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Avec la Revue d’Alsace, les profs d’histoire se parlent entre eux depuis 1850

Éditée pour la première fois en 1850, la Revue d’Alsace est une publication scientifique rédigée par des profs d’histoire. Elle est diffusée à 700 exemplaires par an. Avec un jeune rédacteur en chef à sa tête et une diffusion numérique, la Revue se donne les moyens de ne pas devenir une publication de vieux pour les vieux. Interview et bonnes feuilles.

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Avec la Revue d’Alsace, les profs d’histoire se parlent entre eux depuis 1850

Ses locaux occupent une partie du rez-de-chaussée d’une tour de l’Esplanade, à Strasbourg. Là, la Fédération des sociétés d’histoire et d’archéologie d’Alsace (FSHAA) assure une permanence grâce à deux salariées, gardiennes des nombreux rayonnages et cartons de revues et magazines édités par la fédération.

La star des publications de la fédération

Outre les 49 volumes du Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne et ses 14 000 articles, la collection de manuels « Alsace-Histoire » ou le Dictionnaire historique des institutions d’Alsace, la Revue d’Alsace est la star des publications de la fédération.

Rédigée chaque année ou presque depuis les années 1850, par des historiens confirmés ou des étudiants-chercheurs, tous bénévoles, elle continue à explorer des points ultra-précis de l’histoire régionale, pour le plus grand intérêt d’un public acquis, celui des profs et des étudiants en histoire, ou celui des passionnés, actifs dans les quelque 124 associations membres de la fédération.

134 associations, plusieurs milliers de membres affiliés

Dernières adhésions en date : l’Association pour la sauvegarde de la maison alsacienne (ASMA) fin 2015 et l’Association châteaux forts d’Alsace, en 2016 – dont le site fut à l’occasion l’une de nos bases documentaires.

Avec un nombre d’associations adhérentes stable et quelques milliers de membres affiliés, la fédération rassemble aussi bien des associations d’envergure régionale (le Club Vosgien, la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace…) que des associations « sectorielles » (architecture rurale, châteaux forts, héraldique, généalogie…).

D’autres encore ont un rayonnement purement local (exemple : les Amis du Vieux Strasbourg). La liste complète est sur le site internet de la fédération, où l’on insiste : « L’Alsace fait figure d’exception : plus petite région de France, elle compte le plus grand nombre de sociétés d’histoire dont la quasi-totalité sont affiliées ». Dont acte.

Nicolas Lefort, professeur d'histoire-géo en collège, est rédacteur en chef de la Revue depuis 2 ans (Photo MM / Rue89 Strasbourg)
Nicolas Lefort, professeur d’histoire-géo en collège, est rédacteur en chef de la Revue depuis 2 ans (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

Nicolas Lefort, prof d’histoire-géo de 36 ans, enseigne au collège François-Truffaut de Hautepierre à Strasbourg. Depuis deux ans, à la faveur du départ à la retraite de son ancien directeur de thèse François Igersheim, il devient le plus jeune rédacteur en chef de toute l’histoire de la Revue. Interview.

Rue89 Strasbourg : cette Revue d’Alsace, c’est quoi ? C’est lu par qui ?

Nicolas Lefort : « La Revue d’Alsace, c’est d’abord le plus ancien périodique d’histoire régionale en France ! Fondée en 1834 à Strasbourg, elle a revu le jour en 1851 à Colmar. Depuis cette date, elle a été publiée presque sans discontinuer, à l’exception surtout des périodes des deux guerres mondiales. Ensuite, elle est le reflet, la vitrine de la recherche sur l’histoire de l’Alsace. Elle assure la liaison entre le travail historique des universités, des bibliothèques, des archives départementales et municipales d’Alsace, et l’activité des chercheurs appartenant aux sociétés d’histoire. Chaque numéro se compose de 15 à 20 articles, écrits par des spécialistes. On y trouve aussi des résumés de thèses soutenues dans l’année…

Revue d'Alsace 2016 (DR)
Revue d’Alsace 2016 (DR)

Jusqu’en 2015, la revue alternait les numéros entièrement thématiques (« Les fêtes de l’Antiquité à nos jours » en 2015, « la Grande Guerre » en 2013, « les boissons » en 2011) et les numéros « varias », avec des articles sur différents sujets. Les thèmes sont choisis par le comité de rédaction, avec l’aval du conseil scientifique en fonction de l’actualité scientifique, des avancées de la recherche et des grands anniversaires. Les articles sont soumis à l’examen d’un comité de lecture composé d’experts. »

Rue89 Strasbourg : parmi les auteurs, on retrouve des noms connus, tels ceux de Richard Kleinschmager ou de Bernard Vogler. Comment réussissez-vous à renouveler votre stock d’auteurs, mais également les thèmes abordés ?

Nicolas Lefort : « On n’a pas de problème de renouvellement générationnel ! Les auteurs d’articles sont des chercheurs amateurs et professionnels, jeunes et expérimentés, hommes et femmes, français mais aussi étrangers. Il y a bien sûr des auteurs réguliers de la Revue d’Alsace, mais aussi des nouveaux chaque année. En 2016, on trouve notamment des articles de jeunes auteurs titulaires d’un master (Cécile Rivière, Jokine Wehbé), de doctorants (Clément Wisniewski, Laura Kern, Simon Liening, Pierre Krieger) et de jeunes docteurs dont c’était parfois la première publication.

Par rapport aux thèmes, non, tout n’a pas été dit ! C’est une remarque que me font souvent mes élèves de collège : « mais monsieur, on connaît déjà tout sur l’histoire » ! Et bien non, on découvre de nouvelles sources, on réinterprète des documents déjà étudiés 10, 20 fois… Il y a toujours de nouvelles choses à dire ! Bien sûr, certains thèmes restent plus porteurs que d’autres dans le grand public, comme les deux guerres mondiales ou le patrimoine bâti, châteaux forts, maisons alsaciennes… Ce qui ne nous empêche pas de traiter d’autres sujets. Cette année : les reconstructions d’après-guerre en Alsace et, en 2017, 500 ans après le lancement de la Réforme par Luther (1517), « protestants et protestantisme en Alsace ». »

Rue89 Strasbourg : choisir un jeune rédacteur en chef n’est pas neutre. Quel cahier des charges vous a été proposé au moment de votre prise de fonction ?

Nicolas Lefort : « Aucun cahier des charges ! La revue évolue régulièrement par sa forme… Mais c’est vrai que les nouvelles pratiques liées au numérique changent la donne. Ces dernières années, les chercheurs sont de plus en plus en demande de publications en ligne consultables de chez eux. Du coup, trois ans après la sortie de la revue en version papier, tous nos articles deviennent accessibles sur Revue.org, un gros portail de revues de sciences humaines et sociales. De même, les anciens numéros de la Revue d’Alsace, de 1850 à 2006, sont consultables gratuitement en ligne sur le portail Gallica de la BNF.

« Stopper la parution papier : un crève-cœur »

Pour nous, le véritable enjeu est de maintenir notre publication papier [ndlr, 550 à 600 pages, 28€, sur commande auprès de la FSHAA], pour des questions de prestige, de confort de lecture et pour satisfaire une partie de notre lectorat de collectionneurs, tout en faisant connaître notre revue au plus grand nombre grâce à internet. Depuis 10 ans, nous tirons la revue à environ 700 exemplaires par an. Stopper une publication papier de cette nature serait un crève-cœur pour toutes celles et ceux qui s’engagent bénévolement pour la faire vivre ! D’autant que l’intérêt pour l’histoire locale et pour le patrimoine ne faiblit pas, bien au contraire ! »

Bonnes feuilles : la reconstruction de l’Ancienne douane


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