
Le premier tour des dernières élections municipales de Strasbourg avait vu un net délaissement des « petits candidats » au profit du PS et de l’UMP. Les cartes des scrutins municipaux précédents des votes pour les deux grands partis de droite et de gauche, bureau de vote par bureau de vote, permettent de révéler les points forts et faibles de ces deux formations.
Premier enseignement des municipales de 2008 : à participation à peu près égale par rapport à 2001, les pourcentages alloués aux principaux partis de droite ou de gauche ont progressé. Par rapport aux précédentes élections municipales, l’UMP a connu une hausse de 4% tandis que le PS a effectué une percée de près de 15%. En d’autres termes, plus de trois bulletins exprimés sur quatre ont penché en faveur des deux grands partis.
Sept ans auparavant, ces mêmes formations fédéraient déjà environ 60% des électeurs venus aux urnes, confirmant un net bipartisme dès le premier tour. Dans ces conditions, il était difficile pour les neuf candidats restants d’espérer rejouer le coup de 2001, quand Jean-Claude Petitdemange, transfuge du PS, était parvenu à se qualifier pour le second tour.
Avec le scrutin municipal de mars 2014 qui approche, il est intéressant de comparer les résultats obtenus par les deux grandes forces politiques de la ville, bureau de vote par bureau de vote.
A droite, gare à l’écart avec le PS
Voici la carte des résultats de Fabienne Keller au premier tour de 2008, par bureau de vote. Vous pouvez obtenir le détail des chiffres en cliquant sur l’un d’entre eux :
Cela ne surprendra personne, les fiefs de l’UMP sont plutôt au nord de la ville : dans la Robertsau, du côté du Pavillon Joséphine et également vers le Lycée Kléber. Un des gros avantages pour l’UMP est que, globalement, ces bureaux enregistrent des taux d’abstention parmi les plus faibles de la ville (de l’ordre de 40% environ). Autrement dit, ces électeurs se mobilisent, et c’est plutôt pour voter à droite. On observe également quelques autres bureaux où Fabienne Keller a approché les 50% de bulletins exprimés :
- au sud, notamment vers l’école d’application de la Meinau, le gymnase de la Canardière, l’institut médico-éducatif IRIS et le collège du Stockfeld
- dans une moindre mesure à l’ouest, avec l’école des Romains, le gymnase du Hohberg ou la maternelle Gustave Doré, où les électeurs se sont exprimés à plus de 40% pour la candidate de la droite
- plus à l’est, au bureau de l’école de la Musau, où Fabienne Keller a frôlé les 42%
De solides bastions socialistes
L’un des principaux problèmes du moment pour l’UMP est la négociation avec le candidat de l’UDI François Loos pour un accord sur une liste commune. Mais ce que peut également redouter la droite et le centre aux municipales, c’est une confirmation du choix des Strasbourgeois pour le PS.
Cette « marée rose » peut se traduire aisément par la carte ci-dessous, dressée à partir des différences entre les suffrages exprimés pour Roland Ries et pour Fabienne Keller.
Plus une zone est mauve, plus l’écart en faveur du PS est important, plus elle est bleue et plus l’avantage est à l’UMP. Les zones blanches sont celles où les grands partis de droite et de gauche ont moins de 5% de différence.
On voit se dessiner un net avantage pour Roland Ries dans le centre-ville, la Krutenau et les quartiers en périphérie. La tendance s’inverse au nord et dans d’autres bureaux de vote plus favorables à l’UMP cités précédemment. Prenons un peu plus de recul avec l’écart, en voix brutes, entre PS et UMP lors des municipales de 2001 et de 2008 :
En 2001, l’avantage n’est que de 264 voix en faveur de Fabienne Keller, mais la gauche a pâti de la candidature de Jean-Claude Petitdemange, ancien premier secrétaire du PS du Bas-Rhin. Son maintient au second tour a contribué à l’éparpillement des voix auxquelles la candidate d’alors, la maire sortante Catherine Trautmann, aurait pu prétendre.
Sept ans plus tard, Roland Ries est parvenu à engranger une confortable avance de 7 000 voix par rapport à son adversaire UMP. Si cet important écart se reproduisait en 2014, il confirmerait un solide ancrage à gauche de Strasbourg.
A gauche, le danger d’une abstention dans les quartiers populaires
Roland Ries, qui doit cette fois défendre son bilan et ne pourra mobiliser sur l’envie de changement, va devoir trouver les mots pour mobiliser les bureaux socialistes. Sans se compléter parfaitement avec la carte précédente, celle des votes dans les fiefs socialistes en 2008 sont riches d’enseignements (voir ci-dessous).
On observe :
- une large zone d’adhésion, dans plusieurs bureaux du centre et de la Krutenau, où le candidat socialiste a enregistré des scores oscillant entre 46% et 52% des bulletins exprimés, avec une pointe à près de 56% pour le bureau du lycée professionnel Oberlin,
- les bureaux à proximité de la gare ont grosso modo voté dans les mêmes proportions pour le PS (entre 48% et 53%). Comme pour la zone précédente, ils enregistrent une abstention parmi les plus faibles de la ville,
- un nombre important de bureaux de vote situés dans les quartiers populaires de la ville (Hautepierre, Neuhof, Montagne verte et Port du Rhin) se sont exprimés à plus de 50%, voire 60%, pour le candidat de la gauche.
Sur ce dernier point, il faut souligner le trompe-l’oeil de l’abstention. Ces fiefs de gauche situés en périphérie de la ville se confondent pour la plupart avec les bureaux qui s’abstiennent le plus. Un adversaire de Roland Ries qui parviendrait à convaincre une partie de ces abstentionnistes aux urnes pourrait ramener un nombre importants de bureaux dans son sillage.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : tous nos articles sur les élections municipales
Sur Rue89 Strasbourg : dis moi où tu habites, je te dirai si tu votes
On peut aussi se demander où est passé le vote centriste dans le centre-ville (Ile, Krutenau, Esplanade, gare).
Noyé après l'adhésion de Fabienne Keller à l'UMP?
Liquéfié avec le renouvellement des classes d'âges dans ces quartiers?
Délaissé par les nouveaux arrivants moins sensibles politiquement à ce qu'on appelle le "centrisme alsacien"?
Bref, ça m'intrigue.
Mais l'article de Raphaël est intéressant. Avec son data, il devrait néanmoins davantage exploiter le vote blanc et nul dans son analyse.
Habitant(e)s des quartiers populaires, classes moyennes précaires (ou en passe de le devenir comme 80% d'entre vous)...abstenez-vous (les esclaves qui votent pour leurs maîtres c'est un peu dépassé) mais prenez le pouvoir (là on parle d'avenir). Prenez des cartes dans un Parti et noyautez-le, rentrez dans les CA des associations, dans les syndicats, dans les conseils d'école...Soyez partout sur le chemin de celles et ceux qui ne représentent plus que leur propre personne. L'imposture c'est finie. La politique c'est vous qui la ferez. Arrêtez de subir les logiques colonialistes ou méprisantes quotidiennes...n'ayez qu'un objectif: prenez le pouvoir de l'intérieur et en douceur. Demain, le système ce sera vous.
le Data et le raccourci clavier sur map, c'est bien, mais une bonne légende serait plus qu’appréciable pour lire vos cartes et synthétiser leurs propos....
Je me pose la question de la pertinence de certaines de vos analyses (certaines relèvent de portes ouvertes)... vous tirez un enseignement à partir d'un scrutin...
Je pense qu'il aurait été souhaitable de dresser les cartes de l'évolution des suffrages quartier par quartier.
Ainsi vous rangez les quartiers populaires dans la case PS, en oubliant que dans certains d'entre eux, le vote socialiste progresse à mesure du scrutin (meinau-neuhof). Je pense que l'on doit observer un phénomène similaire au sujet de Neudorf...
Tout cela pour dire que le data est une source d'information appréciable. Encore faut-il y extraire les informations pertinentes (d'où l’intérêt des légendes, de saisir la dynamique électorale sur plusieurs scrutins...)
De manière analogue, vous ne livrez au final que peu d'analyse mobilisant d'autres sources que vos données quantitatives... c'est très frustrant à la lecture.
Je ne peux que vous encourager à poursuivre la rédaction de ce type d'article. Par contre, il reste de grosses marges de progression sur la sélection des données, leurs représentations graphiques, et les analyses postérieures qui doivent dépasser vos seules données quantitatives.
Mes remarques valent également pour votre précédent article...
Tout d'abord, sur le fond. Je dis très souvent que ce n'est pas parce qu'on peut faire quelque chose que l'on doit forcément le faire. Ainsi, pour ce qui concerne le data en politique, je ne suis pas franchement fana du regroupement de scrutin très divers (cantonales, régionales, présidentielles, législatives et municipales, notamment) pour en dresser de grandes conclusions.
Pas le même type de campagne, pas le même type de candidats, pas le même type d'intérêt citoyen, donc comparaison très très hasardeuse...
Il ne nous reste donc que les municipales. La CUS, dont on ne peut que se réjouir de l'initiative open data, ne fournit que les données de 2001 et de 2008 pour ce scrutin, et tous les tracés des bureaux de vote (qui changent régulièrement) n'y figurent pas encore. Mais c'est amplement suffisant.
Pourquoi se fixer en 2008 et pas aux municipales de Mathusalem ? Tout simplement parce que ces municipales sont les plus récentes et celles dont les principales têtes d'affiches seront à peu près les mêmes (si on exclut Loos). C'est donc un choix qualitatif et pas uniquement quantitatif.
Les références à Petitdemange en 2001 sont du même ordre : si on était resté que dans le quantitatif comme vous dites, on aurait pas cité le candidat UDF après une comparaison PS-UMP !
J'ai aussi dressé les cartes de 2001 du PS et de l'UMP pour les comparer. Ce qui en ressortait, c'est que les fiefs des uns des autres ne changeait pas, seule la concentration des votes changeait. Et ce bipartisme qui s'accentue sert d'introduction à l'article...
Enfin, pour la forme, permettez-moi d'insister sur la réflexion qui a accompagné ces cartes, et d'un lien qui vous permettra de l'apprécier concrètement : http://blog.m0le.net/2013/11/26/autopsie-dune-dataviz-4-des-cartes-choroplethes-harmonisees/
Belle journée à vous et au plaisir de vous lire.