Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Avec ARK Strasbourg, la frontière en débat au Maillon

Du vendredi 16 au dimanche 18 juillet, ARK Strasbourg appelle les Strasbourgeois à s’interroger sur la notion de frontière, dans la ville et l’espace public. Une collaboration entre le collectif anglais Quarantine et sept partenaires européens, dont Le Maillon. Une invitation à la dissidence par la conversation, et à venir habiter une arche tout au long du week-end.

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Avec ARK Strasbourg, la frontière en débat au Maillon

Dans le cadre du projet européen Moving Borders, une collaboration entre sept théâtres, festivals et structures publiques européens, le Maillon a choisi quatre artistes, une cinquantaine de participants amateurs, et des étudiants de la Haute école des arts du Rhin, pour construire… une arche. Utopie imaginée par le collectif anglais Quarantine, cette arche, appelée ARK Strasbourg, veut susciter le dialogue et créer la rencontre autour de récits et d’expériences de vie. Et ce avec un questionnement propre à l’Eurométropole : qu’est-ce qu’être un étranger à Strasbourg, cette capitale européenne ?

Casser le quatrième mur

Le principe est simple : créer, le temps d’un week-end, un espace de rencontre et de dialogue. Dans les nouveaux locaux du Maillon, boulevard de Dresde, les spectateurs sont invités à s’emparer du lieu à travers des ateliers, des discussions, et des réunions impromptues. Et tout ça gratuitement. « On a voulu lever les barrières de la salle de théâtre, et réellement accueillir le public, qu’il se sente bien, » explique Leyla-Claire Rabih, une des quatre artistes invitées. « Le spectateur peut aussi venir et ne rien faire, s’ennuyer » poursuit-elle. Antoine Cegarra, un autre artiste sélectionné, poursuit : « on veut construire un parlement alternatif où on parle de nous, entre nous, par opposition au Parlement européen qui parle à côté de nous. » Ainsi, le visiteur-participant sera un « anti-expert, un expert de sa propre expérience pour un présent plus juste », explique Antoine Cegarra.

L’arche, c’est le point de départ du projet européen. Élise Simonet, la troisième artiste, se souvient :

« Au début on ne savait pas trop ce qu’on allait faire, mais très vite, on a voulu proposer une expérience dans le temps long, axée sur la rencontre et sur l’expérience plutôt que sur la performance. »

Ainsi le spectateur pourra rester aussi longtemps qu’il le souhaite, libre des contraintes habituelles de la représentation théâtrale. Quant à la représentation physique de l’arche, ce sont les étudiants en scénographie de la Haute école des arts du Rhin (HEAR) qui s’en chargent. L’espace sera largement ouvert, et en plus des ateliers proposés, on pourra s’y restaurer, s’y abreuver, jouer avec les jeux du Chat Noir, consulter un ouvrage prêté par la médiathèque Malraux, ou demander conseil à un bibliothécaire…

Un rendez-vous largement participatif

ARK Strasbourg est participatif. Avant le week-end ouvert au public, les artistes ont travaillé avec des participants amateurs à l’élaboration de leurs ateliers respectifs. Recrutés dès le mois de février, une cinquantaine de participants ne devaient répondre qu’à un critère : habiter le quartier du Wacken.

Parmi eux, Martine, alsacienne qui préfère « vivre le théâtre que le voir, » et « surtout pour les rencontres ». Il y a aussi Tofaan, originaire d’Afghanistan et qui a entendu parler du projet par un ami. Lui aussi participe pour vivre la « rencontre et l’expérience ». Tout comme Dagmar, professeure allemande, pour qui participer à l’arche, c’est surtout entendre des histoires individuelles qu’elle n’aurait sinon jamais connues. Et Aleksandra, d’origine polonaise, d’ajouter qu’en plus, « ça donne de la vie au nouveau Maillon ».

Leyla-Claire Rabih et des participantes à son atelier « Les promenades de l’arche », en préparation pour l’ouverture au public (Photo Le Maillon / document remis).

Des ateliers sur mesure

Et ce qui fait sa spécificité au-delà de la dimension européenne, ce sont les artistes sélectionnés et les ateliers qu’ils ont imaginés. Avec les participants amateurs, chaque artiste a créé, en 25 heures, une partie de l’arche. Antoine Ceggara par exemple, comédien et metteur en scène, anime quatre sessions de l’Assemblée des savoirs :

« On a voulu interroger ce qu’est un savoir, ce que l’on peut transmettre, et ce que l’on peut désapprendre. On travaille beaucoup sur l’écoute, sur l’attention qu’on porte aux individus, dans le but de se transmettre les uns aux autres. »

Mathilde Mertz, chanteuse lyrique et cheffe de chœur strasbourgeoise, animera le Chœur de l’arche, un ensemble lui aussi amateur composé de participants polyglottes. En cherchant à faire raisonner les différentes langues, les identités vocales se mêlent, à travers leurs sonorités et particularités. Raji, participante d’origine indienne, explique que ce travail a été une grande découverte. « Ça m’a confirmé dans l’idée que la musique est universelle, on a embarqué dans l’arche, » avoue-t-elle. Le chœur fera des apparitions surprises tout au long du week-end.

Exemplaires du jeu de carte imaginé par Élise Simonet et les étudiants en illustration de la Haute École des Arts du Rhin, dans le cadre de son atelier Converser (document remis).

Et entre deux performances vocales, il sera possible de se laisser porter par les Promenades de l’arche. Atelier créé par Leyla-Claire Rabih, le public sera guidé, individuellement ou par groupe de deux pendant 30 minutes à travers le quartier du Wacken. Il y écoutera la vision du participant, son récit :

« Chaque personne a sa partition individuelle, ses souvenirs, associe le quartier à quelque chose qui lui est propre. Les participants ont des liens très différents à l’endroit, on a vu se superposer leurs cartes à travers notre travail. »

Autre rendez-vous de l’arche, l’atelier Converser, créé par Élise Simonet. Un projet déjà entamé à Bruxelles et Fribourg. C’est un jeu de cartes illustré par les étudiants de la HEAR et accompagné d’un livret explicatif. Elle l’a imaginé à partir de conversations avec des personnes et couples polyglottes, immigrés, nouveaux arrivants… Depuis quelques semaines, ce sont des Strasbourgeois qui l’accueillent chez eux pour qu’elle continue de créer le jeu. Elle questionne le rapport à la langue, dans l’intime, dans son utilisation et dans les ressentis. Le jeu et son livret forment un condensé de ce qu’elle apprend lors de ces entretiens. Durant le week-end, le public est donc invité à s’emparer du jeu.

Extrait du jeu Converser imaginé par Élise Simonet et transcrit par les étudiants en illustration de la HEAR (document remis).

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