

Roland Ries en 2009, lorsqu’il remet l’étude sur le tram de Bamako à Amadou Toumani Touré (Photo présidence d’ATT au Mali)
Communiquant, consultant, ami du Mali, de Robert Lohr et du Racing, Roland Boehler est à l’origine des deux affaires qui ont plombé le mandat de Roland Ries, l’étude sur le marché de Noël et celle sur le tram à Bamako. Un ami que le maire doit aux réseaux de Michel Rocard, mais un ami qui peut coûter cher.
En avril 2008, Roland Ries est à peine élu maire de Strasbourg qu’il reçoit une lettre du cabinet Athéo, lui proposant une mission de réflexion sur le Marché de Noël (voir ci-dessous). Cette proposition tombe à pic, la nouvelle municipalité se demandant justement comme redynamiser l’événement phare de Strasbourg. Roland Ries accepte, y compris « l’approche budgétaire » proposée par Athéo de 30 000€ quand même, car il connaît bien l’homme qui signe, Roland Boehler.

Lettre de Roland Boehler à Roland Ries, 30000€ pour une étude sur le Marché de Noël – Cliquez pour accéder au document complet (Doc Rue89 Strasbourg)
Vieux militant PS selon Le Canard Enchaîné, Roland Boehler est lié à Michel Rocard, dont Roland Ries est proche depuis son adhésion au PSU en 1974. Les deux hommes se croisent depuis des dizaines d’années, autour de la communication politique. Roland Boehler indique sur son CV « conseiller de personnalités politiques, consultant en stratégie politique de députés, maires ou sénateurs ».
Lors d’une réunion du comité de pilotage du Marché de Noël, élus et fonctionnaires découvrent l’existence de cette mission, dont la commande a été passée en dehors de toutes les règles des marchés publics. Une collectivité doit d’abord exprimer un besoin, puis mettre en concurrence des offres. Chantal Augé et Caroline Ctorza, alors adjointes aux marchés publics et à la prévention des risques, vont voir Roland Ries pour l’alerter des manquements légaux autour de cette étude.
Le maire fait le dos rond, assure qu’il y a eu un « loupé » et qu’on ne l’y reprendra plus. Mais en juin 2008, Roland Boehler envoie une autre lettre, dans laquelle il confirme une entrevue le même mois avec Roland Ries et reprend presque mot pour mots les termes de la précédente, en remplaçant « Marché de Noël » par « Strasbourg, les livres, les écrivains ». Pour l’étude de faisabilité, c’est aussi 30 000€ (voir ci-dessous).

Lettre de Roland Boehler à Roland Ries, 30000€ mais cette fois pour une étude sur les écrivains – Cliquez pour accéder au document complet (Doc Rue89 Strasbourg)
Mais Roland Boehler a un autre dossier en cours avec la CUS, il œuvre avec Philippe Ginestet, alors président du Racing Club pour doter Strasbourg d’un grand stade pouvant accueillir l’Euro 2016. Sans réponse de l’Etat, Strasbourg retirera sa candidature en juillet.
Entre temps, l’administration et le cabinet du maire répondent par la négative à la proposition du festival sur « Les livres, les écrivains » de Roland Boehler. Roland Ries évite ainsi une nouvelle affaire.
Quatre pages pour 30 000€, un record
Car la première commence à faire du bruit. Robert Herrmann, premier adjoint au maire, qui a repris le pilotage du Marché de Noël pour mettre fin aux bisbilles entre Eric Elkouby (adjoint aux foires et marchés), Mathieu Cahn (adjoint à l’animation) et Jean-Jacques Gsell (tourisme et commerce), cherche encore l’étude des deux consultantes d’Athéo en octobre 2008.
Le premier adjoint s’agite puis finit par obtenir cette fameuse étude. Il n’en croit pas ses yeux lorsqu’il découvre quatre pages de réflexions vagues, quelques pistes tout au plus : un TGV de Noël, un tramway de Noël, des croisières de Noël sur le Rhin…
Robert Herrmann se tourne alors vers Roland Ries et lui indique que le travail n’a pas été fait, surtout pour une étude commandée et payée près de 30 000€. Il considère qu’à peine 30% du travail a été produit et qu’il convient d’exiger un remboursement partiel d’Athéo.
Ce sera loin d’être simple, il faudra presqu’un an de paiements échelonnés pour qu’en novembre 2010, la Ville récupère effectivement 70% du montant payé. De son côté, l’ancien Premier ministre Michel Rocard intervient en faveur de Roland Boehler pour demander à Roland Ries de payer, y compris des « prestations complémentaires ».
Dès fin 2008, une dénonciation anonyme a alerté le procureur de la République sur ce possible « travail fictif » ou « détournement de fonds publics ».
Malgré le rapport sur Noël, Roland Ries renoue sa confiance
On aurait pu croire le maire échaudé par ce rapport bidon, mais non. Roland Ries ne cesse pas la collaboration avec Roland Boehler, bien au contraire.
A la suite de la visite à Strasbourg en novembre 2008 du président du Mali, Amadou Toumani Touré, au cours de laquelle ce dernier a été particulièrement impressionné par le tramway, Roland Boehler, présenté comme consul honoraire du Mali, un titre qu’il n’a jamais eu, fait le lien entre les Maliens et Lohr Industries. L’entreprise alsacienne fabrique le Translohr, un tramway sur pneu qu’elle a bien du mal à vendre.
L’idée d’installer à tramway à Bamako naît. Et pour faire bonne mesure, Roland Boehler ajoute la Ville dans la boucle. En janvier 2009, il rencontre Patrick Pincet, alors directeur du cabinet de Roland Ries, avec Jean-François Argence, directeur commercial de Lohr Industries. De cette rencontre naît l’idée que la CUS pourrait financer l’étude de faisabilité et que Roland Ries aille à Bamako faire la promotion du tramway.
Cette fois, la Ville vote une délibération avant d’engager la dépense. Le 6 avril 2009, le conseil municipal vote, sans débat, 50 000€ pour financer cette étude. Mais patatra, la Ville ne publie pas ce marché sur son site web et ne fait pas de mise en concurrence. Elle attribue le marché à trois cabinets : Serue pour l’insertion dans la paysage urbain, Transitec pour les déplacements et Nogha Consulting pour l’urbanisme.
Pas de mise en concurrence pour Bamako
Et là débute la seconde affaire judiciaire de Roland Ries, car Bernard Debry, directeur général des services à l’époque, refuse de payer en invoquant un possible délit de favoritisme. En avril 2010, il écrit une note détaillée au maire, qui le débarque quelques jours plus tard. En juin, Bernard Debry se venge et informe à son tour le procureur de la République de ce qu’il pense être un délit, comme la loi l’y oblige.
Fin janvier 2010, les adjointes Chantal Augé et Caroline Ctorza avaient aussi écrit à Roland Ries, pour l’alerter sur l’absence de procédure encadrant ces études. Elles s’étonnaient en outre que Roland Boehler réapparaisse, avec une prestation de mise en forme des résultats des études facturée près de 8 000€.
Mais peu importe, ces études seront payées à l’été 2010, 21 310€ pour Serue, 14 850€ pour Transitec, 13 000€ pour Nogha, plus 7 650€ de frais de déplacements. Pour Roland Ries, ces études n’avaient pas à être soumises au code des marchés publics, puisqu’elles ne concernaient pas la Ville, mais Bamako, et qu’il s’agissait donc d’un acte de coopération décentralisée. La Chambre régionale des comptes n’est pas de cet avis et l’a fait savoir dans son rapport rendu en mars 2013.
Le Dr Boehler, « chargé de communication de la ville de Strasbourg »
Pour le procureur de la République de Strasbourg, ces dénonciations visant la municipalité strasbourgeoise commencent à faire beaucoup. Il saisit la chambre d’instruction de Nancy, pour dépayser l’enquête. Mais fin 2012, l’instruction menée par Mireille Maubert-Loeffel n’a guère progressé. Du coup, en mars 2013 la chambre d’instruction de Nancy décide de mettre deux magistrats sur ce dossier, provoquant l’audition, comme témoin, de Roland Ries début juin 2013 par la police à Strasbourg. De son côté, Roland Boehler a été entendu deux fois par les policiers.
Alors que Roland Ries se présente à nouveau devant les Strasbourgeois en mars 2014, l’opposition a décidé d’interpeller le maire sur ces affaires à chaque conseil municipal. Après avoir perdu deux directeurs de cabinet (Jean-Michel Augé et Patrick Pincet), un directeur général des services (décédé depuis) et deux adjointes, qui tous s’interrogeaient sur ces relations, Roland Ries risque de payer bien cher ses fidélités rocardiennes.
Aller plus loin
Sur Mediapart : Le maire PS de Strasbourg soupçonné de «favoritisme»
Sur Libération : Rocard et ses frères
depuis 2013 silence radio
l affaire est elle clause ?
Passez votre tour pour 2014, la ville de Strasbourg mérite d'être géré par des gens plus intègres et plus honnêtes.
le cahier des charges bien écrit et le prix cohérent,
la méthode d'attribution est moins habile
cependant les enjeux du marché de noël justifient un investissement
la suite est abracadabrantesque
le maire s'est fait avoir par Arsène Lupin Boehler, le Rocancourt strasbourgeois
c'est le choeur des pleureuses que l'on entend à la suite de cet article.
Moi, ce qui m'étonne et m'effraie dans tout cela, c'est l'expression d'une vindicte populaire sur un dossier qui semble tellement mineur (Tapie : 8000 fois plus...), et dans lequel rien n'est démontré puisque la justice n'a encore rien dit.
Je connais mieux la justice que la politique.. et ce que je peux dire, c'est que si depuis plus de deux ans elle n'a rien encore rien dit alors qu'elle a le sujet en mains, c'est qu'il n'y a rien de bien important.
Alors les permanents des politiques chargés d'alimenter les médias en commentaires pour participer au buzz devraient se retenir.
Posons la vraie question : pourquoi tant de récupération ?
Je m'exprime rarement ici, à l'inverse des professionnels de la politique, mais trop c'est trop !
Alors merci à R Ries si il a cherché à promouvoir une entreprise alsacienne. ET merci à Roland Ries de penser coopération autrement que par les bonnes oeuvres.
Rocard et Ries, deux vieux de la politique qui font de la politique à l'ancienne.
Vivement que ça change.
Autre chose que les pseudo mystères des réserves parlementaires dénoncées auparavant.
Néanmoins, il reste encore des zones d'ombres dans ce dossier à ramifications. Par exemple, quels sont les liens entre les 3 bureaux d'études (N Nogha, Transitec, Serue) et Roland Ries ainsi que Pierre Boehler ?
Lors du dernier conseil municipal, les DNA relatait que l'étude sur le tramway de Bamako était aussi à l'initiative d'un des 3 bureaux d'étude. Mais lequel ?
M.Ries tout comme le maire de Schiltigheim, M. Nisand pensent pouvoir faire ce qu'ils veulent avec l'argent public en toute impunité tout simplement parce qu'ils sont dans leur mairie respective depuis 1983 !, quelle belle image de respect envers leurs électeurs et envers le PS dont ils se servent pour se faire élire...
Nb. si j'en crois les documents, il s'agit de Rolland Boehler (avec 2 L).
Pourtant, je ne comprends toujours pas comment R. Ries s'est fait embringuer dans la seconde histoire de manière aussi naïve. Volontairement ou à l'insu de son plein gré, ce sera à la justice de la dire, mais dans un cas comme dans l'autre cela fait tache...
Le ressort de la fidélité à Rocard me parait un peu faible, mais bon... il lui doit tout à Rocard? c'est son maître?
Et avec tout ça, plus son bilan qui est loin d'être étincelant, plus son engagement de faire un seul mandat... je ne comprends pas qu il se présente à nouveau... il est aveugle à ce point sur lui même et ce qu il inspire aux strasbourgeois, il a confiance à ce point en la capacité de perdre de son opposition... ou bien il est acculé à un niveau que l'on imagine pas et il doit rester en place pour nettoyer ses petites affaires?
Sinon juste un truc sur l'article. Le chapeau "4 pages pour 30 000 euros, un record"... ça m'énerve!!!! cette vieille rengaine qu'on ressort à chaque fois.
une prestation intellectuelle n'est pas valorisée au nombre de pages ou de signe svp. Ce qui est choquant c'est que l'étude est bidon...
Enfin, ilavait quant meme l'idée d'un second sapin de Noel sur la place de la gare (voir article en lien sur Rocard dans Libe). Je sais pas à combien on peut valoriser une si brillante recommandation ;)
Je parlerai même d'une révolution !!!! Même un 3è sur le parking du PMC qui acceuille les touristes en bus aurait été du plus bel effet.
Bon, quand même, après lecture de ces divagations intellectuelles valorisées à 30 000 € je me suis dit qu'un "Stammtisch" avec des élèves du primaire pendant 2 demi journées aurait pu, à peu de choses prêt apporter les mêmes résultats, sauf pour l'école, qui avec ces 30 000 € aurai pu bien améliorer son quotidien et offrir des outils de travail ou des sorties (d'étude) intéressentes.
(à noter que le prix aurai aussi largement couvert le salaire de la secrétaire pour faire la synthèse du travail, rédiger le texte et le taper sur son clavier)
Quand on vire de son personnel pour les raisons invoquées, on ne peut pas parler comme Virenque, et dire que tout cela s'est fait à l'insu de son gré!
Trop de mansuétude, ça suffit les bobos strasbourgeois!
Il s'est fait prendre la main dans le sleep, comme d'autres politicards vérolés. Bienvenue au club Roland! Et c'est un pourri comme les autres, rattrapé par la patrouille comme les autres.
Démission et retraite politique pour gagner sa rédemption. point barre!
Bref, ce qui m intrigue vraiment c'est le pourquoi. Pourquoi ce maire fraichement élu, généralement plus que prudent (du genre à mettre ceinture et bretelles), s'est impliqué PERSONELLEMENT dans 2 affaires foireuses, minables et de surcroît montées par des branquignoles (franchement c'est facile de faire des consultations bidonnées et il y en a tous les jours dans toutes les collectivités).
Qu'est ce qui le motivait vraiment? de quoi est t il redevable à Boehler et/ou Rocard pour s'être mis dans ce pétrin de manière aussi nulle? il y a derrière la question, des réponses qui devraient, à mon avis, être plus interressantes que juste "Ries est un pourri de plus"
Je vous propose qu'à l'issue des prochaines municipales, vous et moi fassions parvenir une proposition une mission de réflexion sur le Marché de Noël. Cette proposition tombera à pic, la nouvelle municipalité voudra certainement redynamiser l’événement phare de Strasbourg. Et notre « l’approche budgétaire » proposée sera de 30 000€. Qu'en dites-vous ? D'aiileurs, nous pourrions inviter de très nombreux Strasbourgeois de faire de même.
ces élus qui abusent de leur pouvoir doivent être dénoncés et débarqués aux prochaines élections, pour le bien de la collectivité...