Une centaine d’étudiants ont pénétré dans un bâtiment de la faculté de sociologie (Le Patio), après la manifestation contre la réforme des retraites, jeudi 19 janvier. Les étudiants y ont organisé une assemblée générale pour débattre de la suite des actions à opérer contre la réforme. Il était 17h lorsqu’ils ont pénétré dans l’amphithéâtre central. Moins de deux heures plus tard, la soixantaine de jeunes restante a été évacuée par une trentaine de CRS, ce que confirment quatre personnes interrogées ainsi que plusieurs photos et vidéos largement commentées sur les réseaux sociaux.
Corentin, syndiqué chez Solidaires Étudiant, raconte :
« Nous sommes partis du cortège pour rejoindre le campus. Nous avons pu nous installer dans l’amphi sans heurt. Pourtant, moins d’une heure plus tard, des étudiants nous ont informé que les CRS étaient devant et qu’ils encerclaient le bâtiment. Aucun policier n’est venu nous voir. Il n’y a pas eu d’ordre d’évacuation. Environ 45 minutes plus tard, ils sont entrés, une trentaine environ. Nous étions déjà en train de partir. »
Une évacuation ficelée en moins de deux heures
Les quatre étudiants présents ont tous la même version de l’histoire, confirmant tous qu’il n’y a eu aucun débordement. Ils partagent le même sentiment d’étonnement quant aux procédés utilisés et relatent qu’ils n’ont jamais vu d’évacuation de la sorte pour une assemblée générale. Chloé, vice-présidente du syndicat Alternative étudiante Strasbourg, qui était aussi présente, est surprise :
« Quand on fouille dans les archives, on voit qu’il y a déjà eu des évacuations. En 2021, notamment, lors d’un blocus étudiant devant la faculté. Ou une autre fois quand les étudiants avaient fait voter le fait d’occuper l’amphithéâtre. Là, nous n’étions pas du tout dans ce cadre. Tout allait bien. »
Nicolas, ingénieur de recherche syndiqué chez Sud Education, rappelle par téléphone que ce type d’évacuation a été demandé par le président de l’Université, Michel Deneken. Pour lui, le changement de présidence de l’Université s’est accompagné d’une montée de la répression des grèves et des manifestations. Il n’a jamais observé d’évacuations aussi rapides durant sa carrière. L’enseignant a aussi le souvenir d’évacuations nocturnes, vers 22h, lorsque des étudiants avaient pris la décision d’occuper le bâtiment.
Selon l’Université, le personnel a été molesté
L’Université de Strasbourg se défend de cette évacuation dans un communiqué de presse. Selon elle, pour accéder à l’amphithéâtre, « une porte a été enfoncée et des personnels de l’université molestés ». L’Université justifie ainsi l’intervention des forces de l’ordre. Dans son communiqué, elle expose :
« La direction de l’université accepte systématiquement de mettre à disposition des salles ou amphithéâtres, dès que les demandes lui parviennent, afin que les étudiants et les personnels puissent y tenir leurs assemblées générales si toutes les conditions sont réunies pour assurer la sécurité des biens et des personnes. Ce qui n’est pas acceptable, c’est l’atteinte aux biens et aux personnes, les blocages et l’occupation des locaux au-delà des heures d’ouverture de l’Université. »
Les étudiants contactés après les déclarations récusent tous cette version. Un de nos journalistes, présent devant le bâtiment lors de l’entrée des étudiants, affirme que tout semblait se dérouler dans le calme. De son côté, quelques heures après la publication du communiqué, sollicité par Rue89 Strasbourg, le service communication de l’Université précise sa version :
« Le bâtiment était fermé au public. Un groupe de personnes a molesté deux agents du service logistique alors qu’elles sortaient du bâtiment, en essayant d’y entrer. »
Elle informe qu’un dépôt de plainte est envisagé par les deux agents concernés. Rue89 Strasbourg s’est mis à disposition pour entendre le témoignage de ces personnes mais l’Université n’a pas donné suite à l’heure de la publication de l’article.
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