« Nous sommes 70 familles en tout. Il y a beaucoup d’enfants, des malades, des personnes âgées », explique Lali. Presque tous originaires de Géorgie, ils s’installent dans deux bâtiments au 14 et au 18 rue de Sarlat en ce milieu d’après-midi du mardi 11 avril. Selon plusieurs personnes interrogées sur place, le site est occupé depuis le vendredi 7 avril. Les immeubles appartiennent au bailleur social Habitation Moderne et sont en instance de démolition. « Nous venons du squat Bourgogne, qui était menacé d’expulsion. Il y a quelques familles en plus qui dormaient dehors et qui devraient trouver de la place ici », ajoute la mère de famille.
Les sans-abris ont nommé leur nouvel hébergement squat de la Sarlat, à en croire la page Facebook qu’ils ont créé. « Ils ne dormaient plus parce qu’ils avaient peur que la police arrive, raconte Gabriel, militant pour les droits des migrants, ils ont fait ce qu’il fallait pour trouver un logement que l’État et la municipalité ne leur donnent pas. » Pour rappel, l’État a théoriquement l’obligation légale de proposer aux étrangers un hébergement d’urgence, même sans titre de séjour. La justice avait ordonné l’expulsion du squat Bourgogne en novembre 2022. Depuis la fin de la trêve hivernale, ses occupants craignaient une opération de police à tout moment.
« Nous ne pouvons pas faire autrement »
Le bâtiment au 18 rue de Sarlat est en meilleur état que son voisin : l’eau et l’électricité fonctionnent, contrairement au numéro 14. Les occupants discutent de la répartition des appartements pour optimiser la surface à disposition. Zviad insiste :
« Nous ne pouvons pas faire autrement. Je viens de Géorgie mais j’ai émigré en Ukraine d’abord. Puis la guerre a commencé, et je suis venu en France. On nous traite mal. Ils n’ont pas accepté l’asile pour moi. Je me demande à quoi ça sert l’Europe. Ce n’est plus possible de vivre comme ça. »
Comme nous l’exposions dans un article publié en novembre dernier, de nombreux Géorgiens viennent en France parce qu’ils ne peuvent pas se soigner dans leur pays ou à cause de graves pressions politiques.
Contacté par Rue89 Strasbourg, le bailleur social Habitation Moderne indique :
« Nos équipes ont été informées, dans la nuit de samedi à dimanche, de cette intrusion. Ces immeubles vacants ou partiellement vacants sont voués à la démolition prochaine, dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain. Les premières actions de démolition doivent d’ailleurs intervenir fin avril/début mai 2023. Les équipes se sont rendues sur place dans la foulée et ont fait constater par huissier l’intrusion dans les logements, aux fins de donner une suite adaptée. »
Le propriétaire n’a pas précisé si une plainte a déjà été déposée. La Ville de Strasbourg, actionnaire majoritaire du bailleur social, n’a pas donné suite à nos sollicitations. Le même cycle juridique qu’au squat Bourgogne pourrait recommencer. Fatigué, Zviad espère du répit et demande aux autorités que les occupants de la rue de Sarlat soient traités avec humanité.
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