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Le festival Extradanse de Pôle Sud conjugue la puissance et les femmes

La seconde édition du Festival Extradanse de Pôle Sud, du 21 avril au 6 mai, programme toute une série de femmes chorégraphes, égéries et guerrières. Elles vont danser et, si tout se passe bien, vous aussi ! Joëlle Smadja, directrice de Pôle Sud, explique ses choix pour le festival et ses ambitions pour sa structure.

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La chorégraphe capverdienne Marlene Monteiro Freitas au festival Extradanse (Photo Pierre Planchenault)

Du 21 avril au 6 mai, Strasbourg accueille à nouveau l’ambitieux festival Extradanse, avec cette année un programme essentiellement féminin, tourné vers des formes d’énergies chorégraphiques aussi variées que puissantes. Sept spectacles forts et incarnés abordent ce printemps avec la tête haute et des corps imposants qui semblent crier : « Regarde-moi, je suis là, j’existe et je fais face ».

Mais à Pôle Sud il ne s’agit pas que de regarder, et c’est ainsi que le festival se terminera, comme le veut la coutume, par un bal à déhanché radical. Une programmation en lignes de force.

Visuel du Festival Extradanse 2016 à Pôle Sud (Image Jordan Matter)
L’affiche du festival Extradanse 2016 à Pôle Sud (Image Jordan Matter)

Puissance et discrétion de la chorégraphie féminine

Sur 7 spectacles présentés dans le festival Extradanse cette année, 6 sont l’œuvre de femmes chorégraphes (le programme complet est sur le site dédié). Pourtant ce n’est pas ce qui a déterminé les choix de la directrice de Pôle Sud, Joëlle Smadja, pour sa programmation, puisqu’elle est plutôt partie de sujets qui lui semblaient revêtir une certaine urgence : les technologies numériques, les héritages de cultures différentes… Le constat de cette prépondérance féminine semble s’être imposé :

« Le festival Extradanse n’a pas été pensé comme étant dédié aux femmes chorégraphes. Cela a été une découverte pour moi, chemin faisant. Est-ce que c’est dans l’air du temps ou est-ce que ça relève de mon intérêt personnel ? Est-ce parce que les femmes chorégraphes ne sont pas encore assez visibles, malgré la multiplicité des objets très puissants qu’elles produisent ? »

La Société des auteurs compositeurs (SACD) produit une brochure intitulée « Où sont les femmes? », étudiant la (trop petite) place des femmes dans le monde de la chorégraphie en France, malgré leurs apports indéniables en termes de créativité. Un festival où les femmes sont à l’honneur, – sans être exclusif -, donne une visibilité importante à des créations essentielles, qui reflètent notre société avec des regards drôles, poétiques et sans concession.

"May B" de Maguy Marin (Document remis)
« May B » de Maguy Marin (Photo Didier Grappe)

La diversité comme ancrage

Le fait de programmer Maguy Marin avec une œuvre mythique des années 80, May B, est un hommage à sa créativité intemporelle. Le choix d’introduire le festival avec En souvenir de l’Indien, par la toute jeune chorégraphe Aude Lachaise, est une revendication de pluralité. Il y a des femmes, mais pas que – il y a des chorégraphes confirmés, mais pas que. Joëlle Smadja :

« Maguy Marin est une personne repère, tout comme Louise Lecavalier, qui a été longtemps l’égérie d’un grand ballet canadien. Elles sont toutes les deux de cette génération de femmes qui ont un peu plus de 50 ans aujourd’hui. Et puis il y a les plus jeunes, comme Nadia Beugré, qui est ivoirienne et qui travaille sur l’histoire des femmes de son pays, celles qui se sont battues pour la liberté. Il y a aussi la toute dernière venue, Aude Lachaise, qui raconte son histoire de femme artiste. Tous ces sujets m’ont intéressée, et c’est dans l’addition de ces sujets que nous avons vu sortir cette ligne de force féminine ».

Si la diversité est un choix, elle apparaît comme un besoin, une urgence pour Joëlle Smadja, tant dans la programmation du festival Extradanse que dans la saison de Pôle Sud en général. Il s’agit d’affirmer que les structures culturelles doivent être à l’image de notre société : plurielles et multiculturelles. Elle reprend :

« La diversité est essentielle dans la danse et dans les arts en général : c’est peut-être là notre privilège. Les artistes n’ont pas de frontières, et amènent chacun leur vision du monde. Les regards d’artistes israéliens, palestiniens, ivoiriens, et tant d’autres, donnent sur la société française des points de vue intéressants. Nous racontons aussi qu’on ne créée pas de la même manière quand on est installé en Suisse ou quand on est dans un pays africain. Donner de la place et un espace de parole à des artistes différents, jeunes ou confirmés, sur des esthétiques Hip Hop ou contemporaines, c’est montrer que cette diversité fait partie de notre ADN ».

Le spectacle "Hakanai", accueilli en collaboration avec le TJP (Photo Romain Etienne)
Le spectacle « Hakanai », accueilli en collaboration avec le TJP (Photo Romain Etienne)

Pôle Sud invite tout le monde à danser

Au delà de l’aspect convivial du festival, Pôle Sud donne à tous deux occasions de danser pendant le festival Extradanse. La première est disponible pour les femmes : Pôle Sud recherche des amateurs pour le spectacle Legacy de Nadia Beugré, qui jouera le 6 mai :

« Plus que des amateurs, nous cherchons des participantes. Il s’agit d’un vrai engagement physique, qui nécessitera 3 ou 4 jours de préparation. Cela constituera la base essentielle de la pièce, donc nous cherchons des amateurs qui feront plus que de la figuration ».

Et si une expérience moins exigeante mais tout aussi enivrante semble plus abordable, le petit bal décalé est désormais un classique pour clore le festival :

« Dans un festival il doit y avoir une notion de fête. Il y a quelque chose que, d’une façon ou d’une autre, nous partageons : tout le monde a dansé au moins une fois dans sa vie. Si on arrive à convaincre, la danse me paraît être un axe assez facile de socialisation… Pour le petit bal décalé, nous avons donc demandé à un artiste Ivoirien de la région, Abdoulaye Konaté, qui a longtemps été l’un des élèves de Nadia Beugré, d’animer un bal coupé décalé. Il y aura des artistes danseurs et des musiciens, et le public sera amené à apprendre quelques pas de coupé décalé. C’est une danse très agréable, qui permet de convoquer l’Afrique archaïque tout en étant totalement contemporaine, puisque c’est une danse très pratiquée aujourd’hui à Abidjan et ailleurs ».

Pour les amateurs de cette fameuse danse africaine, il n’y aura probablement pas besoin d’en dire beaucoup plus pour convaincre. Pour ceux qui ne connaissent pas encore, l’invitation est lancée pour un rendez-vous le 6 mai au Théâtre de Hautepierre, dans la foulée du spectacle Legacy.

Inviter Pôle Sud à la maison !

Pour en savoir plus sur la programmation du festival, l’équipe de Pôle Sud propose de venir prendre l’apéritif chez vous – et ils amènent la bouteille -. À vous de constituer un groupe de gens, amis, familles et autres connaissances, et de contacter l’équipe en ce sens. Ce sera aussi l’occasion d’en savoir plus sur l’autre festival, Extrapôle, fin mai et sur la récente reconnaissance de Pôle Sud comme centre de développement chorégraphique (CDC), un label national reconnu par le ministère de la Culture.


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