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À la Revue Scoute, surveillance et présidentielle éclipsent le Covid

La Revue Scoute reprend du service et combat le froid par le rire. Après une année blanche, cette institution de l’humour alsacien revient, la quarantaine bien tassée, dans la salle de la Briqueterie à Schiltigheim. Elle s’y produira jusqu’au 12 février puis elle se déplacera à la Scène de Strasbourg avant de commencer, fin mars, sa tournée régionale. « L’Œil de mon scout » s’attaque à la surveillance généralisée, aux manipulations politiques et aux excès des nouvelles technologies.

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À la Revue Scoute, surveillance et présidentielle éclipsent le Covid

Dans la vaste salle de la Briqueterie, le public s’installe sous les mélodies de l’orchestre, déjà sur scène. La Revue Scoute est un moment qui s’apprécie en musique. La salle se remplit doucement, laissant de nombreux sièges vides même à l’heure de débuter le spectacle. Le coup porté par le Covid à tout le secteur culturel se mesure dans ces creux. Un élément que déplore l’organisation, en enjoignant le public à revenir et à parler du spectacle. Mais ce soir, le virus reste à la porte, pour laisser du souffle au rire.

Des thématiques d’actualité, pour oublier un temps la crise sanitaire

Le spectacle s’ouvre avec une galerie de personnages iconiques de l’Histoire de France. Lorsque Saint-Pierre glisse entre eux, téléphone à la main, il apparait que ces figures historiques sont sollicitées par les politiciens pour la campagne électorale. Le général de Gaulle est surchargé de demandes et Jean Jaurès refuse un meeting, pendant que Vercingétorix s’étonne de son impopularité. Il est effectivement très drôle d’imaginer les défunts débordés par tous les candidats appelant à leur mémoire. La présidentielle revient dans le spectacle sous différents aspects, notamment pour souligner le désintérêt des Français vis-à-vis des élections. Un passage sur les sondages s’amuse de la façon dont ces indicateurs peuvent facilement être dévoyés.

Révolution française et enjeux contemporains, tout passe à la moulinette de l’humour alsacien. Photo : de Patrick Kupferschlager / Acte5

Pas de sketch sur le Covid dans cette nouvelle revue. Une volonté affirmée par Dany Chambet-Ithier, cocréateur et metteur en scène de la Revue Scoute, qui souligne la lassitude du public. Mise à part une discrète allusion aux vaccins, le spectacle se concentre sur d’autres sujets brûlants, comme la crise écologique ou le Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg. Jeanne Barseghian, avec son arrivée à la mairie strasbourgeoise, est une cible de choix. Elle se livre notamment à une petite lutte sportive avec Catherine Trautmann. Elle est aussi peinte en cheffe de la Révolution française. Bonnet phrygien sur la tête, dans une grande baignoire, elle fait défiler Robespierre et Danton, interdit les voitures en ville et le foie gras.

Les chansons sont un point fort de la Revue Scoute. Elles détournent des airs populaires, allant jusqu’à proposer une surprenante mais agréable reprise de Believer des Imagine Dragons. L’orchestre est toujours puissant, accompagnant avec justesse les différents temps du spectacle. Les musiciens sont installés derrière un grand pan de tissu, qui descend de temps en temps pour leur donner un peu de visibilité. Ces pièces de toile pendues sur la scène sont des éléments très polyvalents. Grace à des projections d’images, elles prennent différents aspects et textures. Le résultat est une scénographie très riche malgré son apparent dépouillement.

Les personnages récurrents de la Revue sont au rendez-vous encore cette année. Photo : de Patrick Kupferschlager

Le comique est mis à toutes les sauces, et même dedans

De l’humour on ne discute pas, et la Revue Scoute ne déroge pas avec son irrévérence habituelle. Le ton satirique tape sur les politiques comme les citoyens lambdas. L’accent alsacien est un ressort comique toujours efficace. Même le registre le plus scabreux sait faire mouche, avec cette vision surréaliste des bus mulhousiens propulsés au biogaz, en recyclant les selles des usagers. L’humour potache glisse parfois vers d’étonnantes hardiesses, comme lorsqu’un homme en kimono surgit en poussant des interjections, parodies de prononciation asiatique.

Le sketch en question se moque des revendications des diverses communautés, avec en idée de fond le besoin de rassembler autour d’un universalisme humaniste. Une curieuse de leçon de tolérance que l’effacement de la diversité. C’est d’autant plus curieux que d’autres sketchs se montrent plus fins sur des sujets similaires. L’entrée du pronom iel dans le dictionnaire du Petit Robert donne lieu à un morceau de bravoure plutôt poétique. La comédienne fait jongler des mots, des rimes, et tisse un perspective joyeuse de progrès.

Toute la troupe fait preuve d’une belle cohésion. Photo : de Patrick Kupferschlager / Acte5

Un certain nombre de numéros reviennent sur la figure du jeune, abruti par la technologie, et sur les dérives des téléphones portables. Une femme accouche pendant que son compagnon cherche un Uber, des adolescents discutent de religion et de réseaux sociaux. Les ressorts utilisés pour parodier le sujet commencent à s’user.

Panne de réseau, plus de batterie, vocabulaire d’une jeunesse qui a pu exister dans quelque passé lointain (« oim comme je kiffe le rap, mais j’ai explosé mon forfait ») l’angle choisi fait rire, sans innover. Les problématiques que posent aujourd’hui la surveillance, l’utilisation des données à des fins publicitaires ou les campagnes de désinformation sont mises de côté au profit d’une critique des objets en soi. Un choix curieux quand le titre du spectacle, « L’œil de mon scout », avec le QR code et les références aux affiches de propagande bolchévique, annonçait le contraire.

Une bande de jeunes multiculturelle en pleine discussion sur leur nouvelle religion : les réseaux sociaux. Photo : de Patrick Kupferschlager / Acte5

Le sketch sur la famille paranoïaque qui se croit surveillée fait d’avantage mouche, mais se trouve un peu isolé. L’écriture du spectacle donne l’impression de rester sur ses acquis sans vraiment prendre de risque. La salle, pleine d’une grosse moitié, a fait cependant preuve d’un bel enthousiasme. Le restaurant accueille toujours le public avant et après le spectacle. Cet élément tient au cœur des artistes, pour qui les soirées dépassent le simple temps de la représentation. La Revue demeure un moment qui défend des valeurs de convivialité et de partage.


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