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Le mauvais esprit d’un lutin écolo frappe 100 fois à Wissembourg

Trois à quatre fois par an depuis 1995, Pumpernickel secoue la petite scène politique de Wissembourg. Dans ce royaume hors du temps où jamais rien ne dépasse, la ligne éditoriale caustique et farouche de cet irrégulomadaire est fermement tenue par Antoine Michon.

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Le mauvais esprit d’un lutin écolo frappe 100 fois à Wissembourg

Quand il a sorti le premier numéro de Pumpernickel, quatre pages A4 en septembre 1995, Antoine Michon voulait surtout régler ses comptes. Candidat malheureux à de multiples élections locales, il avait fini par quitter les Verts deux ans plus tôt, ne supportant plus les querelles d’égos ni les jeux de pouvoir qui s’y nouaient. Mais voir Pierre Bertrand (RPR puis UMP) réélu maire dès le premier tour des élections municipales de 1995 pour un troisième mandat l’a convaincu de reprendre la politique, sous une autre forme.

Antoine Michon n’a rien perdu de son mordant

« Je trouvais cette réélection tellement ridicule que j’ai voulu tourner le spectacle en dérision », se remémore Antoine Michon. 99 numéros plus tard, il n’a rien perdu de son mordant. Un article de la 100e édition, datée de mai 2023, sur la municipalité de Wissembourg est titré ainsi : « Bilan de mi-mandat : Quel bilan ? Quel mandat ? »

Antoine Michon tient à bout de bras mais fermement Pumpernickel depuis 100 numéros Photo : doc remis

Un peu radical, un peu dur, partial ? Antoine Michon assume ses marottes, comme le vélo ou le musée Westercamp. Malgré trois municipalités différentes, aucune ne trouve grâce dans sa plume :

« Entre ceux qui y sont et ceux qui s’y voient, c’est toujours le même cirque et rien ne bouge. Au début, j’allais assister aux conseils municipaux, mais tout est tellement verrouillé que ça n’a absolument aucun intérêt. Mais je continue d’écrire surtout parce que je me marre bien. Chaque numéro est une forme de thérapie : je peux raconter ce que je veux et au moins, personne ne m’interrompt. »

Antoine Michon a bien tenté d’être constructif : dans le numéro 65, une série d’idées avaient été proposées aux candidats alors en campagne électorale. Bilan de cette générosité intellectuelle : aucune idée reprise, par aucun candidat. Depuis, il a repris le fil de la critique systématique.

Une plainte du maire en 2003 et beaucoup de soutien

Pumpernickel, du nom d’un petit personnage de la mythologie locale, a toutefois fâché tout rouge le roi de la contrée en 2003. Le maire d’alors, Pierre Bertrand, a porté plainte en diffamation contre Antoine Michon et obtenu gain de cause. L’affaire lui aura coûté 6 000€, surtout en frais d’avocat de la partie adverse, et laissé un goût amer :

« Depuis cette époque, j’ai adopté un « style allusif » comme disent mes lecteurs… Les protagonistes ne sont plus nommés mais ce n’est pas grave. Tout le monde s’y retrouve très bien. Je ne veux plus d’emmerdes. »

À cette époque, Pumpernickel a bien failli tirer sa révérence, mais un élan de solidarité a permis de collecter la somme, lors d’une fête dans la cour du domicile d’Antoine Michon :

« On m’a souvent mis en garde : « à force de critiquer tout le monde, tu finiras seul. » Mais ce jour-là, j’ai compris que je n’étais pas seul, et que des centaines de personnes étaient prêtes à me soutenir. C’est finalement l’inverse qui s’est produit : je n’ai jamais eu autant de soutien. »

Un média rédigé sur le temps libre d’un professeur à la retraite

Pour autant, Antoine Michon n’a jamais voulu structurer son média. Tout juste existe-t-il une « association des amis de Pumpernickel » dont les statuts précisent qu’elle ne peut recevoir de subvention d’aucune sorte. Ancien professeur de technologie à la retraite, Antoine Michon écrit sur son temps libre. Il prend environ une journée par page et imprime sur ses fonds propres, 200€ pour 325 exemplaires de chaque numéro de 8 à 12 pages, et 150€ de frais d’affranchissement pour ceux qui le reçoivent à domicile. Pas de caisse, pas de paiement en ligne : les Wissembourgeois glissent un billet à Antoine « pour ton journal » lorsqu’ils le croisent en ville ou au marché.

Depuis quelques temps, il a été rejoint par Jean-Yves Dousset, qui illustre les pages et permet d’initier « une discussion de rédaction, ce qui est très appréciable, on se relit l’un l’autre avant publication… » Une collaboration qui tient du miracle, Antoine Michon avouant à demi-mot que les pages de Pumpernickel ne sont guères ouvertes aux contributions extérieures. Les lutins grincheux restent rares dans la contrée…


#Wissembourg

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