« Je me suis tout de suite dit que c’était la personne qu’il me fallait », assure-t-il. L’histoire d’amour entre Ahmed et Mayliss, 26 et 29 ans, est « évidente » mais semée d’embuches administratives. Il est né au Burkina Faso. Elle est née en France. Ils se rencontrent en mai 2022 à l’occasion d’un festival autour de la musique, de la danse et des contes d’Afrique à Illkirch-Graffenstaden où Ahmed se produit. Ils sont présentés par une connaissance commune. Leur histoire d’amour nait quelques semaines plus tard, lorsque Mayliss vient participer à l’un des cours de danse que dispense son futur époux. « C’est la danse qui nous a rapprochés », sourit-elle.
« J’ai vite su que c’était nous deux »
Ahmed est arrivé en France quelques semaines avant leur rencontre avec un visa touristique de six mois. Formé à l’école internationale de danse Irène Tassembédo de Ouagadougou, le jeune artiste, qui a par le passé déjà fait des tournées en Europe avec sa troupe, s’installe en Alsace en mai 2022 pour se produire. « Je venais pour rester en France. J’avais des projets pour donner des cours de danse, fonder une compagnie », explique l’artiste. Le parcours d’obstacles administratifs commence alors. Une première demande de titre de séjour est déposée, Ahmed passe des auditions, se projette. « Ça n’a pas abouti », résume-t-il.
Malgré ces procédures bureaucratiques, l’histoire d’amour d’Ahmed et Mayliss s’épanouit. Le couple emménage. Très vite, ils parlent de mariage. C’est Mayliss, conseillère numérique chez Emmaüs Connect qui pose le genou à terre. « J’ai vite su que c’était nous deux et personne d’autre. Je lui faisais confiance », détaille-t-elle. « Le mariage c’est important pour moi mais je n’osais même pas en parler. J’avais peur qu’elle pense que c’était pour les papiers », se rappelle le danseur.
Le couple le reconnait : l’union est accélérée par la situation administrative d’Ahmed. « Il fallait que sa situation avance pour qu’on puisse se construire », conclut Mayliss. « J’étais bloqué dans mes projets… Je n’ai pas pu honorer certains contrats de travail du fait de ma situation », détaille le danseur. Le visa touriste d’une durée de six mois d’Ahmed prend fin et le jeune homme explique n’avoir aucun retour de la préfecture concernant sa demande de passeport talent, une carte de séjour pluriannuelle dédiée aux artistes notamment.

« Je ne m’étais pas imaginé ce que ça impliquait »
Preuve de célibat fournie par le pays d’origine, preuve de vie commune, acte de naissance de moins de trois mois… « Un tas de paperasse » est collecté en prévision des noces. Même si le budget est serré, le couple parvient à organiser en septembre 2023 « le meilleur mariage de Strasbourg » à l’hôtel de Ville place Broglie puis dans une salle des fêtes entouré d’une centaine de proches.
Mais l’union du couple est loin de mettre fin aux galères administratives. « Je ne m’étais pas forcément imaginé ce que ça allait impliquer. J’estimais qu’il était naturel d’aider mon conjoint« , avance Mayliss. « La numérisation des démarches à la préfecture, ça a été un vrai problème », analyse la conseillère numérique. Impossible d’obtenir un rendez-vous, ni même d’avoir de réponse. « C’est la préfecture, c’est la France », ironise Ahmed.
Une OQTF pour la Saint-Valentin
« Au bout de plusieurs mois et plusieurs demandes, on apprend par le biais du Défenseur des droits que la préfecture n’avait réceptionné aucun dossier », résume le couple. Pourtant, à chaque demande de titre de séjour, Ahmed explique avoir reçu une attestation de dépôt. « C’est donc que quelque chose a été déposé », rigole désormais le jeune marié. « Et puis ce sont des frais ! À chaque demande il faut payer un timbre fiscal, 225 euros à chaque fois », précise son épouse.
Accompagnés par l’association des Amoureux au ban public, le couple fait donc appel au Défenseur des droits pour savoir où en sont les quatre demandes de titre de séjour vie privée/familiale déposées après leur mariage. Il découvre qu’une obligation de quitter le territoire français a été notifiée à Ahmed le 14 février 2024. « Mon conjoint a reçu une OQTF le jour de la Saint-Valentin, c’est assez ironique », tranche Mayliss. Problème, la découverte est faite en avril, le délai de recours est alors dépassé.
Deux ans et demi d’errance administrative
« C’est là qu’on s’est décidé à prendre une avocate et les choses ont commencé à bouger ». Grâce à son conseil, le danseur obtient l’annulation de son OQTF et son titre de séjour lui est finalement délivré à l’automne 2024, deux ans et demi après son arrivé. L’heure est désormais aux projets personnels comme professionnels. Achat d’une maison et voyages notamment. Empêché de se rendre à Los Angeles en 2024 en raison de la situation administrative d’Ahmed, le couple espère pouvoir s’y rendre à l’été 2025. Le danseur a été sélectionné pour représenter la France à l’occasion d’une importante compétition internationale, la WCOPA (World Championship Of Performing Arts) qui rassemble plus de 70 pays.
Le couple a aussi pu se rendre au Burkina Faso pour fêter la nouvelle année et pour que Mayliss rencontre sa belle famille. Ils comptent y retourner prochainement pour célébrer un « deuxième mariage », plus traditionnel cette fois-ci. Depuis le retrait des troupes militaires françaises de l’opération Barkhane fin 2022, les relations se sont tendues entre la France et l’Alliance des États du Sahel (AES). Il est de plus en plus difficile d’obtenir des visas pour la Burkina Faso, le Niger ou le Mali. Une situation géopolitique instable qui a entrainé Mayliss à demander la nationalité burkinabée fin 2024. « J’ai un peu vu ce qu’il a vécu lui », rigole la conseillère numérique.
Chargement des commentaires…