
Une pétition circule sur Internet contre le nouveau directeur du théâtre TJP, Renaud Herbin, et sa nouvelle programmation. Les suppressions des ateliers de théâtre et du mot « jeune » dans l’intitulé du TJP ont mis le feu aux poudres. L’intéressé se défend et déclare vouloir ouvrir le théâtre « à tous ». Une autre pétition a été lancée en réaction…
Fin septembre, la soirée de présentation de la nouvelle saison du Théâtre TJP a été mouvementée ! Une partie de l’assistance était très remontée contre le nouveau directeur, Renaud Herbin, et lui a fait savoir. En cause : la nouvelle orientation que le marionnettiste donne au théâtre, résumée par la fin de l’appellation « théâtre jeune public ». Car désormais, le TJP sera un théâtre tout public dédié aux arts de la scène, il reste à trouver une nouvelle signification au sigle (« terrain de jeu protéiforme », « toujours jamais peut-être » ?). Mais surtout, à la place des ateliers théâtre, Renaud Herbin propose des « chantiers corps – objet – image« .
Plusieurs élèves des anciens ateliers théâtre, leurs parents et d’autres usagers n’acceptent pas ces changements, et après plusieurs réunions, ont décidé de fédérer l’opposition aux projets de Renaud Herbin par une pétition lancée sur Internet appelée « Pour un vrai TJP à Strasbourg« . Mercredi soir, la pétition en ligne avait recueilli 418 signatures. Jean-Luc Quilling fait partie des usagers mécontents :
« Ces chantiers, on n’y croit pas. Pour nous, ils s’inscrivent dans une conception consommatrice de la culture, par petites touches, alors que les ateliers avaient le mérite de proposer aux jeunes une immersion en profondeur, jusqu’à la mise en scène, de la pratique théâtrale sur la durée. Sans concertation, Renaud Herbin a tout changé, il a ringardisé ce qui existait avant lui. On ne remet pas en cause sa nomination, on conteste qu’il en soit fini de l’accueil du jeune public, de son éducation au théâtre alors que cette mission est dans le cahier des charges du TJP. »
L’opposition municipale s’est aussi émue des changements apportés par Renaud Herbin. Lors du conseil municipal du 16 avril, Robert Grossmann, conseiller municipal et communautaire UMP, a qualifié la disparition du mot « jeune » d’acte « iconoclaste » et « culturellement ravageur » (lire ici l’intervention, voir ici la vidéo). A noter que lors du même conseil municipal, Roland Ries lui a répondu qu’il était attaché à l’éducation du jeune public à la culture, et qu’il « ne comprendrait pas qu’on garde les trois lettres TJP en supprimant jeune et public », que « la Ville de Strasbourg était le financeur principal du théâtre et qu’elle avait son mot à dire »…
De leur côté, les pétitionnaires ont écrit au maire de Strasbourg, Roland Ries, à son adjoint chargé de la culture Daniel Payot, aux présidents du conseil régional et du conseil général, au directeur régional de l’action culturelle et même à la ministre de la culture Aurélie Filipetti !
Le courrier des pétitionnaires à Roland Ries et à Daniel Payot
Renaud Herbin ne comprend pas trop les attaques dont il est l’objet. Pour le nouveau directeur, le TJP a beau changer de nom, il sera toujours ouvert aux jeunes :
« J’engage l’institution dans un processus qui n’exclut aucun public, le théâtre va accueillir tous les publics. C’est pourquoi il me semble important de décoller cette étiquette « jeune » qui semblerait indiquer qu’il n’y a pas de place pour les autres. Par ailleurs, je ne brise rien, je suis dans la continuité d’un mouvement d’ouverture entamé par mes prédécesseurs. Quant aux ateliers, c’est vrai que le programme a changé mais il est faux de dire que la formation des jeunes aux arts scéniques a été supprimée. Bien au contraire, nous avons multiplié par quatre le public accueilli et certains ateliers sont ouverts aux familles avec leurs enfants dès 4 ans. Ces « chantiers » sont des expérimentations, avec différents intervenants, autour de thématiques mêlant le corps, l’objet et l’image, en phase avec les nouvelles pratiques du TJP. »
Serait-ce une nouvelle itération de la querelle des anciens contre les modernes ? Jean-Luc Quilling préfère plutôt parler de « choix politique » d’accès à la culture. Il rappelle que les cours de théâtre qui étaient dispensés par le TJP étaient facturés 200€ l’an, un tarif trois à quatre fois moins cher que ce qui est proposé ailleurs. Le collectif entend continuer de mobiliser d’autres usagers et surtout d’autres élus, pour réinstaller les cours l’an prochain par la voie de la tutelle.
Lundi, une autre pétition a été lancée, en soutien au directeur cette fois. Mais il n’est pas certain que l’ironie dont fait preuve cette pétition soit bien comprise du plus grand nombre, car elle n’avait reçu mercredi soir que 44 signatures. Pour son initiateur Matthieu Epp, conteur, il s’agissait de répondre à la « violence des propos tenus » dans le texte de la première pétition :
« Plusieurs personnes ont été choquées de l’attitude qu’ont eue ces personnes lors de la présentation de saison. Je ne connais par Renaud Herbin, mais il me paraissait important de lui montrer que tout le monde à Strasbourg ne pense pas comme eux, et que ce n’est pas une manière d’accueillir quelqu’un qui est depuis un an en Alsace. »
Le TJP dispose d’un budget de 2,6 million d’euros et d’une équipe de 24 permanents. Il est financé à 50% par la ville de Strasbourg, à 25% par l’Etat et le reste par le conseil général, le conseil régional et les recettes. Les ateliers représentent moins de 5% du budget.
Aller plus loin
Sur DNA.fr : Ateliers du TJP, le nouveau concept passe mal
Sur Théâtre TJP : la plaquette de la nouvelle saison (PDF)
Sur Rue89 Strasbourg : Giboulées 2012, les dernières du « Théâtre jeune public »
Tiens donc ? Mais où est passé le public ?
Rue 89 pourrait se pencher sur la question ?
Permettez-moi de prendre la liberté d'un deuxième commentaire sur le sujet, le premier étant à tout le moins d'une insignifiance ridicule...
Ainsi que de deux remarques...
1/
Et à me souvenir de la sans doute un tout petit peu exagérée déclaration d'un André Pomarat fier de "ses milliers d'enfants qui attendent dans la rue pour faire du théâtre"...
Ils ont été pourtant des centaines, tous les ans. Et au fil des années effectivement des milliers, mêmes s'ils n'ont pas tous attendus en même temps, le même jour, la même saison, dans la rue des Balayeurs, à, s'inscrire dans les ateliers, où à simplement venir voir les spectacles...
Et, en lisant cette polémique, à me souvenir du même André Pomarat, épée au poing, tournant furieux dans un duel sublime en hommage à Roland...
Il faudra donc sonner l'olifant ? Et même avec les conséquence qu'on l'on sait ?
Mais nous le savons tous, et avons du l'apprendre dans la douleur : l'époque des conquérants, des inventeurs ou plus simplement des audacieux et des courageux a cédé la place à celle des gestionnaires, des exécutants, des commissaires politiques...
Justement, je ne sais rien de l'arrière plan politique, qui pourrait motiver ce si jeune nouveau directeur à penser que le mot "jeune" pourrait signifier : limitation des abonnements, infantilisation du public, ou complaisance dans la qualité artistique...
De préjugé à préjugé, je dirais, à voir la photo de ce jeune homme, que son désir de faire ses preuves se manifeste dans des déclarations de maturité un peu névrotiques (" décoller cette étiquette « jeune » qui semblerait indiquer qu’il n’y a pas de place pour les autres." On ne peut espérer là qu'il 'y a plus de peur que de mal...
Alors sortons du préjugé....
Le TJP est une "scène dramatique nationale".
Elle connait comme toutes les scènes nationales (on se souvient de la lettre envoyer par la ministre d la culture sous Sarkozy au TNS...) des restrictions ( diktats ?) budgétaires du temps ( et les pseudos socialistes lo(w)cos(t) et/ou nationaux auront beau jouer de la langue de bois...
Il y aurait tout un travail entre autre journalistique à faire sur ce sujet...
Et je salue André Pomarat l'épée à la main tournant en Roland Furieux
A rajouter juste ceci que je ne suis pas un enfant, que je n'ai pas d'enfants et que j'ai vu avec un plaisir inoubliable les spectacles de ce théâtre JEUNE public : entre autres le Brecht sur le 3ème Reich en travail d'atelier et le décapant résumé du théâtre des origines jusqu'à nos jours du camarade Livchine et de sa complice Hervée de Laffont ( une des dernière fois au demeurant où j'ai senti l'odeur d'un cigare sur une scène de théâtre...les pauvres enfants à qui l'on imposait le cigare Sophocle et Racine en une même soirée...!!!!)
2/ Le second point m'est un peu plus douloureux encore...
Car je dois "avouer ma perplexité" (désolé pour le lamentable cliché littéraire) Monsieur Pierre France !
D'abord parce que je n'ai trouvé aucune ironie dans la plus ou moins "contre" pétition. Mais je dois manquer d'humour...
Et surtout parce que cette pétition clive, là où il faudrait rassembler. Sur les quelques intermittents du spectacle qui l'ont signée au moins un aurait signé l'autre. Mais ce n'est pas grave cela...
Ce qui est plus grave, c'est que dans la pétition principale on a naturellement des parents, et des anciens, et des responsables d'associations, des syndicalistes et des enseignants ( parce que le vieux Pomarata travaillé avec les écoles et que le MEN était en accord avec le MC)
Mais finalement très peu d'intermittents du spectacle (eux je les comprends et pourtant les gens qui sont à l'origine de cette pétition auraient du d'abord chercher les artistes qui ont faits ces ateliers)
Et surtout, "pratiquement pas", et je suis généreux, des responsables des comme on les appellent depuis des décennies "jeunes compagnies" !!!!
C'est tout le courage de la précarité, non ?
Ou alors ?
Ou alors il faudrait voir pourquoi ces gens n'ont pas signé ?
Parce qu'ils attendent l'issue du conflit et se disent qu'ils seront gagnants avec le gagnant et que le truc aura juste un autre nom que "atelier"... ?
Sur les 400 et bidules signatures il n'y a pratiquement pas de directeurs de compagnies alors que tous et pas seulement celles de marionnettes ont "profité" de ces ateliers et surtout de la programmation du TJP
Alors comment faire pur "sauver" e TJP ?
Ben, peut-être faire ce que Catherine Trautmann avait fait au moment de la grande lutte des intermittents : ouvrir les porte du théâtre (Petite France) et engager une réelle conversation avec les instances politiques et administratives.
Pour ma part, j'ai une totale confiance en la disponibilité de Daniel Payot, et en son subtil discernement.
Mais il faut faire vite et bien, avec tous les acteurs de la chose..;
je rejoins l'auteur du précédent message dans son analyse de la pseudo "contre-pétition" (pseudo car : adressée à qui? Et demandant quoi?). Je trouve ce texte non pas humoristique mais plutôt arrogant, voire haineux, et méprisant.
Oui, c'est fait pour cliver. On y devine aussi la tentative de faire avaler la couleuvre du "changement" dans des milieux “branchouille” censément pleins d'humour, mais aussi, ce qui est plus triste, par des “obligés” soucieux de se montrer complaisants envers la direction.
Mais enfin, à quoi sert de caractériser de telle sorte son adversaire?
La fonction est de brouiller voire de détruire le sens d'une démarche, de la décrédibiliser.
La mise en scène “humoristique” de prétendus types et caractères (le plouc, l’alsacon, le bobo, le réac, le xénophobe...) a toujours été une grosse ficelle (de gens du pouvoir, en général) : pour se débarrasser du fond.
Ainsi, la psychologisation remplace l’analyse d'une situation. On cherche à discréditer en réduisant les pétitionnaires à une somme de cas, de caractères (pitoyables et pathologiques), de types. Ainsi, la démarche des pétitionnaires ne s’expliquerait que par des traits inhérents à leur "nature" (grossière, égoïste, conservatrice, bornée...).
On a fait le choix d’insulter ici 400 signataires renvoyés à la caricature de ploucs alsaciens débiles et revêches.
En bonne cohérence, la com officielle (de la direction, cette fois) consiste à déclarer vouloir user patiemment de "pédagogie" face à “des personnes” qui ne supportent pas le “changement”... (discours éculé du pouvoir)
(On notera d'ailleurs qu’ici comme dans les déclarations de la direction, on ne dit mot et on ne prend toujours pas en compte la colère ou l’écoeurement des jeunes eux-mêmes, que M. Herbin avait pourtant bien pu entendre lors de la réunion très houleuse de “rentrée”).
" S'il t'arrive de trouver que la vie passe trop vite, va à l'église ou au théâtre".