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Dans son lycée, Quentin, handicapé par une dyspraxie, n’a pas pu passer le bac blanc en conditions réelles

Un lycéen s’est vu refuser, le 22 février, les aménagements spéciaux prévus avec son handicap pour passer les examens du bac blanc. Selon son établissement scolaire, ils n’ont pas été mis en place en raison d’un manque de moyens financiers.

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Dans son lycée, Quentin, handicapé par une dyspraxie, n’a pas pu passer le bac blanc en conditions réelles

Quentin, 17 ans, est dyspraxique. Il s’agit d’un trouble des apprentissages perturbant la capacité à coordonner certains gestes. Il se forme aux métiers de la sécurité au lycée professionnel Émile Mathis à Schiltigheim. Cette année, comme n’importe quel élève de son âge, il doit passer le bac. Contrairement à ses camarades de classe, « il n’aura pas été entraîné dans les conditions de l’examen », dénoncent ses parents.

En maternelle, Quentin ne parvenait pas à dessiner ou à refermer le bouton de sa veste par exemple. À partir de l’école primaire, il a éprouvé des difficultés, notamment en lecture et en écriture. Diagnostiqué en CE1, il a pu bénéficier d’un statut de handicap ainsi que d’aménagements particuliers afin de poursuivre une scolarité « normale ». N’ayant jamais redoublé, il a développé une passion pour les métiers de la sécurité et souhaiterait devenir pompier.

Un règlement flou sur les aménagements au bac blanc

Mardi 22 février, Quentin s’est présenté aux examens blancs du baccalauréat dans l’espoir que ses aménagements prévus pour passer les examens nationaux en raison de sa situation de handicap soient mis en place. Pourtant, malgré plusieurs emails envoyés au secrétariat de son établissement restés sans réponse, il a dû passer son bac blanc de la même manière que ses camarades de classe.

Le lycée Émile Mathis à Schiltigheim. Photo : street view

D’après sa notification de mesures d’aménagements d’épreuves du baccalauréat professionnel, l’adolescent doit passer ses examens avec « une majoration d’un tiers de temps pour les épreuves écrites », « un isolement » dans une salle mise à disposition, « une lecture du sujet à haute voix avec reformulation » ainsi que « l’assistance d’un [ou d’une] secrétaire scripteur », également pour « reformulation des consignes ». Rien ne précise néanmoins si ces mesures doivent également être appliquées pour des examens blancs.

La loi impose des aides pour les personnes handicapées

Nous avons pu consulter son Geva Sco, document qui permet d’évaluer les besoins de compensation de chaque personne handicapée. Il stipule qu’il doit il y avoir « une continuité [dans les aménagements], entre les évaluations et les examens ». Tout au long de l’année scolaire, Quentin dispose d’un ordinateur, et une AVS l’accompagne pour ses cours et ses contrôles en classe. Cette dernière était présente le jour du bac blanc, mais elle n’a pas eu l’autorisation de l’aider.

Rue89 Strasbourg a contacté Christine Casta, proviseure du lycée Émile Mathis. Elle a indiqué que les aménagements n’avaient pas été octroyés à cause d’un manque de moyens. Selon elle, le rectorat n’accorde « aucun aménagement pour les épreuves du bac blanc ». Elle assure cependant que tous les aménagements notifiés pour les épreuves de l’examen seront mis en place.

D’après le rectorat, les aménagements au bac blanc relèvent des lycées

D’après le rectorat, les aménagements qui ne concernent pas les examens nationaux tels que le bac blanc « ne sont pas du ressort de la division des examens et concours mais relèvent de l’autonomie de l’établissement ». En d’autres termes, pour le rectorat, la responsabilité revient au lycée Émile Mathis.

Quentin craint que ses aménagements ne soient pas mis en place pour certains examens de contrôle continu. La proviseure lui a assuré qu’il allait en bénéficier. Ses parents, Valérie et Thierry, sont aussi inquiets concernant la constitution du dossier de leur fils sur Parcoursup, comme les notes du bac blanc comptent dans sa moyenne.

Valérie est enseignante dans un collège du nord de l’Alsace. Elle estime que ses notes de bac blanc ne doivent pas être prises en compte :

« La direction nous a proposé de compenser le tiers temps qu’il n’a pas reçu en augmentant ses résultats, mais ce n’est pas ce que nous demandons. C’est un examen national donc l’entraînement est aussi national. Notre fils n’a pas eu un entraînement en adéquation avec ses besoins. Il est angoissé à présent pour ses examens terminaux car il ne se sent pas forcément préparé. »

« Notre fils est arrivé au terme de sa scolarité sans difficulté grâce aux aides »

Thierry, son père, conducteur de tramway à Strasbourg, insiste sur l’importance des aménagements. Il a le sentiment que l’établissement met à mal des années de lutte pour faire reconnaître la situation de handicap de son fils : « Quentin est arrivé au terme de sa scolarité sans difficulté grâce aux aides auxquelles il a le droit de prétendre au regard de la loi. »

Les parents du garçon ont également interpellé la Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE) pour leur faire part de cette situation. Valérie explique :

« On sait que le cas de notre fils n’est pas une exception. Nous on ne lâche rien mais on a l’impression que tout est fait pour démoraliser les parents. On regrette que le parcours des enfants handicapés soit aussi difficile. On comprend les parents qui sont découragés ou qui n’ont pas les moyens. Mais du coup, on n’est pas sûrs que les enfants concernés aient les mêmes chances que les autres.

Faire rédiger des copies de baccalauréat à la main à un élève dyspraxique, sans l’autoriser à utiliser son ordinateur ou l’aide d’un adulte-scripteur est un manque de considération d’un handicap pourtant reconnu par la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH). »


#baccalauréat

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