Vingt-quatre salariés de l’antenne alsacienne de la radio Ici (ex-France Bleu Alsace) ont signé un message adressé à leur direction, témoignant d’une défiance à l’égard des prises de décisions. Dans ce court texte, une partie de l’équipe s’alarme de la « verticalité des décisions », d’une « baisse de l’offre de proximité », d’un « message flou » de la direction ou encore de la programmation musicale unifiée décidée depuis Paris.
Cette démarche s’inscrit dans une mobilisation plus large : la première lettre, initiée début mai par l’antenne d’Ici Roussillon, a rapidement été suivie par d’autres stations régionales. À ce jour, 35 stations sur les 44 du réseau régional de Radio France participent à ce mouvement.
Un manque de considération des employés
La centralisation des décisions se manifeste par une multiplication des réunions entre la direction nationale et les antennes régionales. Un journaliste de l’antenne strasbourgeoise estime que « la direction d’Ici Alsace communique une fois par jour en moyenne avec la direction nationale. » Or, ces réunions débouchent sur des changements que les salariés estiment « imposés sans concertation préalable ». « On a appris comme ça que nos reportages locaux passeraient de 2 minutes 30 à 2 minutes », témoigne le journaliste, qui préfère rester anonyme. Il tient cependant à préciser que la direction régionale n’est pas directement responsable : « Ce sont eux aussi des exécutants ; ils ont peu de marge de manœuvre face aux injonctions nationales. »
Selon ce journaliste, la direction nationale serait en outre « condescendante, voire méprisante » de l’audience locale. En témoignent la mise au second plan des émissions culturelles : « On nous a dit que ça n’intéressait pas les auditeurs », explique-t-il. Dorénavant, l’accent serait mis sur des sujets considérés comme plus en vogue : gastronomie, animaux ou bulletins d’information positifs, jugés plus attractifs par les baromètres de fréquentation de la direction nationale.
Une direction nationale et web
Une logique de nationalisation des programmes se ressent et se traduit par une réduction de la production régionale : « Depuis septembre, dans l’émission matinale, le journal local est passé de toutes les demi-heures à toutes les heures », rapporte le journaliste. Des auditeurs réguliers lui confient qu’ils zappent désormais vers d’autres stations, sachant qu’il faudra patienter une heure avant le prochain bulletin alsacien. Parfois, la rédaction alsacienne produit des émissions sur des sujets exclusivement locaux qui ne trouvent jamais de créneau pour être diffusés.
Parallèlement, la production numérique et vidéo est valorisée par la direction nationale au détriment de la radio : « À chaque reportage, il faut aussi préparer un article pour le site web », déplore le journaliste. Un baromètre des articles les plus performants est régulièrement communiqué à la rédaction, ce qui est perçu comme une pression pour produire des articles à fort potentiel d’audience. Si le journaliste reconnaît que la consommation d’information évolue vers Internet, il insiste sur le fait que ces orientations nationales ne garantissent pas la pérennité d’un média centré sur la radio locale.
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