
140 statues multicolores d’animaux ont pris possession de la place de l’Étoile à Strasbourg pour interpeller sur la situation climatique, à deux mois du sommet international de Paris. Opération nécessaire ou simple artifice pour se donner bonne conscience tout en polluant ? Rue89 Strasbourg fait le tri (écologique) avec l’artiste Gad Weill.
Ces animaux c’est quoi ? Une expo itinérante avant la COP 21
Une exposition temporaire du nom de l’Arche de Noé Climat. Itinérante, elle a débuté à Paris en septembre. Les animaux sont tous des espèces menacées à cause du changement climatique. Il s’agit d’une idée de Ségolène Royal, ministre (PS) de l’environnement pour mobiliser la société civile sur les questions climatiques avant la conférence des nations unies sur le climat (dit COP 21) qui se tient au Bourget du 30 novembre au 11 décembre.
Qui paie ? Surtout six entreprises
Le ministère de l’Environnement coordonne l’opération, mais ne la finance pas directement. Il a fait appel au mécénat culturel, c’est-à-dire à des entreprises qui peuvent apposer leur logo à l’exposition. La Fondation Schneider Electric, l’Oréal, Arkema (chimiste), EDF, Fleury Michon et CFT (transport fluvial) ont financé le projet.
Les Ports de Paris sont aussi partenaires en laissant un entrepôt à Genevilliers à l’artiste Gad Weil, avant que les 140 statues rejoignent la capitale par barges. Le mécénat culturel permet de déduire 60% du don des impôts sur les sociétés dans la limite de 0,5% du chiffre d’affaires hors taxe.
Comme 8 autres villes françaises, Strasbourg a accepté d’accueillir cette exposition, jusqu’au 14 octobre. La municipalité a mobilisé un agent pour l’installation, ainsi qu’un gardien. La nuit, il n’y a pas d’éclairage supplémentaire à celui de la place de l’Étoile.
Elles sont faites en quoi ces bé-bêtes ? En PMMA
Ils sont fait en polyméthacrylate de méthyle, souvent abrégé PMMA, créé suite à une transformation chimique. C’est ce que l’on appelle souvent le Plexiglas (qui est une marque déposée), mais il s’agit plus précisément d’Altuglas (une autre marque, produite par le chimiste français Arkema) ou verre acrylique.
Cette matière est recyclable à l’infini à condition de la faire fondre. Les morceaux des statues viennent de l’usine lorraine du chimiste français, qui a donné des blocs de 3 mètres par 2, des 7 couleurs de l’arc en ciel. La découpe s’est faite ensuite au laser, les stries ont été peintes. Une centaine de seringues de colle ont été nécessaires pour fixer les pièces.
Malgré une production locale, la France est importatrice de PMMA. Les morceaux viennent surtout d’Italie (3/4 des imports), d’Allemagne, mais aussi d’Asie (Taïwan, Japon, Corée). Cette importation diminue (20 460 tonnes en 2013, 16 754 en 2014 et 12 856 sur les 12 derniers mois). Le socle démontable des statues est en acier.
Recyclables d’accord mais recyclés ? Euh…
Gad Weil justifie le choix de l’Altuglas car il laisse passer la lumière, mieux que le verre et parce qu’il s’agit d’une matière recyclable. Mais encore faut-il qu’ils soient recyclés un jour. Pour l’artiste, c’est possible, mais pas vraiment d’actualité :
« Si dans 10 ans on ne veut plus de mes statues, ils deviendront des phares de voitures, ou des meubles. »
Pour l’instant ce n’est pas prévu. Après leur 8 destinations, les animaux iront à Paris, puis au Bourget pendant le sommet. Après la COP 21, les pièces seront donnés aux ministères, des mairies ou des parcs pour continuer à sensibiliser le public. L’expo doit aussi aller à Nantes en décembre 2016.
Bref le recyclage n’est pas pour demain. Quand bien même un recyclage est plus écologique qu’une incinération, faire fondre la matière n’est pas neutre en carbone.
Comment les animaux sont transportés dans les 8 villes ? En camion
C’est aussi Gad Weil qui a réfléchi à la manière de transporter les pièces. Pour lui, avoir le coût écologique « le plus bas possible » faisait partie de la démarche :
« Le format a été spécialement pensé pour n’utiliser que 6 camions, dont un de logistique. Le socle est démontable Les pièces sont empilées à l’horizontale et légères, 70 kilos, pour que les camions consomment le moins possible. Et c’est un transporteur français, qui suit les normes écologiques les plus élevées. »
D’après les organisateurs les camions roulent à l’éthanol. Mais cela n’empêche d’avoir recours à beaucoup de plastique pour les emballer.

Les statues sont empilées pour gagner de la place dans le camion, mais emballées avec du plastique. (photo Facebook Christel Kohler)
Quelqu’un va-t-il lire les contributions des spectateurs ? Pas sûr
Une fois les spectateurs attirés, souvent grâce à leurs enfants, le second objectif est de les faire poster leurs photos et idées avec le hashtag (ou mot dièse) #ADNClimat sur les réseaux sociaux Facebook, Twitter, Youtube ou Instagram. Pour ceux qui n’ont pas de smartphone ou qui ne sont pas inscrits sur ces sites, une adresse mail est disponible.
De là à ce que ça se concrétise par un accord plus ambitieux, il y a encore un monde. Pas sûr que Barack Obama ou Vladimir Poutine, en voyant défiler un tweet sur leur smartphone, change de position. La démarche de l’artiste ne s’inscrit pas dans un rapport de force avec les États :
« L’important c’est de donner à tous le sentiment qu’ils ont quelque chose à dire. C’est comme signer la pétition sur le blogueur saoudien emprisonné, ça ne l’a pas empêché de se prendre des coups de fouets, mais l’important c’est le geste citoyen. »
Des couleurs flashy, c’est un bon message pour l’écologie ?
Gad Weil s’explique :
« Je souscris au discours de la ministre, l’écologie ne doit pas être punitive. Ceux qui ont un message de grisaille n’auront jamais l’adhésion de la population. J’ai horreur des discours sur la décroissance. Les « sachants » deviennent arrogants. L’espace public doit être un lieu d’expression des artistes. Moi, je m’adresse aux 85% de Français qui ne vont pas dans les lieux culturels, à la classe populaire. Les animaux ne doivent pas être tristes, ils sont flamboyants, surtout quand il y a du soleil. Ils n’ont pas de visage. Les striures doivent représenter l’adversité, qu’ils doivent lutter pour avancer. »
17500€ UN PUTAIN DE KANGOUROU EN PLASTIQUE !! A ce prix la je peux me payer un taboulé !
Que vous fassiez financer vos créations par des privés plutôt que de ne compter que sur les subventions publiques, c’est tout à votre honneur, en revanche vous ne pouvez pas balayer d’un simple revers de la main le lien existant entre votre « propos artistique » et les actions de ces entreprises ». Vous souhaitez exprimer un regard sur l’écologie et susciter une réaction du public sur le réchauffement climatique, vous le faites en réalisant des sculptures en plexiglas aux couleurs « flashy » - le problème se situe sans doute plus ici, puisque votre Altuglas recyclable n’est pas recyclé, transporté en camion et que vos couleurs représentent bien plus l’artificiel d’une production chimique massive que la nature et son écologie - , vous ne pouvez cependant pas éviter de prendre en compte le fait que vos mécènes et/ou sponsors jouent un rôle (important ?) dans la question du dérèglement climatique.
Puisque vous défendez un rapport direct au public, prenez le temps au minimum de vous questionner sur les propos que vous soutenez en vous associant à ces mécènes (s’il s’agit de mécènes) et de ce que le public peut comprendre d’une œuvre d’art associé à ces différentes entreprises.
Mais vous pouvez aussi vous questionner sur le sens et le rôle d'une installation présentant des animaux en "plastique" géants pour parler d'écologie.
@Baloo
Depuis quand le mécénat ne peut être associé à de « la com’ » (comme vous dites) ? Il y a des règles, certes, elles ne sont pas toujours respectées, mais non un logo n’empêche pas de qualifier le soutien de ces entreprises de « mécénat ».
@Catherine M
Qu’est ce que cela signifie ? Qu’une œuvre qui est financée par les gouvernements et les marques ne peut être regardée que comme une campagne de communication ? Pire comme de la déco (on passera sur la terrible sanction et le jugement de valeur qui se cache derrière le mot « déco »)… J’ose espérer que ce n’est pas ce que vous vouliez dire, au risque de faire perdre à beaucoup d’artistes leur statut, à de nombreux musées nationaux leur nom et aux parcs de Châteaux en banlieue leur rôle dans la promotion de « l’Art » contemporain.
Je lis avec curiosité vos commentaires.
Ils relèvent surtout d'un parti-pris, d'une posture préalable.
Je suis un saltimbanque de la rue et m'enorgueillis de travailler mes créations depuis 25 ans en les faisant financer par les marques.
J'ai toujours détesté cette approche qui voudrait que seules les subventions publiques soient légitimes pour financer la création.
Pour ma part je préfère plus d'infirmières, plus de professeurs, plus de commandes de crèches et que les artistes retournent sur la place du marché, au coeur des villes, en quittant les bunkers de la culture.
Certains aiment, certains n'apprécient pas mon travail et c'est la liberté et le libre arbitre qui s'expriment.
Mais ce que vous ne pouvez pas nier c'est que les enfants, eux, adhèrent et que c'est alors l'occasion pour les parents, grands-parents ou professeurs de parler avec eux du réchauffement climatique.
C'est le rôle assigné à ces animaux translucides que d'interpeller les familles. C'est un rôle humble et utile, c'est une goutte d'eau, de celles qui font évoluer les consciences et les pratiques.
Remplacez un instant votre posture dogmatique par un regard "éveillé" d'enfant et peut-être percevrez vous l'élan de notre travail.
Bonne journée à tous
Gad Weil
ps: pour ceux qui s'enferment dans le négatif, un artiste peut travailler avec les politiques et les marques et garder son intégrité et sa liberté. Mais pour le comprendre, il faut oser s'aventurer sur des chemins escarpés.
http://www.gadweil.com/
Transparait également dans ses propos un mépris pour les classes populaires, supposées hermétiques à la culture, l'arrogance du "sachant" qu'il dénonce lui-même et l'obséquiosité face au pouvoir.
Je croyais que le propre de l'artiste était d'être indépendant et critique.
Encore une fois, opération de communication tape-à-l'oeil de la Ville, qui s'étale sous les yeux de ses membres les plus éminents.
Enfin, l'important est de donner le sentiment qu'ils ont quelque chose à dire.
Tout est dit.
...transportés en camion,au lieu de wagons ?
Quand les especes menacees auront disparu ,il restera ces animaux en al-tu-glas....finançees par des marques qui bien sûr ne polluent pas...comme Edf à Fessenheim.
Que de la com',de la poudre aux yeux,merci R.Riess et S.Royal,les generations futures vous remerçient.
Alors comment appeler autrement que "punition" cette opération qui, outre les objets exposés que chacun reste libre de trouver horribles ou non, est un pensum de tout ce qu'il faut faire si on ne veut pas sauver le climat ?
La démission du politique, de Ségo la greenwasheuse à nos social-écologistes locaux, que cette opération n'empêche en rien de programmer une nouvelle autoroute à 15 kms de la cathédrale;
La fourberie cynique des entreprises "partenaires", que l'Etat, -càd le contribuable-, paie à financer ces conneries, pour se donner le droit de continuer à polluer;
L'infantilisation et la culpabilisation du pékin moyen, incité à "se mobiliser pour le climat", à la place des Etats et des multinationales;
Les impacts directs de la fabrication et du trimballage de ces machins à travers le pays (énergies, chimie, air, etc.), en contradiction frontale avec les réponses à la crise climatique;
Pour toutes celles et tous ceux qui prennent au sérieux les questions de nature, d'énergies, de santé et de climat, cette exposition est une punition. Une vraie et cinglante punition.
Sans parler des sponsors: http://www.metronews.fr/conso/nivea-mixa-l-oreal-colgate-les-cosmetiques-ne-sont-pas-forcement-plus-toxiques-s-ils-sont-moins-chers/mojc!88T6Q8DhOzZdM/ !
Plus fort que l'écologie récréative, l'écologie destructive. Bravo, très gros score pour cette opération d'enfum... euh, de com !!