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Ratonnades et cocktails molotov, le passé raciste de l’éphémère candidat RN aux élections municipales

Thibault Gond-Manteaux aurait dû mener la liste du Rassemblement national à Strasbourg lors des municipales avant de se retirer quelques heures plus tard. Le chef du Rassemblement national dans le Bas-Rhin a vu son passé raciste et violent refaire surface sur les réseaux sociaux. Il était dès lors impossible pour lui d’incarner cette « dédiabolisation » de l’extrême-droite.

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Ratonnades et cocktails molotov, le passé raciste de l’éphémère candidat RN aux élections municipales

Thibault Gond-Manteaux, 34 ans, aurait pu incarner la “dédiabolisation”  du Rassemblement national à Strasbourg. Mais la jeunesse violente et raciste du secrétaire départemental du Bas-Rhin l’a rattrapé juste après son investiture aux élections municipales mi-octobre. Entre 2004 et 2005, Thibault Gond-Manteaux a en effet mené une série d’agressions collectives à caractère raciste à Auxerre dans l’Yonne. 

Candidat du RN mais quelques heures seulement…

Investi tête de liste à Strasbourg par le Rassemblement national, Thibault Gond-Manteaux nous en informe le mercredi 16 octobre. Le lendemain à 13h, il poste sur son compte Facebook une photo pour annoncer le début de sa campagne. Le même jour, à 18h43, Rue89 Strasbourg mettait en ligne un court article pour annoncer son investiture. Une conférence de presse était prévue le mercredi suivant, le 23 octobre. 

Mais très vite dans les commentaires Facebook, Thibault Gond-Manteaux est rappelé à son passé. Un militant de “La République en marche”, Loïc Branchereau, poste un lien vers un article de 2012 d’un blog militant. Un certain Thibault Gond est mentionné comme organisateur de ratonnades dans “l’affaire des kebabs d’Auxerre” entre 2004 et 2005.

Quelques heures plus tard, à 22h12, Thibault Gond-Manteaux cherche à nous contacter sans succès. Il nous indiquera le lendemain matin se retirer de la campagnes des élections municipales car son employeur se serait « opposé à sa candidature ». Une explication un peu curieuse, car Thibault Gond Manteaux est déjà secrétaire départemental du Rassemblement national dans le Bas-Rhin depuis avril 2018. Il a aussi été candidat RN aux élections législatives en juin 2017.

Justifications étonnantes

Mais il est vrai qu’une campagne à Strasbourg est plus exposée. Questionné sur la résurgence de cet article de blog, celui qui est déjà un ex-candidat répond : « Je ne suis pas lié à ce truc, j’ai la conscience tranquille à ce niveau-là. »

Dans les médias, Thibault Gond-Manteaux multiplie les explications de son désistement. À Actu.fr, il indique « [ma candidature] est une nouvelle qui a un peu tourné partout, notamment dans les médias, mais cela n’avait pas fait l’objet d’une confirmation officielle. » 

Une condamnation en bande en 2012

Et en effet, dans un arrêt du 16 mai 2012 de la Cour d’assises pour mineurs d’Auxerre, que Rue89 Strasbourg a pu consulter, Thibault Gond-Manteaux figure parmi les 9 condamnés pour des incendies à caractère raciste visant des établissements turcs vendant des döner kebab : 8 incendies effectués dans la nuit, à intervalles réguliers. Le premier incendie criminel a eu lieu le 20 mai 2004 et le dernier le 5 mars 2005.

Lors de l’enquête, un mode opératoire similaire est détecté : bris de vitrines et jet de cocktail molotov (bouteille en verre, mèche en tissu, essence auto). Les faits ont toujours lieu entre 3 heures et 4 heures du matin, avec fuite en voiture. Fort heureusement, il n’y a pas eu de blessé…

Trois ans de prison pour des incendies volontaires

Né à Auxerre, Thibault Gond habitait déjà à Strasbourg lors de sa condamnation à trois ans de prison, dont un an et demi ferme. Sa condamnation, définitive, le reconnaît coupable de participation “à un groupement formé en vue de la préparation, caractérisée par le port d’arme et de cagoule, la tenue de réunions préparatoires et la participation à plusieurs expédition à caractère raciste ». Il avait déjà purgé sa peine lors de sa détention provisoire. Nés à la fin des années 1980, plusieurs des neuf condamnés étaient mineurs lors des faits. L’audience s’était ainsi tenue à huis clos dans un tribunal pour mineurs mais Thibault Gond-Manteaux avait 19 ans lors des faits.

Thibault Gond-Manteaux avait représenté le rassemblement national lors d’un débat sur le vélo à Strasbourg en vue des municipales, le 22 septembre à la Grenze, une rencontre organisée par le CADR67, Velorution et Rue89 Strasbourg. (photo GK / Rue89 Strasbourg)

Adhérent au FN de longue date

Lors de la passation en tant que secrétaire départemental du Bas-Rhin, le successeur de Laurent Gnaedig indiquait être encarté depuis 2014. Mais Thibault Gond-Manteaux était affilié au Front national (l’ancien nom du Rassemblement national) a minima dès 2005. Une carte d’adhérent a été retrouvée lors de l’enquête, débutée fin 2005. C’est d’ailleurs en rejoignant le parti de Jean-Marie Le Pen qu’il affirme avoir dissous les deux groupuscules d’actions (Ordre de Sécurité et Ordre National) qu’il avait montés. Aux côtés de Mein Kampf, des écrits sur la doctrine des deux associations prônent « l’élimination systématique des Juifs, des Maghrébins et des Asiatiques » et vise à « purifier la France ».

Vice-président de SOS-Racisme, Samuel Thomas, s’était porté partie civile aux côtés de victimes des incendies et des ratonnades. Celui qui est désormais délégué général de la Maison des Potes se souvient :

« Lors du procès il a clairement été établi qu’en 2005, Thibault Gond avait bien sa carte du FN. Malgré cette condamnation et ses actes, la direction du Rassemblement national ne lui a jamais retiré sa confiance. C’est une mesure de précaution aujourd’hui d’alerter l’opinion strasbourgeoise qu’il s’agit de quelqu’un qui a adhéré à l’idéologie nazie et constitué un parti nazi pour commettre des crimes racistes. Dans la forme, le rassemblement national a changé, avec des incitations à la haine raciale plus subtiles, mais quand on voit ce que M. Gond-Manteaux publiait sur les réseaux sociaux, la haine des juifs, des Musulmans et des étrangers était toujours sous-jacente. »

Ce mardi 22 octobre, Thibault-Gond Manteaux a également fermé ses comptes sur les réseaux sociaux.

Toujours des soutiens locaux

Toujours membre du bureau politique du RN67, Laurent Gnaedig, a appris l’existence de ces faits par le biais de Thibault Gond-Manteaux lors de son retrait, mais défend son successeur :

« Pour l’instant, je n’ai pas assez d’éléments pour juger. Il m’a dit ne jamais avoir été condamné. Il a été un très bon délégué départemental et se retirer dès le début est tout à son honneur, car si c’était intervenu plus tard dans la campagne, cela aurait été plus compliqué pour le parti. Je pense qu’on a le droit à un peu de clémence si ce n’est pas trop grave, pour des faits commis avant ses 20 ans. »

D’habitude, le Rassemblement national dénonce le « laxisme » de la justice pour les agresseurs, mais ce principe connaît visiblement quelques exceptions en Alsace… Contacté, Thibaut Gond-Manteaux n’a pas répondu à nos questions.


#élections municipales 2020

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