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L’artisanat fait la promo de l’apprentissage, solution anti-crise

D’après le rapport 2012 de l’Observatoire régional de l’emploi et de la formation, l’emploi salarié en Alsace a reculé de 0,8% entre septembre 2011 et septembre 2012 (contre -0,2% à l’échelle nationale), avec un taux de chômage atteignant 8,9%. Pourtant, les perspectives d’emplois en Alsace existent, notamment dans le secteur de l’artisanat. Et l’apprentissage pourrait être le bon plan face à la crise.

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L’artisanat fait la promo de l’apprentissage, solution anti-crise

Atelier d'ébéniste-restaurateur (Photo Flickr / Richard Vignola / Cc)

Pour beaucoup de jeunes, il est difficile de trouver chaussure à son pied parmi la multitude de formations proposées en Alsace quand on n’a pas de projets de carrière en tête. Difficile aussi de cibler celles qui offriraient les meilleures perspectives d’emploi dans ce contexte économique trouble. C’est que la région n’est pas épargnée par la crise : 8,9% de chômeurs au troisième trimestre 2012 et 126 416 demandeurs d’emplois recensés en décembre 2012, toujours d’après l’Oref.

Secteurs qui embauchent : services, social, hôtellerie-restauration…

Quant au chômage des jeunes, il frôle les 25%. Si le secteur de l’industrie accuse la plus forte chute en termes d’embauches (-10,4% des embauches sur les 5 dernières années), d’autres semblent épargnés, comme celui des services, constituant à lui seul 53% des intentions d’embauches pour 2013 et comprenant entre autres, les actions sociales (15%), les services techniques et administratifs (9%) ou encore l’hébergement et la restauration (9%). L’agriculture arrive en seconde position (des emplois majoritairement saisonniers), suivi du commerce et de la construction.

Pour Danielle Podmilzak, directrice du CIO (centre d’information et d’orientation) de Strasbourg, il est difficile de se faire une idée précise de son avenir professionnel quand on a 15 ou 16 ans, « surtout avec le peu de temps qui leur est laissé pour le faire » :

« Les 15-20 ans sont dans l’immédiat et non dans la projection. Ils s’engagent dans une filière qu’ils pensent la mieux à même de les amener vers un métier en particulier. Mais ils ne se posent pas forcément la question de savoir si cette voie leur offrira des débouchés intéressants. A côté de ça, l’emploi devient de plus en plus technique, on demande de plus en plus de qualifications, de diplômes et le jeune doit se projeter encore plus loin. »

A en croire les chiffres de l’OREF, la voie de l’apprentissage séduit de plus en plus de jeunes dans la région : +3,2% d’apprentis de 2010 à 2011 et 15 463 apprentis formés en Alsace à la rentrée 2011. Et les résultats sont éloquents : 70% des jeunes formés en tant qu’apprentis trouvent un emploi 8 mois après la fin de leur formation.

90% des formés trouveraient un emploi

L’apprentissage, un remède anti-crise ? Pour Bernard Stalter, Président de la Chambre de métiers d’Alsace, « l’apprentissage est la voie royale pour accéder à l’emploi » et l’artisanat reste encore aujourd’hui et pour les années à venir « la première entreprise d’Alsace ». Près de 6000 jeunes sont formés chaque année dans les établissements du réseau de la Chambre de métiers d’Alsace, pour un taux d’insertion dans l’emploi artisanal revendiqué de 90%.

Pourtant, nombreux sont les entrepreneurs peinant à trouver des candidats qualifiés, spécialement dans le secteur de la construction, du commerce et de l’hôtellerie-restauration. Certains patrons sont alors près à faire l’impasse sur le nombre d’années d’expérience exigé à la base et à gonfler les salaires faute de demande. Un rapport de force qui peut rapidement pencher en faveur du postulant. D’après les offres de Pôle Emploi, un poste en CDI de menuisier-ébéniste rapporte 12 à 17€ de l’heure, 2 000€ nets pour un poste en CDI de paveur, sans expérience exigée, et 2500€ nets pour un poste en CDI de câbleur « débutant accepté », dans la région.

Danielle Podmilzak regrette que le développement des formations en apprentissage soit concentré sur les études supérieures :

« L’apprentissage, il ne suffit pas d’en parler. Ce que je constate est que nombreux sont les collèges ayant du mal à trouver une entreprise d’accueil et signer des contrats d’apprentissage. On annonce le passage de 15 000 à 20 000 apprentis, mais en réalité, on oublie de dire que ce qui se développe le plus est l’apprentissage après le bac, au niveau BTS ou licence professionnelle. »

 L’information des jeunes, une priorité

Des perspectives intéressantes, des métiers stables et bien rémunérés, qui ne trouvent paradoxalement pas preneurs. La faute à qui ? Pour Danielle Podmilzak, directrice du CIO de Strasbourg, « ce n’est pas l’information qui manque ». Un « Carrefour des formations » a d’ailleurs été organisé récemment par le CIO et les lycées de la communauté urbaine de Strasbourg à destination des élèves de 3ème, avec comme mission « d’enrichir les représentations que les jeunes ont des formations professionnelles et technologiques ». A la Chambre de métiers d’Alsace, on travaille aussi en collaboration avec les organisations professionnelles et la CUS dans le but de promouvoir l’apprentissage auprès des jeunes, mais aussi auprès de l’Etat :

« On essaye de faire passer le message que, dans ce contexte économique difficile, il faut commencer sérieusement à former ou sinon il y a le risque de vivre une deuxième crise économique directement après celle que nous vivons. Près de 20% des chefs d’entreprises artisanales alsaciennes ont plus de 55 ans. Il est temps d’assurer la relève. »

Sont organisés entre autres des Journées d’orientation, des « stages découverte » en entreprise, des « Rendez-vous dimanche » ou encore des conférences-débats. Mais Bernard Stalter concède qu’il observe bien une lacune dans l’information des jeunes en milieu scolaire :

« Il y a toujours cette idée reçue qu’un mauvais élève est destiné à s’orienter vers un CAP ou un BEP et que le bon doit continuer en études supérieures. Ce que je souhaite dire à l’Education nationale : si un élève est passionné et motivé pour s’engager dans un corps de métier via l’apprentissage, laissez-le nous ! »

Alors, la faute à une dévalorisation de ces métiers dits manuels par la société ? Pour Bernard Stalter, « il s’agit d’un discours qui date d’il y a cinq ans ». Les métiers manuels, et notamment ceux de l’artisanat, jouiraient d’une « très bonne image » aujourd’hui, avec « des parents fiers d’avoir un enfant apprenti, qui gagne déjà sa vie ». Une évolution des mentalités, peut-être.

Aller plus loin

Tableau de bord 2012 de l’Observatoire régional sur l’emploi et la formation sur l’apprentissage en Alsace.

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