencontrer ce jeune prodige, passé par Strasbourg pour lancer son film.

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« L’Arbre aux papillons d’or » de Tiên Ân Pham, road-movie mystique à mobylette

Bande-annonce de l’Arbre aux papillons d’or

Lors d’un premier plan-séquence magistral, le spectateur découvre le héros, Thien, attablé dans un restaurant avec ses amis en train d’échanger autour de l’importance de la foi. La caméra filme l’agitation de la vie citadine vietnamienne, la scène est saturée de bruits, d’odeurs, de monde, jusqu’à un accident de la route. Suite au décès de sa belle-sœur, Thien va retourner dans le village de son enfance, à la recherche de son frère. D’abord accompagné de son neveu, il finira seul son cheminement, entre rêve et réalité, en quête d’abord de lui-même. Rencontre avec un réalisateur qui cherche à filmer au rythme biologique du spectateur

Rue89 Strasbourg: Votre film a reçu la Caméra d’or au Festival de Cannes et pourtant vous avez commencé en montant des vidéos de mariage, comme votre héros d’ailleurs. Vous avez un parcours atypique…

Tiên Ân Pham : Je suis né dans un petit village sur les hauts plateaux du centre du Vietnam. J’y ai réalisé mes études jusqu’au lycée puis je suis parti à Saïgon (Ho Chi Minh-Ville) pour faire de l’informatique. J’y suis resté quatre ans mais je n’ai jamais réussi à valider mon diplôme ! À ce moment-là, ma famille est partie s’installer aux États-Unis. Sans diplôme, j’ai fait plein de petits boulots, comme coiffeur ou dans la manucure. Je commençais à vouloir trouver un équilibre entre art et technologie et j’ai commencé une formation de monteur. J’ai travaillé à monter des vidéos de mariage et j’ai aussi appris la photographie. Mon père est photographe et c’est lui qui m’a donné le virus du cinéma, car il m’a montré tout un tas de films, il est passionné de cinéma hollywoodien.

Le réalisateur vietnamien place ses personnages derrière des portes, des vitres, des fenêtres, enfermés comme dans un cocon. Photo : Doc. remis

Le film est construit avec une alternance de longs plans séquences où la caméra suit le personnage principal dans ses déplacements et des plans fixes : ce sont alors les personnages qui bougent devant la caméra, comme un tableau vivant…

Tiên Ân Pham : Dans ces plans fixes, l’objectif est d’utiliser la caméra comme l’œil du spectateur: au lieu de bouger la caméra et de faire du montage de plans, ce sont les personnages qui se déplacent, quitte à disparaître du cadre pendant un moment et à déstabiliser le spectateur. Cela implique encore plus le public.

Quel est votre rapport à la magie dans votre travail de cinéaste?

Tiên Ân Pham : Quand je regarde un film, je me demande toujours comment telle scène a pu être créée, et je réfléchis à comment je pourrais faire autrement pour inventer quelque chose que je n’aurais jamais vu. J’aime le mystère et j’essaie de plonger le spectateur dans cet état de stupéfaction que peut créer un tour de magie.

Retour aux sources pour Thien Photo : Doc. remis

Le titre en anglais Inside the Yellow cocoon Shell évoque une possible métamorphose, plus que le titre en français « L’Arbre aux papillons d’or ». Quelle image préférez-vous?

Tiên Ân Pham : Le titre en français est moins précis car en réalité l’arbre que l’on voit dans le film, ce ne sont pas des papillons mais des vers à soie. Je voulais rendre hommage à mon village d’origine, où l’on cultive le ver à soie. Le héros est en quête de sa personnalité, il est effectivement en pleine transformation. Il lutte pour sortir de lui-même, de ce qui pouvait l’enfermer dans sa vie matérielle.

Le personnage est aussi en quête de divin…

Tiên Ân Pham : Oui, au départ il parle de la foi avec ses amis de façon assez simple, détaché, mais au fur et à mesure de son voyage et de ses rencontres, il dialogue avec des personnes importantes de sa vie, il fait des rêves et il ressent un appel du divin. J’utilise le cinéma pour parler de la foi car je ressens cet appel, comme mon personnage et j’ai modifié mon film à plusieurs reprises pour aller dans ce sens-là.


#cinéma

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