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« Non à un évêque qui flingue » : devant la cathédrale, une manifestation pour la démission de l’archevêque Luc Ravel

Sur le parvis de la cathédrale animée par la messe chrismale, une quinzaine de croyants du mouvement catholique Jonas ont dénoncé l’autoritarisme de l’archevêque Luc Ravel et son comportement vengeur depuis l’enquête lancée par le Vatican à son sujet.

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« Non à un évêque qui flingue » : devant la cathédrale, une manifestation pour la démission de l’archevêque Luc Ravel

Mardi 4 avril, 18h10. Des fidèles entrent dans la cathédrale de Strasbourg pour assister à la messe chrismale. Une quinzaine de personnes leur font face, en silence, feuilles A4 à la main. Pour cette manifestation spontanée, les membres du mouvement catholique Jonas, qui militent pour des positions et un fonctionnement plus progressiste de l’Église, tiennent vigoureusement leur message. Le papier pourrait être froissé par le vent glacial qui souffle sur le parvis. Marie-Anne, Robert, Jean-Paul ou Vincent tiennent à faire passer leurs slogans, inscrits en lettres capitales : « Il fait nuit dans le diocèse de Strasbourg », « Non à un évêque qui flingue ». La pancarte la plus présente demande la fin du mandat de l’actuel archevêque de Strasbourg : « Luc Ravel démission ».

Mardi 4 avril, des membres du mouvement catholique Jonas ont manifesté sur le parvis de la cathédrale de Strasbourg pour la démission de l’archevêque Luc Ravel. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Les réactions varient dans la file des fidèles venus écouter l’archevêque de Strasbourg. Une croyante venue de Nancy n’est pas au courant des reproches adressés à Luc Ravel. Un autre catholique a un avis sur la question, mais pas pour Rue89 Strasbourg. Deux jeunes, François et Pio, commentent cette scène de contestation : « L’obéissance, dans l’Église, c’est important », affirme le premier. Le second approuve : « La volonté des supérieurs n’est pas toujours la bonne. Mais réaliser la volonté des supérieurs est toujours une bonne chose. »

Les manifestants ont profité de la messe chrismale pour dénoncer l’archevêque de Strasbourg. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

L’ambiance étouffante et l’éviction de trop

Mais de quel supérieur parle-t-on ici ? En juin 2022, le Pape a ordonné une enquête interne au diocèse de Strasbourg concernant notamment des accusations de management brutal de la part de l’archevêque Luc Ravel. Plus de neuf mois plus tard, aucune information officielle n’a été publiée sur le dossier. Plusieurs sources ont témoigné auprès de Rue89 Strasbourg d’une ambiance étouffante à l’archevêché : « Ça devient très long. Pour les personnes qui espèrent un dénouement et un renouvellement, c’est pesant », affirmait un ancien membre de la curie diocésaine de Strasbourg.

Responsable du mouvement Jonas à Strasbourg, Jean-Paul Blatz explique cette manifestation par un article publié dans la matinée par les Dernières Nouvelles d’Alsace. Ce denier révèle que l’évêque auxiliaire de Strasbourg Mgr Kratz a appris son éviction le jeudi 23 mars. Selon les DNA, cette décision serait liée à la gestion de l’affaire Emmanuel Walch, un aumônier du collège épiscopal Saint-Etienne à la fin des années 2000. Accusé de viol par une ancienne élève âgée de 15 ans à l’époque, cet ancien prêtre s’est suicidé avec sa mère en se jetant sous un train à Bernolsheim le 1er janvier 2023.

Pour Jean-Paul Blatz, « Mgr Kratz n’avait pas à intervenir dans ce dossier. C’était à l’archevêque (prédécesseur de Luc Ravel, NDLR) Mgr Grallet de le faire. Cet argument, ce n’est qu’un prétexte pour éliminer Mgr Kratz ». Dans le petit groupe de manifestants, Marianne parle de cette éviction comme « la goutte d’eau qui a fait déborder le vase » et déplore la méthode employée : « Luc Ravel écrit un livre sur le care (notion de prendre soin, NDLR) et il annonce cette éviction par une lettre glissée sous la porte… Mon sang n’a fait qu’un tour quand j’ai lu la nouvelle. »

Jean-Paul Blatz, responsable du mouvement Jonas à Strasbourg. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

« Luc Ravel démet l’évêque auxiliaire alors que le Vatican attend sa démission »

À sa droite, Marie-Anne dénonce un archevêque « trop individuel dans sa gouvernance » et rappelle l’implantation décidée par Luc Ravel de la paroisse réactionnaire de la Croix-Glorieuse à Colmar (lire notre enquête). La croyante strasbourgeoise critique enfin un archevêque éloigné de ses fidèles : « Le Pape François demande que l’archevêque soit comme le berger qui sente l’odeur du troupeau. Mais ici, le troupeau n’intéresse pas du tout Luc Ravel. »

Pour les manifestants du parvis de la cathédrale, la décision du Vatican ne fait aucun doute : Mgr Luc Ravel doit démissionner. Mais l’archevêque de Strasbourg semble user de toutes les dispositions du Concordat qui lui sont favorables pour retarder l’échéance. Médecin strasbourgeoise, proche de l’évêque auxiliaire Mgr Christian Kratz, Madeleine trouve scandaleux que « Luc Ravel démette l’évêque auxiliaire alors que le Vatican attend sa démission. »

En retrait, l’ancien curé Vincent Steyert dit aussi savoir que « l’archevêque était prié par Rome de présenter sa démission. » Il ajoute : « On dirait que Luc Ravel veut flinguer des gens avant de partir. Il agit comme s’il éprouvait de la haine vis-à-vis de ses prédécesseurs, comme s’il vivait encore la déception de ne pas être archevêque à Lyon ou à Paris. »


#archevêché de Strasbourg

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