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En grève depuis trois semaines, les sages-femmes ont manifesté jeudi

Six organisations de sages-femmes appellent à manifester ce jeudi à Paris. Elles demandent le même statut que les autres professions médicales à l’hôpital et veulent être reconnues comme « praticien de premier recours » pour le suivi des grossesses.

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Amandine Reeb, 12 ans de métier, mobilise à Strasbourg (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

Les sages-femmes sont  en grève illimitée depuis le 16 octobre. Vous ne l’aviez pas remarqué ? Contrairement aux paysans bretons, elles n’ont encore rien brûlé ni entravé. Mais, signe d’une exceptionnelle détermination, elles manifestent à Paris ce jeudi en provenance de toute la France pour exiger de la ministre de la Santé qu’elles soient reconnues comme faisant partie du « personnel médical hospitalier ». Et incidemment qu’elles soient mieux payées.

De Strasbourg, au moins deux bus remplis de professionnel(le)s et d’étudiant(e)s (des femmes à plus de 98%) doivent se rendre à la manifestation, dont le départ place Denfert-Rochereau à Paris est prévu vers midi. A la manœuvre en Alsace, Amandine Reeb, sage-femme de 35 ans dont 12 de pratique, actuellement au Centre médico-chirurgical obstétrique (CMCO) de Schiltigheim. Syndiquée à l’ONSSF, elle a beaucoup donné pour mobiliser ses collègues :

« Clairement, les actions revendicatives, ce n’est pas pour nous. On n’est pas très nombreuses (environ 19 000 en France), lentes à s’organiser et on est dans un univers à part, où règne plutôt la joie. Et puis on sait bien que si on ne vient pas travailler, la charge de travail retombe sur les médecins. Mais la reconnaissance de notre statut de personnel médical, c’est une revendication importante et ancienne… Alors quand on a constaté qu’on avait été carrément oubliées du projet de loi sur la santé, ça a été un élément déclencheur de cette mobilisation. On est en grève depuis le refus de la ministre de nous rencontrer. »

Amandine Reeb, 12 ans de métier, mobilise à Strasbourg (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)
Amandine Reeb, 12 ans de métier, mobilise à Strasbourg (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

Cinq années d’études, 1 800€ en début de carrière

Les sages-femmes demandent que leur profession, listée parmi les professions médicales avec les médecins et les dentistes, soit payée comme telle à l’hôpital, c’est à dire en tant que « personnel médical hospitalier », au titre 2 de la fonction publique et non au titre 4 avec le personnel paramédical, comme c’est le cas actuellement, avec les infirmières ou les psychologues. Ce changement de statut leur permettrait de renégocier leur grille salariale à la hausse ; actuellement une sage-femme débutante peut prétendre à un traitement de 1 600€ à 1 800€ nets selon les primes. Mais aussi, ce statut leur ouvrirait des postes de direction d’unités et leur permettrait d’inclure plus facilement la recherche dans leur carrière.

Diplômées après quatre années d’études, accessibles sur concours à l’issue de la première année de médecine, les sages-femmes font valoir qu’elles rédigent elles-mêmes des ordonnances et engagent leur responsabilité sur trente ans. Elles réclament également qu’elles soient reconnues comme « les praticiennes de premier recours dans la périnatalité et en santé génésique des femmes ».

Les syndicats divisés

Une telle évolution ne fait pas l’unanimité dans la profession. Certaines voient d’un mauvais œil une évolution de leur statut qui les éloignerait des 35 heures hebdomadaires et les rapprocherait des horaires et des contraintes des médecins hospitaliers. Les syndicats des sages-femmes ne parlent pas d’une seule voix. Le mouvement qui manifeste ce jeudi est porté par l’ONSSF, la CFTC et d’autres organisations mais pas par la CGT, ni par l’UNSSF, l’autre syndicat professionnel ni par la CFDT, qui préfère demander une simple revalorisation salariale.

Mais après trois semaines, finalement, le mouvement a pris de l’ampleur à l’approche de la manifestation et les sages-femmes assignées sont plus nombreuses, comme l’explique Amandine Reeb :

« J’ai envoyé des quantités d’emails, on a créé un groupe sur Facebook, on a distribué des tracts, collé des affiches… On bloque les cotations des actes, qui ne sont pas transmises à l’administration. On ne va plus aux réunions de staff. Pour la manifestation, on sera toutes habillées en noir et blanc, avec des masques blancs. Je vais aller les acheter de ce pas et après on va préparer les pancartes. Pour l’instant, aucune patiente n’a eu à subir des effets de la grève, mais si la ministre continue de nous ignorer, il n’est pas exclu qu’on durcisse le mouvement. »

L’ONSSF revendique 90% de grévistes en Alsace. Nadine Knezovic, cadre sage-femme toujours au CMCO de Schiltigheim, sera également du voyage parisien :

« Honnêtement, la question du statut, praticien hospitalier ou pas, je m’en fous. La première reconnaissance d’une profession, c’est son salaire. Quand une sage-femme, après cinq ans de CDD, se retrouve à 1 600€ alors qu’elle a suivi cinq ans d’études, il y a un problème. Il s’agit de notre place dans l’hôpital. Si toutes les grossesses à l’hôpital étaient suivies par des sages-femmes, et seulement les grossesses pathologiques par les médecins, tout le monde serait bien mieux à sa place et la Sécu ferait des économies. Jeudi, j’espère qu’on sera nombreuses et que ça pèsera pour les négociations futures. Parce que je ne me vois pas durcir le mouvement, et priver un couple de ce moment magique et unique qu’est la naissance. »

Mercredi 13 novembre, les syndicats ont rendez-vous au ministère de la Santé pour entamer une concertation sur les salaires des sages-femmes.

Aller plus loin

Sur Les Échos : Les sages-femmes en mal de reconnaissance

Sur le site de l’ONSSF : le tract récapitulatif des revendications


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