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Pollution aux PFAS : l’aéroport verse 10 millions d’euros à Saint-Louis, « du marchandage » selon l’Adra

Dix millions d’euros seront versés par l’aéroport international de Bâle-Mulhouse pour filtrer l’eau contaminée aux PFAS de l’agglomération de Saint-Louis. Un « marchandage » inacceptable pour l’Association de défense des riverains qui estime que ses revendications n’ont pas été entendues.

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Pollution aux PFAS : l’aéroport verse 10 millions d’euros à Saint-Louis, « du marchandage » selon l’Adra
Une vue de l’Euroairport Bâle-Mulhouse à Saint-Louis.

« Décevant… » Le président de l’Association de défense des riverains de l’aéroport de Bâle-Mulhouse (Adra), Bruno Wollenschneider, quitte le siège de Saint-Louis agglomération, au sud du Haut-Rhin, avec le sentiment de ne pas avoir été entendu. Mardi 9 septembre, le président de l’agglomération, Jean-Marc Deichtmann (divers droite), et le préfet du Haut-Rhin, Emmanuel Aubry, présentaient la convention conclue avec l’aéroport, pour partager les coûts liés au traitement de l’eau courante de onze communes, concernées par une importante pollution aux PFAS. Ces substances perfluoroalkylées, mieux connues sous le nom de « polluants éternels », proviennent de mousses anti-incendie régulièrement déversées dans l’environnement, lors d’exercices pratiqués par l’aéroport jusqu’en 2016.

Depuis le 5 mai, un arrêté préfectoral interdisait la consommation de cette eau aux personnes les plus sensibles, comme les très jeunes enfants, les femmes enceintes et les personnes immunodéprimées. Dans la foulée, l’agglomération promettait le déploiement d’unités mobiles de traitement au charbon actif, qui permettraient de filtrer l’eau des puits contaminés, avant la fin 2025. Des unités de traitement définitives sont attendues à l’horizon 2027.

Levée partielle des restrictions

Deux unités mobiles temporaires ont donc été déployées au 2e trimestre 2025, permettant une levée partielle des restrictions de consommation, annonce le préfet :

« Une partie des communes concernées par l’interdiction peut désormais retrouver un usage normal de l’eau. Les analyses réalisées par l’Agence régionale de santé ont montré que les normes de potabilité sont à nouveau respectées dans les quatre communes de Bartenheim, Kembs, Rosenau et la majeure partie d’Hésingue. »

Une troisième et dernière unité devrait être opérationnelle avant la fin de l’année pour filtrer l’eau des sept communes restantes. « Nous espérons lever les dernières restrictions fin novembre ou début décembre », complète le président de l’agglomération, qui se félicite de la gestion de ce dossier :

« Nous avons trouvé la meilleure manière de traiter ce sujet et faire en sorte que la population retrouve le plus rapidement possible un accès à une eau courante de qualité. Je suis convaincu que tout n’est pas résolu mais je tiens à souligner la réactivité de nos partenaires et des services de l’État. »

8 millions pour le contribuable

Coût total estimé pour l’installation des unités temporaires, puis définitives : 20 millions d’euros, auxquels s’ajouteront 600 000 € d’entretien annuel. À titre de comparaison, le budget de l’approvisionnement en eau potable de Saint-Louis agglomération s’élevait jusqu’ici à 4 millions d’euros par an.

Il a donc fallu trouver des financements. « L’Euroairport a pris la décision de nous accompagner à hauteur de 50 % des investissements, soit 10 millions d’euros », se réjouit Jean-Luc Deichtmann, qui assure que l’aéroport n’avait aucune obligation légale en la matière :

« L’Euroairport est moralement responsable, mais juridiquement, on ne peut rien leur reprocher. Dès qu’ils ont eu la possibilité de changer de mousses en 2017, ils l’ont fait. Il fallait donc travailler avec eux sur l’aspect de l’engagement moral et non juridique. »

À la liste des contributions s’ajoutent 500 000 € de l’État, 1,5 million d’euros de l’Agence de l’eau et un montant qui reste à définir du côté de la région, qui sera « au moins symboliquement à nos côtés », assure le président.

Le président de Saint-Louis agglomération, Jean-Marc Deichtmann, remercie les services de l'État pour leur "réactivité", dans le dossier des PFAS.
Le président de Saint-Louis agglomération, Jean-Marc Deichtmann, estime que les services de l’État ont été réactifs dans le dossier des PFAS.Photo : Paciane Rouchon / Rue89 Strasbourg

L’aéroport s’est engagé à verser 80 % de la somme due avant la fin 2025, ce qui permettra à l’agglomération de ne pas répercuter de hausse sur les factures des consommateurs cette année. À plus long terme en revanche, c’est bien le contribuable qui devra absorber les 8 millions restants et les 600 000 € annuels d’entretien. Les factures n’augmenteront « probablement » pas avant en 2027, d’après les prévisions de l’agglomération.

« C’est au juge de rechercher la responsabilité »

Pour l’Adra, cette position reflète une forte défaillance de l’agglomération et des services de l’État. Depuis la mise en évidence de cette pollution, le président de l’association, Bruno Wollenschneider, rappelle la nécessité d’appliquer le principe européen du pollueur-payeur, pour qu’il n’appartienne pas à la population d’assumer les coûts liés à la dépollution :

« L’aéroport reconnaît être à l’origine de la pollution. Même s’il n’est pas coupable, il est au moins responsable. Pendant des années, nous avons bu une eau qui n’était pas saine. La population a été lésée, puisqu’il y a une atteinte à l’environnement et à notre santé. Et maintenant on nous demande en plus de payer ?

Saint-Louis agglomération aurait dû porter plainte contre X. Puis, c’est au juge de rechercher la responsabilité. Si ce n’est pas l’aéroport, alors peut-être qu’il faut se tourner vers le fabricant des mousses anti-incendie ou vers l’État, qui n’a pas su protéger sa population… C’est pourtant son rôle. Cette convention, c’est du marchandage ! »

Le président de l'Association de défense des riverains de l'aéroport (Adra), Bruno Wollenschneider, quitte le siège de Saint-Louis agglomération avec le sentiment de ne pas avoir été entendu.
Le président de l’Association de défense des riverains de l’aéroport (Adra), Bruno Wollenschneider, quitte le siège de Saint-Louis agglomération avec le sentiment de ne pas avoir été entendu.Photo : Paciane Rouchon / Rue89 Strasbourg

Autre point de crispation, la filtration de l’eau potable ne s’attaque pas au problème environnemental que pose la présence de PFAS dans les sols entourant l’aéroport. Faute de mesures de dépollution, l’Adra craint que ces polluants éternels — très persistants dans l’environnement, comme leur nom l’indique — continuent de se répandre dans l’environnement.

« On a perdu dix ans »

Bien que le préfet du Haut-Rhin assure que des études sont en cours pour caractériser la pollution des sols, Bruno Wollenschneider estime que les réponses apportées ne sont pas à la hauteur de l’enjeu :

« Ils n’ont pris aucun engagement ferme en matière de dépollution. Ils prétendent qu’ils font tout leur possible, qu’ils ont énormément progressé, que la mise en place de filtres est déjà exceptionnelle… Mais ils auraient dû réagir il y a bien longtemps ! Les premières mesures montrant des concentrations problématiques dans la nappe phréatique ont été réalisées en 2016 par l’Aprona (Observatoire de la nappe phréatique d’Alsace, NDLR). Le premier arrêté a été pris en avril 2025. On a perdu dix ans ! »

À la liste des revendications de l’Adra, figure également la mise en place d’un suivi médical visant à déterminer les éventuelles conséquences sur la santé des habitants, qui ont consommé cette eau pendant de nombreuses années. Là aussi, l’association estime ne pas avoir été entendue. « Ils nous ont répondu que c’était inutile », soupire Bruno Wollenschneider, qui reste déterminé à obtenir gain de cause :

« Lorsque l’État est défaillant, ce sont les associations environnementales qui montent au créneau. Alors c’est ce que nous sommes en train de faire. Nous sommes obligés d’avancer sur la voie juridique. »


#pollution de l'eau

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