
Ouvert en juillet 2011 à Wingen-sur-Moder, en Alsace du nord, le Musée Lalique coûte chaque année 1,2 million d’euros aux contribuables alsaciens. Voulu par Philippe Richert, alors qu’il était président du conseil général du Bas-Rhin, ce musée était un boulet au pied de son successeur qui a dû éponger près de 900 000€ de déficit en 2012. Qu’à cela ne tienne, la participation de la Région vient d’être déplafonnée en même temps que les statuts, modifiés.
L’affaire a été entendue fin 2012, quelques mois avant le référendum sur le conseil unique d’Alsace. Guy-Dominique Kennel, président du conseil général du Bas-Rhin, a obtenu satisfaction de la part de Philippe Richert, président de la Région Alsace : plus question pour le conseil général d’éponger la quasi-totalité du déficit du Musée Lalique de Wingen-sur-Moder, voulu par Philippe Richert, prédécesseur de Guy-Dominique Kennel à la tête du Département et élu du canton de la Petite-Pierre, où se trouve Wingen.
De 105 000 à 582 500€ : « Un simple rééquilibrage »
Alors que la participation de la Région Alsace était jusqu’à présent plafonnée à 105 000€ par an pour le fonctionnement de la structure, sur ses 1,67 million d’euros de budget, elle passera en 2013 à 582 500€. Ce changement apparaît dans les statuts révisés du syndicat mixte gestionnaire du Musée Lalique, dont Philippe Richert a pris la présidence au décès de Gaston Dann en janvier 2013. Le président du conseil régional et du syndicat mixte note :
« Il s’agit d’un simple rééquilibrage. La demande de Guy-Dominique Kennel était légitime. Nous avons fait la même chose pour le Mémorial d’Alsace-Moselle, l’Ecomusée d’Alsace ou le Hartmannswillerkopf. »
Les nouveaux statuts du Musée Lalique
Etienne Wolf, maire de Brumath, conseiller général et membre du comité syndical du Musée, confirme :
« Les deux présidents se sont mis d’accord en fin d’année dernière, parce que le Musée Lalique, qui marche très bien, a une dimension plus régionale que départementale. Ce Musée, qui a été voulu par Philippe Richert, est une émanation du conseil général. Nous n’avons rien de comparable dans le Département. L’autre structure que l’on gère, le Haut-Kœnigsbourg, n’est pas déficitaire. »
Fréquentation satisfaisante, mais en baisse
Un musée qui creuse chaque année 1,2M€ de déficit, mais fonctionne très bien ? C’est ce qu’affirme la directrice Véronique Brumm :
« Nous prévoyions au départ 50 000 visiteurs par an, nous en avons eu 100 000 entre juillet 2011 et juin 2012, 80 000 la deuxième année. Nous avons très peu de visiteurs gratuits, moins de 20%, contrairement aux musées de Strasbourg où les entrées gratuites représentent environ 50% du total. Par ailleurs, 85% des visiteurs du Musée Lalique sont français.
La billetterie rapporte un peu plus de 400 000€ par an, la boutique 300 000€, mais ce dernier budget est à part. Nous faisons 40% de bénéfices sur cette somme [ndlr, soit 120 000€], comme n’importe quelle boutique Lalique en régie directe. »

La boutique du musée se fournit directement à l’usine Lalique de Wingen (Photo MM / Rue89 Strasbourg)
A la boutique du musée, les pièces sont scénarisées comme dans une boutique Lalique classique et les prix, alignés sur ceux pratiqués par la marque de luxe dans sa boutique strasbourgeoise ou celle de la rue Royale à Paris. La vendeuse et agent d’accueil du musée précise d’ailleurs :
« Les visiteurs du musée achètent de temps en temps, notamment des petits poissons colorés, très appréciés, mais nous avons aussi des clients qui viennent des environs pour faire des cadeaux de mariage par exemple. L’avantage, c’est que nous sommes à côté de l’usine et que nous pouvons avoir les pièces rapidement. »
Une boutique sur fonds publics
Une boutique Lalique financée sur fonds publics ? C’est l’un des éléments du dossier qui fait grincer les dents de Pernelle Richardot, élue PS d’opposition à la Région Alsace. Pour elle, « le contribuable subventionne largement une entreprise privée encore en activité ». Par ailleurs, l’accord entre le syndicat mixte et la société privée stipule que le nom Lalique peut être utilisé par le musée pendant 10 ans, renouvelables. Encore faut-il que le standing du lieu corresponde aux critères de la marque, qui a donc son mot à dire sur la tenue du musée.
L’élue d’opposition martèle :
« Tous les clignotants sont au rouge pour faire de ce musée un Bioscope bis [ndlr, qui a fermé après quelques années d’exploitation seulement]. On a fait là un Musée de France sans collection, sachant que le rapporteur de la loi sur les Musées de France en 2002 n’était autre que Philippe Richert lui-même. Des acquisitions en continu sont donc faites aux frais des Alsaciens !
Par ailleurs, la dimension internationale qu’on veut donner au musée est incompatible avec la taille de la salle d’exposition temporaire, trop petite. Faire quelque chose en Alsace du nord sur l’industrie verrière avait sa pertinence, mais que Wingen ait son musée, alors que Saint-Louis et Meisenthal proposent déjà des choses pas loin, c’est juste le fait du prince ! »
« Acharnement pour exister politiquement »
Un « acharnement pour continuer à exister politiquement », tacle Philippe Richert. Pour lui, Pernelle Richardot, adjointe au maire de Strasbourg, ferait mieux d’éplucher les comptes des musées strasbourgeois. Le président du conseil régional, chiffres de fréquentation et recettes 2008 à l’appui, juge le « ratio bien meilleur pour le Musée Lalique que pour les musées de Strasbourg ». Il ajoute :
« Des touristes se déplacent d’autres régions, d’autres pays pour visiter ce musée. Alors que si l’on veut visiter un musée d’art moderne dans la région, on va plutôt à Bâle qu’à Strasbourg ! Nous sommes en train d’asseoir la reconnaissance internationale du musée, avec notamment des collectionneurs qui nous font des dépôts réguliers, gratuitement. »
« Folie des grandeurs »
Reconnaissance internationale ? « Ce ne sont pas les 42 Japonais accueillis en 2012 qui vont justifier la traduction des menus du Crista’Lion, la cafète du musée, en nippon », s’amuse une source proche du dossier qui dénonce, sous couvert d’anonymat, la « folie des grandeurs » de Philippe Richert. La localisation de ce musée, accessible quasi-exclusivement en voiture, la création de son parking en zone Natura 2000, son coût d’investissement (13 millions d’euros) sont également pointés du doigt.
A noter que le Musée Lalique a été installé dans les anciens bâtiments d’une verrerie de Wingen-sur-Moder, à quelques centaines de mètres de l’usine Lalique toujours en activité. Là, un trafic d’objets d’art a été démantelé début juin.
Y aller
Musée Lalique, rue du Hochberg à Wingen-sur-Moder. Possibilité d’accès en TER par la ligne Strasbourg-Sarreguemines (45 minutes), marcher ensuite sur 2 kilomètres. Contact : 03 88 89 08 14.
M. Richert devrait se méfier de ce qu'il raconte. Ces idées/actions fumeuses ne sont pas forcément les plus exemplaires / plébiscitées (à voir ses multiples scandales et les résultats du dernier référendum alsacien)
Personnellement, l'adjointe au maire de Strasbourg à raison.
Pour votre gouverne, M. Richert, le musé Strasbourgeois n'est peut-être pas non plus le meilleurs exemple à suivre, mais au moins il a plus de visibilité (et de chance d'améliorer son chiffre) pour les touristes de passage à Strasbourg: Cathédrale, Parlement européen, Marché de Noël, Foire européenne...
Et à Wingen Sur Moder (1400 âmes environs), hormis l'annuel vide grenier des pompiers, et le concours de pêche les dimanches, il se passe quoi le reste de l'année pour attirer des étrangers ?
C'est sûre, le musée fonctionne tellement bien qu'ils sont obligés d'exposer régulièrement des oeuvres diverses d'autres artistes et d'organiser événement sur événement (à grand renfort de coûteuses pubs dans divers médias)
Même le PDG Denz se sent obligé de faire un geste pour attirer du monde en exposant actuellement des œuvres diverses issues de sa collection personnelle. Quand on en arrive à ce stade et que les produits de base ne suffisent plus, ça sent le sapin....
Et quid des retombés économiques qui furent miroités aux entreprises locales (commerçant/artisans) lors de la création du musée? Pas sûre que ceux-ci ont vu leur chiffre d'affaire exploser grâce à l'afflux "monstrueux" de ces touristes venus des quatre coins du globe...
Entre autre chose, voir les commentaires de l'article sur le trafique de pièces sur le site France3 Alsace en dit long sur la face cachée de cette entreprise... Voici le lien: http://alsace.france3.fr/2013/06/07/lalique-un-vaste-trafic-d-objets-d-art-demantele-265965.html
De plus, faites comme moi, aller parler, hors usine, au ouvriers et vous verrez les réponses que vous aurez....
M. Richert devrait se méfier de ce qu'il raconte. Ces idées/actions fumeuses ne sont pas forcément les plus exemplaires / plébiscitées (à voir ses multiples scandales et les résultats du dernier référendum alsacien)
Non, je ne crois pas un seul instant que ce musée puisse s'en sortir seul, à moyen ou long terme, financièrement. Encore moins que sont succès soit assuré pour de longues années. Franchement, quand on voit l'affluence des autres musées verrier des grandes cristalleries de renom du secteurs (Daume, Baccarat, St-Louis), ils pensaient vraiment que Lalique serait différent ? Non, Lalique n'est pas le centre du monde (perdu au fin fond des Vosges), même avec 13 millions d'euros d'investissement !
Prenons l'exemple des Faïenceries Henriot à Quimper, production emblématique de l'art breton. On peut visiter le musée et les ateliers. Il y a aussi les magasins à proximité des ateliers qui proposent des pièces splendides (1er et 2e choix) accessibles à toutes les bourses. Je ne pense pas que que le conseil régional de Bretagne couvre un éventuel déficit du musée. Bon Wingen-sur-Moder n'est pas Quimper.
Mais, je crois qu'il y a, à la Petite Pierre, d'autres petits musées qui méritent d'être visités et qui vivent sans grever le porte-monnaie du contribuable. Et dans le nord de l'Alsace, bon nombre de vrais musées qui sauvegardent le patrimoine de l'Alsace.
Alors pourquoi cette manne, inopportune dans la situation actuelle, pour un musée "commercial" qui, a priori, compte tenu du nombre de visites, devrait fonctionner sans problème.
Laissons à M. Richert l'initiative d'une bonne idée (comme le Bioscope) mais dont on peut malheureusement prévoir que l'effort public régional se fatiguera rapidement.
Il faudrait plus médiatiser ce lieu qui le mérite vraiment!
Les critiques ci-dessus ne sont que de la pure hypocrisie politicienne.
Ceci dit, le musée Lalique est chouette !
;)