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Les conciergeries d’entreprises, aide ou chaîne pour le salarié ?

Depuis quelques années, les conciergeries d’entreprises se sont implantées en Alsace, à la suite des filiales américaines. Libération de temps libre, services rendus cofinancés par l’employeur… À première vue, que du positif. À première vue.

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Les conciergeries d'entreprise promettent de vous débarrasser des tâches pénibles. Et c'est l'entreprise qui paie ! (Photo Neovain / FlickR / cc)

Les conciergeries d'entreprise promettent de vous débarrasser des tâches pénibles. Et c'est l'entreprise qui paie ! (Photo Neovain / FlickR / cc)
Les conciergeries d’entreprise promettent de vous débarrasser des tâches pénibles. Et c’est l’entreprise qui paie ! (Photo Neovain / FlickR / cc)

Laver le linge, acheter des places de théâtre ou se faire livrer un panier-repas : les conciergeries d’entreprises proposent de prendre en charge de menus services contre une rémunération, en partie prise en charge pour l’employeur. Ce concept importé d’outre-Atlantique, où près d’un tiers des employés y ont recours, se développe en Alsace, à la faveur des filiales d’entreprises américaines (Lilly, Mars…) qui concourent au palmarès « Great Place To Work« .

Leader du marché en Alsace, Golden Groom existe depuis une douzaine d’années. La conciergerie a été rejointe l’an dernier par Des Pieds et Des Mains, d’Oberhausbergen. Ces sociétés proposent des services allant du repassage aux courses, en passant par l’entretien de la voiture ou la promenade du chien… Selon Emmanuelle Fender, fondatrice de Des Pieds et des Mains, une dizaine d’entreprises alsaciennes font appel à ses services, soit environ 1 600 salariés :

« Je suis parti d’un constat personnel. Les gens n’ont plus de temps pour eux et le travail empiète sur la vie privée… Quand on sort du travail à 19h, il n’y a plus grand chose d’ouvert. Nos services simplifient le quotidien des gens. »

Un gain de temps pour les salariés…

Dans le top 3 des services demandés par les employés : le pressing, la livraison de paniers de fruits et légumes et l’achat de places de spectacles. Alhem qui travaille pour Groupama, explique ce qui lui a plu :

« Pour moi, c’est simple, arrangeant et je n’ai plus à courir partout sur mon temps de pause-déjeuner. Chaque vendredi, on passe nos commandes, on demande ce que l’on veut, et la semaine d’après on l’a. Après, si on a une demande urgente, on peut s’arranger directement avec la conciergerie et avoir ce que l’on veut dès le lendemain. »

Le salarié ne paye que pour ce qu’il demande. Alhem alloue à ces services un budget de 10 à 15€ par semaine. L’entreprise assure l’abonnement, c’est à dire les permanences de la conciergerie dans les locaux. Pour une PME, Golden Groom propose des tarifs à partir de 400€ par mois pour deux permanences hebdomadaires.

… et un gain de productivité pour les entreprises

Des prix abordables, mais les conciergeries ont beaucoup de mal à se développer, comme l’explique Fred Wagner, gérant de Golden Groom :

« A Paris à la Défense, c’est entré dans les mœurs. Mais ici en Alsace, c’est vrai qu’à part les entreprises américaines ou les enseignes nationales, c’est très difficile de convaincre. Et puis avec la crise, les entreprises doivent trouver de la rentabilité et c’est souvent les moyens généraux qui souffrent les premiers. C’est contre-productif parce que nos services améliorent la  productivité des salariés et diminuent l’absentéisme. Si les directions des ressources humaines faisaient leurs comptes, elles se rendraient compte que c’est un investissement, mais on se heurte surtout à un problème de culture. »

Des Pieds Et Des Mains ne compte que deux salariées, mais elles disposent d’un important carnet d’adresses pour répondre aux besoins de leurs clients. Toutes les tâches sont sous-traitées. Même chose chez Golden Groom qui dispose d’une demi-douzaine de salariés, pas tous à temps plein. L’économie de ce marché est extrêmement tendue : les services sont généralement proposés à prix coûtants aux salariés, pour qu’ils trouvent un réel intérêt à utiliser la conciergerie.

Pas d’excuse pour refuser de travailler plus

Chez les syndicats, on ne s’alarme pas de ces à-côtés fournis par les directions des ressources humaines. Evelyne Isinger, secrétaire générale adjointe à la CFTC du Bas-Rhin, déclare :

« Si ça apporte un réel plus aux salariés et que ça peut libérer un peu leur esprit, c’est très bien. J’espère seulement que ce n’est pas seulement encore un prétexte de plus pour les rendre à la merci des employeurs. »

Mais de son côté, Jacky Wagner, secrétaire général de la CGT du Bas-Rhin, rappelle que si l’entreprise met en place ce service, c’est qu’elle aussi a à y gagner et ajoute :

« Tout est sur place maintenant. Les employés n’ont plus à sortir et par conséquent n’ont plus trop d’excuses pour refuser des charges de travail supplémentaires. Le fait que des gens fassent pour vous ce que vous faisiez avant légitime le fait que vous devez être plus disponible pour votre entreprise. C’est juste une arnaque de plus pour faire rester les gens le plus longtemps possible au boulot. La seule chose, c’est qu’on a pas encore assez de recul pour s’en rendre compte. »

Alors, service désintéressé de la part de l’entreprise ou demande inavouée d’une présence accrue des salariés, la question doit se poser. Il faudra cependant attendre pour y répondre car pour l’instant, seul 1% des travailleurs français y ont recours. Un panel un peu restreint pour se faire une idée.

(édité par Pierre France)

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