

Robert Grossmann (à l'arrière) et Paul Meyer (devant), tout les deux très actifs sur les réseaux sociaux (Photo David Rodrigues)
Tout est parti d’un statut Facebook malheureux, publié puis retiré par Paul Meyer, jeune conseiller municipal délégué à la ville numérique. S’en est suivi un débat houleux en conseil municipal mardi avec, dans le viseur de l’opposition, le maire de Strasbourg et son incapacité supposée à contrôler ses troupes sur la toile. Et, in fine, la question de l’utilisation des réseaux sociaux dans l’enceinte même du conseil municipal a été mise sur la table.
Sacrée, la parole de l’élu en conseil municipal ? Forcément contrôlée par le maire ou son représentant ? Si oui, les statuts sur Facebook et les tweets pendant la grand-messe mensuelle des élus échappent à cette logique. D’où une interrogation souvent effleurée et finalement abordée en conseil municipal ce matin : faut-il ou non interdire aux élus l’usage des réseaux sociaux pendant la durée de la séance ? Démuni sur cette question, le maire Roland Ries a proposé la création d’un « groupe de travail sur la façon de gérer les nouvelles (sic) technologies de l’information et de la communication dans l’enceinte du conseil et pour réfléchir aux modifications éventuelles du règlement intérieur ».
Cette proposition intervient au terme d’un long débat en conseil ce matin, d’une rare violence verbale qui a opposé les membres du groupe UMP de Robert Grossmann à plusieurs élus de la majorité municipale. Les mots « ignominie », « fasciste », « anti-France » etc. ont été prononcés à plusieurs reprises. Casus belli : la réaction jugée insatisfaisante de Roland Ries, suite à la saillie de Paul Meyer sur Facebook et Twitter, qui faisait un lien entre les militants UMP se rendant au meeting de Sarkozy et « Anders Breivik », un terroriste norvégien. Tout de suite retiré, ce propos a pourtant déchaîné les foudres de la droite, qui a peu goûté « l’humour » de l’élu de gauche. L’opposition a demandé sa tête au maire, « pour l’exemple ».
Ries : « Je trouve les nouvelles technologies dangereuses »
D’exclusion, il n’en a jamais été question dans les rangs de la gauche. Mais cet épisode, auquel s’en est ajouté un autre impliquant un membre du cabinet, pose à nouveau et de façon plus aigüe qu’à l’habitude, la question de l’expression des élus sur les réseaux sociaux. Le maire, qui n’en est pas un utilisateur, est assez frileux sur le sujet :
« J’ai des comptes [Facebook et Twitter], qui sont gérés par mes collaborateurs à Paris [ndlr : Roland Ries est sénateur] mais moi je n’y vais quasiment jamais. Et tout ça ne m’en donne pas très envie. Malheureusement, je crois que je vais être obligé de m’y mettre… Je suis naturellement méfiant par rapport à ces nouvelles technologies, que je trouve dangereuses parce qu’on y trouve tout et n’importe quoi.
Alors, est-ce qu’on peut interdire de communiquer pendant les conseils et obliger les gens à déposer leur portable à l’entrée ? Je crois que c’est impossible. Mais rien n’est plus désagréable, notamment en réunion à cinq ou six, quand quelqu’un envoie des tweets. Il s’extrait de ce qu’on est en train de faire. C’est pareil en conseil. Peut-on vraiment suivre les débats et les commenter en même temps, attendre des réponses, etc. ? Est-ce que ça perturbe le travail de l’assemblée ? Je m’interroge. En tout cas, ça a un impact sur notre fonctionnement. »
Facebook et Twitter : passe-temps quand les débats s’éternisent
Et pour cause, à deux reprises, une première fois il y a quelques mois, une seconde ce mardi même, Robert Grossmann a cité en plein conseil un statut sur Twitter et Facebook tout juste posté par Philippe Bies, adjoint au maire, qui écrivait :
« Je l’ai un peu fait exprès », s’amuse Philippe Bies aux dépens de son délateur. Juste pour voir s’il suivait, en fait. Et effectivement de nombreux élus sont rivés à leur smartphone, leur tablette ou leur ordinateur portable pendant les séances du conseil municipal, surtout quand les débats s’éternisent. Une « interaction intéressante » avec l’extérieur, une « ouverture du débat démocratique » pour certains, qui se félicitent que les citoyens puissent les interpeller facilement via Facebook ou Twitter. Un « dévoiement » de la parole de l’élu ou du simple « commentaire » stérile pour d’autres. Peut-être une différence de culture ou un fossé entre générations. Mais pas uniquement, à voir Robert Grossmann, 71 ans, envoyant tweet sur tweets avec son iPhone.
Le groupe de travail voulu par le maire devrait réfléchir à ces questions de fond, finalement très politiques. Parions que Paul Meyer et Robert Grossmann en feront partie. Ambiance garantie.
Pour aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : Ces élus locaux qui tweetent
Sa mauvaise blague aurait pu la dire, il l'a tweetée; le problème de fond ce ne sont pas les réseaux, c'est l'attitude de certains élus qui se complaisent dans le show permanent. C'est parfois indigne et souvent à mille lieues de l'intérêt général.
Houla, le syndrome de la PédopornographieNaziPirateAdopi, a touché notre maire. Les boites de coms. des majors du disque ont vraiment fait des dégâts. Il faudrait vraiment qu'il rencontre Sandrine Bélier (député européenne du grand est). La rencontre serait formatrice.
Par contre, je suis assez d'accord que ça pose de grandes questions sur la tranquillité (au sens très large) du débat.
De plus les informations de ces petits messages instantanés sont souvent insignifiantes...
"Alors, est-ce qu’on peut interdire de communiquer pendant les conseils et obliger les gens à déposer leur portable à l’entrée ? Je crois que c’est impossible." Je dois être un peu naïf mais je me dis que l'on demande bien aux élèves dans les écoles de ne pas jouer avec, pourquoi ne pas demander de même aux CM. S'il y a vraiment une bonne raison, je suis curieux de la connaître.
Entendre ce type de plaintes rendraient ces dis détracteurs complètement ridicules (AMHA).
Cela va de la politesse (dont le but attesté par l'étymologie est de nous permettre de vivre ensemble en nombre) et à l'autre limite au despotisme (j'ai tous les droits), ici despotisme de l'immédiat. Le despotisme de l'immédiat, c'est le ressort de base de toute toxicomanie... l'impossibilité de différer un désir.
Ce qui est curieux c'est que personne parmi ces élus ne parle de politesse ou d'urbanité...
J'ai été surpris récemment par un homme de quarante ans de ma famille, cadre à un échelon élevé dans un entreprise florissante qui ne savait pas que chaque droit est limité par des devoirs. Heureusement que cette lacune de son instruction civique est dans les faits compensée par son habitus, comme dit le sociologue.
Il ne sait probablement pas non plus que si la Liberté est un concept qui a son intérêt, le poète a du en écrire : « que de crimes on commet en ton nom ».
Comme chaque fois que la défense abrutie d'un concept - un concept est inhumain par nature - prend le pas sur la sagesse. Ce n'est pas la « Liberté » qui est à défendre, mais l'État de droit.
Finalement on peut dire, suivant le principe au moins bimillénaire de la fable de la langue d'Esope, que tant Roland Ries que les défenseurs des moyens de communication modernes ont raison : tout est une question de mesure dans l'usage qu'on en fait.
Méfions-nous aussi du terme « sociaux » accolé à ces moyens de communication, au lieu par exemple de moyen de communication « à la cantonnade » qui serait plus juste. Comme ça on s'aperçoit que ça peut être _très_ déplacé, comme moyen d'expression. On a vu le sort fait aux plans de licenciements de personnel qui sont devenus par magie des... plans sociaux. L'ensemble des professions de communicants est tombée dans ce panneau, à commencer par les politiciens et les journalistes de gauche.
Vous avez compris que je me moque des tribulations des élus, mais que je m'inquiète du sort qui pourrait être fait à l'avenir de la Liberté et donc à la qualité de vie de nos descendants par des modes d'expression qui n'ont peut-être de sociaux que le nom. Un mode d'expression sans retenue ne peut être à long terme que liberticide, mais j'ai la chance d'avoir confiance en la capacité des humains de gérer ça. On n'évitera pas les larmes habituelles dont on paye les soubresauts du progrès.
Chère Madame, merci de m'avoir tendu la perche !