Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Avec « Le Verre politique », Nina fait débattre les jeunes autour de l’apéro

Nina a 23 ans. Journaliste sur YouTube, elle parcourt la France à la rencontre des jeunes. À l’occasion de l’élection présidentielle, elle les fait réagir sur la politique, autour d’un verre. Nina a posé ses valises quelques jours à Strasbourg. Rencontre.

Vidéo

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

Avec « Le Verre politique », Nina fait débattre les jeunes autour de l’apéro

Le projet s’intitule Le Verre Politique. Le concept est simple : des jeunes, de 18 à 30 ans, se retrouvent pour l’apéro et discutent de… politique. Pendant la campagne pour l’élection présidentielle, Nina Guérineau de Lamérie veut donner la parole à une génération qu’elle estime peu et mal représentée dans les médias. Nina impose des thèmes en rapport avec l’actualité et filme les échanges. C’est tout. Les vidéos sont ensuite diffusées via les réseaux sociaux et sa chaîne YouTube :

« Je m’adresse aux jeunes. Je veux savoir ce qu’ils font dans la vie. Je veux qu’ils m’expriment leur réalité. Je suis une journaliste qui s’efface. Hormis la présentation au début des vidéos, je n’interviens pas. Je relance les débats s’il y a des blancs. Je suis là pour faire un état des lieux. »

À quoi rêvent les jeunes ? Quelles sont leurs priorités ? Iront-ils voter ? Pour répondre à ces questions, Nina sillonne la France. Vingt-trois étapes jalonnent son périple : Poitiers, Marseille, Le Havre, Bure… Et Strasbourg. En moyenne, elle passe une semaine sur place. Les thèmes sont choisis à l’avance. Elle trouve ses interlocuteurs au fur et à mesure de ses déplacements, grâce à des acteurs locaux.

À Strasbourg, les jeunes européens mis à contribution

La jeune femme est débrouillarde, elle sait provoquer sa chance. Lorsqu’elle arrive dans la capitale alsacienne, elle rencontre les Jeunes Européens de Strasbourg. Ils finalisent une Constitution citoyenne imaginée par 150 jeunes de 38 nationalités différentes. Le timing est parfait :

« Avec Le Verre Politique, je veux du constructif. Je suis dans le pourquoi et le comment. Je ne veux pas de réponse du type : j’aime / j’aime pas. Je veux que les personnes argumentent leurs idées. »

Nina Guérineau de Lamérie, Le Verre Politique
Rebecca, Aude et Clément sont membres de l’association transpartisane des Jeunes Européens. (Photo Nina Guérineau de Lamérie / doc remis)

Les échanges filmés en continu

Elle les sollicite et trois d’entre eux acceptent l’invitation. Ils se retrouvent chez l’une des participantes, ouvrent une bouteille, déposent quelques chips dans un bol et se lancent dans une discussion animée à propos de l’Europe. Aude ne se fait pas prier, elle participe avec entrain. La formule apéro séduit :

« J’aime beaucoup cette idée, pouvoir rencontrer des jeunes dans un cadre informel comme si nous étions potes. Parler de l’Europe rebute beaucoup de monde. Ce concept rend la chose accessible. »

Nina déclenche l’enregistrement et filme en continu. Deux caméras sont disposées dans la pièce et lui fournissent une heure de vidéos. Les résumés publiés durent sept minutes environ. Ils sont chapitrés en fonction des interventions des participants. Chaque lundi, une nouvelle émission est mise en ligne. Nina opère le montage sans voix off ni analyse, un parti-pris de la youtubeuse.

Le matériel de base pour alimenter sa chaîne YouTube. Photo : Nina Guérineau de Lamérie

Débrouillardise et Pôle Emploi

Nina est tout juste diplômée d’une école de journalisme. Après un stage au Parisien puis une alternance à Vaucluse Matin, elle a eu envie de tester autre chose. Au lieu d’enchaîner les missions et les CDDs comme nombre de ses camarades, elle décide de prendre un peu de distance par rapport à la profession :

« Les journalistes se déconnectent de plus en plus de la réalité. J’avais envie de voir des gens qui travaillent, qui réfléchissent, qui sont soumis aux aléas de la vie… Les effectifs au sein des rédactions ne sont pas assez nombreux pour faire ce travail. »

Nina n’est pas salariée, elle n’a pas non plus le soutien logistique ou financier d’une rédaction. Elle porte ce projet toute seule. À 23 ans, avec pour seule ressource l’assurance chômage et l’aide de sa famille, elle économise sur tout : nourriture, essence et péages sont limités grâce au co-voiturage.

Si le but de Nina n’est pas d’obtenir un financement, elle compte gagner en visibilité :

« Le Verre politique s’achèvera en mai, avec le deuxième tour de l’élection présidentielle. Pour l’instant, je n’ai pas le temps de me projeter mais je me passionne pour la vidéo et j’aimerais être reporter locale. »

Un créneau trop souvent délaissé, selon elle, notamment par les médias nationaux. Les nouvelles pratiques professionnelles nourrissent sa réflexion, son truc c’est de prendre sa caméra pour la mettre au milieu de la rue. Des rendez-vous comme Nuit debout en France l’ont convaincue de pratiquer le journalisme ainsi. Lorsque le mouvement citoyen a démarré à Paris, elle s’est rendue sur place dès la première nuit.

« Le Brexit a été un hold-up pour la jeunesse »

Les jeunes, un peu seuls sur YouTube

YouTube est une plate-forme largement ignorée par les rédactions et pourtant plébiscitée par les jeunes. Nina l’explore depuis quatre mois. Seule aux commandes, elle organise les apéros, réalise et monte les sujets, gère la communication sur les réseaux sociaux… souvent sans aucun retour des professionnels.

« Les personnes que je rencontre sont complaisantes car je travaille seule. J’essaie d’améliorer le fond mais aussi la forme. Avant, je ne me mettais pas en scène. Depuis février, j’incarne l’émission. Avant le générique, j’explique qui je suis, où je suis et de quoi on va parler dans cet épisode. »

Au-delà de l’expérience professionnelle, Nina retient l’aventure humaine. Aux personnes qui soulignent son courage, elle rétorque simplement faire confiance aux gens. La solidarité n’a pas disparue, à l’écouter.

« À Bure, j’étais hébergée par une retraitée. J’avais obtenu son contact par le biais d’une militante écologiste de Thionville car la thématique était le nucléaire. Je n’avais pas de logement, je lui ai finalement demandé si elle voulait bien m’accueillir pendant une semaine et demi. Une véritable amitié nous lie désormais. »

Nina prend goût à être devant la caméra. (Photo ML / Rue89 Strasbourg / cc)

La jeune femme continue sa route. Après une étape à Belfort, elle doit rejoindre Châlon-sur-Saône.


#Journalisme

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Plus d'options