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L’Université de Strasbourg encore loin d’être autonome

L’Université de Strasbourg a cru à l’autonomie promulguée par la loi LRU et à ses promesses de développement. Mais cinq ans après la fusion, le constat est amer et un plan drastique d’économies est mis en place.

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Université de Strasbourg

Autonomie rime surtout avec économie à l'Université de Strasbourg (Photo Sam Nimitz / FlickR / CC)
Autonomie rime surtout avec économie à l’Université de Strasbourg (Photo Sam Nimitz / FlickR / CC)

En partenariat avec PolyPremière université à fusionner, et dans la première vague de celles qui sont passées aux responsabilités et compétences élargies (RCE) en 2009, Strasbourg doit aujourd’hui supprimer des heures de cours, geler des postes et trouver de nouvelles recettes.

Comment en est-on arrivé là ? D’abord, l’État a mal accompagné les universités vers cette fameuse autonomie, elles se sont retrouvées seules pour soudainement gérer d’imposantes masses salariales et les budgets de leurs facultés et composantes. Selon un rapport du Sénat sur l’application de la loi LRU (mars 2013) moins d’une dizaine d’établissements sont parvenus à mettre en place une comptabilité analytique.

À Strasbourg, le processus est en cours, mais il n’y a pas eu besoin d’une analyse poussée pour que s’amorce, dès 2011, un plan drastique d’économies après l’euphorie des débuts. La première alerte est venue du fonds de roulement, un compte sur lequel l’Université doit légalement garder l’équivalent d’un mois de fonctionnement (soit 32 millions d’euros environ). Fin 2012, il est descendu à 26,8 millions, plaçant l’Unistra à la limite de sa mise sous tutelle par le rectorat.

L’objectif du président Alain Beretz, réélu en novembre 2012, est donc de tout faire désormais pour l’éviter :

« Notre situation est tendue mais saine. Nous ne pouvons pas avoir recours à l’emprunt et sommes dans l’obligation de présenter des comptes équilibrés. Nous avons engagé des efforts de réduction de coûts, sans baisser la qualité de l’offre pluridisciplinaire qui nous caractérise. Aucun diplôme n’a été supprimé. »

Économies à tous les étages

Ces efforts ont commencé en 2011, avec un objectif de réduction de 8% des heures d’enseignements (soit 43 000 heures). Sur l’année civile 2012, l’Université est finalement parvenue à supprimer 15 000 heures, et prévoit d’en supprimer 13 000 à la fin de cette année. Travaux dirigés annulés, cours resserrés, mise en commun d’enseignements pour plusieurs filières : tous les moyens sont bons. En Droit, une semaine entière de cours est ainsi passée à la trappe en première année. En Psycho, les cours de méthodologie universitaire se sont évaporés.

Autre mesure d’économie, les fonds alloués au conseil scientifique, le cœur de la recherche universitaire, ont été diminués de 20% selon les syndicats. Et une vingtaine de postes d’enseignants sont gelés (40 selon les syndicats), c’est à dire non-pourvus, seuls les CDD « sur des missions pérennes » (sic) sont reconduits…

Dans certaines filières, ces réductions de personnel ont poussé les équipes à bout d’autant que l’université leur demande aussi de répondre aux appels d’offres de l’Agence nationale de recherche (ANR) et de publier des résultats. Beaucoup de directeurs de labos passent ainsi leur temps à rédiger les dossiers qui leur permettront de fonctionner l’an prochain. Le résultat ? Les cas de souffrance au travail se multiplient parmi les enseignants.

Pour Pascal Maillard, professeur élu au conseil d’administration de l’Unistra et représentant syndical du Snesup, une conjonction de facteurs ont provoqué cette situation :

« C’est vrai que l’État n’a pas joué son rôle. Il manque à la dotation annuelle environ 10 millions pour fonctionner correctement. Mais l’équipe dirigeante a ses torts aussi. Avec la fusion, Alain Beretz a cru pouvoir faire des économies et que l’argent du plan campus allait couler à flot. Mais la fusion a plutôt apporté des lourdeurs et l’État nous doit encore de l’argent ! Au final, on se retrouve avec des “filières d’excellence” (Santé, Biologie, Chimie) préservées et toutes les autres sacrifiées, particulièrement les Sciences humaines. »

Pour Alain Beretz, le redressement des comptes est une priorité absolue, avant d'éventuelles nouvelles ressources (Photo Pascal Bastien)
Pour Alain Beretz, le redressement des comptes est une priorité absolue, avant d’éventuelles nouvelles ressources (Photo Pascal Bastien)

Développer les ressources propres

Alain Beretz confirme qu’il manque des moyens, mais réfute l’inégalité de traitement entre les filières :

« L’État sous-estime le coût de fonctionnement de l’Université et la France est dans le milieu du classement des moyens alloués à l’enseignement supérieur par les pays de l’OCDE. Il y a sans doute un rééquilibrage à faire entre les financements pérennes et les financements contractuels. Ceci dit, l’Unistra est très dynamique puisqu’elle a obtenu 22 lauréats au Conseil européen de la recherche, soit le double des autres universités. Quant aux Sciences humaines, elles bénéficient du soutien de l’Université comme les autres et notamment de l’augmentation de 30 à 40% de leur budget de recherche. »

Pourtant, l’Université de Strasbourg est une des mieux dotée de France, lauréate d’appels d’offres « Initiatives d’excellence » (Idex) en 20112, ce qui permet d’obtenir des fonds issus du Grand emprunt, elle peut compter sur environ 27 millions par an de recettes supplémentaires, pour un budget d’environ 480 millions, mais cet argent peine à être effectivement versé…

L’apprentissage de l’autonomie passe donc par le développement de ressources propres. Formation continue, apprentissage, contrats de recherches auprès des entreprises et la Fondation de l’Unistra qui a réussi à collecter 15,5 millions d’euros en quatre ans, une performance pour une fondation d’université… mais insuffisante pour combler les manques, d’autant que l’essentiel des crédits sont fléchés et que seuls les intérêts devraient être utilisés.

Au final, rien ne vient compenser la hausse de la masse salariale, due au glissement vieillesse technicité (GVT), et certainement pas la dotation de fonctionnement de l’Etat, 317 millions d’euros pour 2012 / 2013, en augmentation de 1,3%. Moins que l’inflation.

Pour Alain Beretz, la solution vers plus d’autonomie passerait vers un contrôle a posteriori des financements :

« Je n’ai pas besoin qu’on me dise depuis Paris comment dépenser l’argent public. L’État devrait nous faire confiance, verser l’argent et contrôler ensuite comment il a été utilisé, plutôt que de demander à tout le monde de monter des dossiers interminables. »

Mais on en est loin : selon l’Association européenne des universités, l’autonomie académique des universités en France est classée 29e… sur 29.

(Article mis à jour à 22h30, correction des chiffres des heures supprimées)

Aller plus loin

Sur EducPros.fr : « L’autonomie nous laisse peu de marges de manœuvre » (Interview d’Alain Beretz)

Sur Histoire d’Universités : Le budget 2014 de l’Université de Strasbourg (blog)


#Alain Beretz

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