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Les Narrations du futur, un festival pour se confronter au tremblement du monde

Du 18 au 27 juin 2021, le Maillon et le TJP accueillent le festival des Narrations du futur. Au menu : des spectacle hybrides, des ateliers, des plateaux radios, des laboratoires, une joyeuse farandole d’artistes, de scientifiques et de spectateurs, pour se projeter en avant.

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Les Narrations du futur, un festival pour se confronter au tremblement du monde

Si la crise sanitaire a longtemps fermé les théâtres, la réouverture a permis une grande respiration. Durant ces mois de silence, les professionnels de la culture se sont adaptés. Dans le secret de leurs murs, ils ont patienté, expérimenté, et préparé la reprise tant espérée. Les Narration du futur célèbrent la reprise de la vie culturelle en mettant l’accent sur une conscience nouvelle. Traverser une telle crise est une expérience qui invite à anticiper l’avenir et à se serrer les coudes.

Le tremblement, un phénomène entre menace et opportunité

Les Narrations du futur, élaborées main dans la main par les équipes du TJP – Centre Dramatique National (TJP – CDN) et du Maillon, se penchent sur un monde bouleversé, saisi par la crise et le sentiment d’urgence. « Cette question de l’avenir n’est pas le monopole des artistes. Il est urgent de changer de paradigme », affirme Renaud Herbin, directeur du TJP. Pour répondre à ce besoin, les Narrations mettent en dialogue des compétences hétéroclites, à l’image de l’échange entre Jérôme Vergne, sismologue, et l’anthropologue Jérémy Damian. Ce dernier en a tiré un article où il interroge les différences facettes de cette vibration qui secoue les sociétés.

La collapsologie, cette pensée de l’effondrement global, vient rapidement en tête, mais elle n’est pas seule idée présente dans ce festival. Les perturbations de notre époque peuvent aussi être une invitation à changer et se réinventer. « Il faut entendre ce tremblement comme un déplacement », selon Renaud Herbin. Lui-même propose Quelque chose s’attendrit, un court spectacle en forme de poème visuel, qui se tiendra à plusieurs reprises. Dans cette parenthèse de trente minutes, une danse indéchiffrable d’un petit pantin renversé sur un écran de papier vient taquiner l’imagination du public.

À travers des lentilles et des calques, la lumière enveloppe main et marionnette d’une brume énigmatique. Photo : de Renaud Herbin

La conférence gesticulée est une forme très prisée des discours collapsologiques. Avec Auréliens, François Gremaud s’en saisit. Mélange d’intervention scientifique et de one-man-show, le spectacle donne du coffre à un avertissement climatique. C’est Aurélien Patouillard qui porte les paroles de l’astrophysicien Aurélien Barrau. Avec un discours plein de menaces mais aussi d’espoir, déplacé depuis les congrès scientifiques sur la scène du théâtre, le spectacle interpelle d’une façon nouvelle.

Fête pastorale ou sabbat démoniaque ? L’assemblée de ces créatures singulières laisse pantois. Photo : de Yvan Clédat

Pour parler du monde, il faut aussi le rendre sensible. Les arts plastiques répondent bien à ce besoin. Avec Farm Fatale Philippe Quesne met en place des épouvantails clownesques qui soupirent et plaisantent sur le capitalisme agricole. Hybrides de chair et de paille, contemplatifs et cloués dans les champs, ce sont des silhouettes familières, à l’écoute des changements.

Même étrangeté avec Les Merveilles de Clédat et Petitpierre. En puisant dans l’imaginaire des contes médiévales, le spectacle donne à voir des créatures surprenantes. Pieds et oreilles de géants, corps sans visage, mais tous évoluant dans une harmonie naturelle qui est loin d’une ambiance horrifique. Ces silhouettes évoquent aussi bien les légendes antiques qu’un imaginaire de mutations radioactives, après un bouleversement écologique.

Réfléchir, créer, anticiper : un retour de l’effort collectif

Si les spectacles constituent le cœur des Narrations, ils sont accompagnés de nombreux moments d’exploration et de tâtonnement. Le futur est « un ailleurs qui demande une co-concertation, dès maintenant », souligne Barbara Engelhardt, directrice du Maillon. Durant ce temps fort, un groupe de laboratoires rassemblent des quatuors d’étudiants, de chercheurs, de soignants ou encore d’entrepreneurs. Ensemble ils cogiteront, creuseront des hypothèses pour enfin partager leurs réflexions.

S’y ajoute le laboratoire éditorial, piloté par l’artiste Maya Boquet. Dans ce groupe, six étudiants et étudiantes vont accompagner les Narrations du futur, en documentant les événements. Ils réfléchiront à de nouveaux modes d’expression et de transmission. Leur restitution viendra clore cette séquence artistique avec un rendez-vous énigmatique, le samedi 26 juin à 21h 30.

Une vision entre l’amusante familiarité et le décalage perturbant, c’est une esthétique commune pour Philippe Quesne. Photo : de Martin Argyroglo

Un certain nombre de moments, sur réservation, convient directement le public à participer à l’événement. Un jeu philosophique, ouvert dès 6 ans, ouvrira un débat au TJP, le dimanche 20 juin. Des ateliers intergénérationnels pousseront aussi leurs participants à explorer des modes de gouvernance, leur rapport à leur propre corps, ainsi qu’à la nature. Une expérience de futuronautisme, le samedi 19 juin, titillera l’imaginaire de ses explorateurs, pour prévisualiser les futurs possibles.

Dans « Terairofeu » deux personnages isolés survivent dans une jungle de détritus issus de l’industrie humaine. Le rapport aux éléments naturel fait alors l »objet d’un nécessaire apprentissage. Photo : de Jean-Pierre Estournet

Plusieurs plateaux radiophoniques seront assurés en partenariat avec Radio en construction et le MédiaLab d’Artefact. Sur les ondes (90.7 en FM) et en ligne, ces émissions rythmeront les Narrations du futur en donnant de l’écho à ses poésies et ses préoccupations. Avec ces multiples ramifications, les Narrations témoignent d’un bouillonnement longtemps contenu. Il faut dire que l’événement avait été imaginée dès 2019. Il a été repoussé et modifié au fil du temps. Barbara Engelhardt voit dans ce moment une occasion de relancer la machine, sans se presser outre mesure. « Il y a une différence entre un emballement et un bousculement. Nous avons été bousculés par la crise. Maintenant, il faut trouver comment se reprendre. » Se reprendre, avec en tête les perspectives, les espoirs et les avertissements que peuvent forger de pareils moments de vie collective.


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