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En seconde couronne, les entreprises délaissées par la fibre

La plus grande partie de Strasbourg est désormais bien équipée par la fibre optique, qui permet de se connecter à Internet à très haute vitesse. Mais à l’extérieur de Strasbourg, les entreprises peinent encore à être raccordées. Les pouvoirs publics n’ont que peu de prise sur les opérateurs.

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En seconde couronne, les entreprises délaissées par la fibre

Les entreprises de la CUS attendent avec impatience l'arrivée d'une fibre optique compétitive (Frédéric Bisson / FlickR / cc)
Les entreprises de la CUS attendent avec impatience l’arrivée d’une fibre optique compétitive (Frédéric Bisson / FlickR / cc)

Les entreprises de la CUS s’impatientent. Elles sont nombreuses à ne pas pouvoir profiter de la fibre optique alors qu’elles sont toujours plus gourmandes en vitesse de connexion : 78,1% des entreprises de la région sont informatisées selon une étude des Chambres de commerce et d’industrie (CCI) d’Alsace publiée cette année. La fibre optique, plus fine qu’un cheveu, offre une connexion jusqu’à trente fois plus rapide que l’ADSL (500 megabits par seconde au maximum). Elle s’invite progressivement depuis 2010 dans les foyers de la CUS. À Strasbourg, ville classée par l’État comme zone très dense, c’est-à-dire à équiper en priorité, la fibre optique est de plus en plus présente. Selon l’Observatoire France très haut débit, 79,4 % des logements et des locaux professionnels de Strasbourg profitent d’une connexion à 100 mégabits par seconde, minimum.

Mais le service n’est pas disponible à la même allure pour tout le monde, surtout pour les entreprises. Ainsi Method in The Madness, pourtant installée à La Plage Digitale, en plein sur la route du Rhin à Rivétoile, n’a pas accès à la fibre comme l’explique son directeur artistique Jean-Michel Stenger :

« Quand j’ai des gros fichiers à envoyer à des clients, je le fais depuis chez moi parce que j’ai la fibre. Du coup, je transfère les fichiers sur un disque dur externe, que j’emmène à la maison. Je me balade régulièrement avec des données sur moi. C’est dommage mais pour l’instant, ce n’est pas encore dommageable pour l’entreprise, même dans notre activité : le client a souvent le même problème chez lui. »

En 2014 à Bischheim, 1 800 logements sur 8 480 connectés à la fibre

La situation de l’accès au très haut-débit se détériore surtout aux abords de la capitale alsacienne. Seulement cinq communes de la CUS sur 28 peuvent d’ores et déjà accéder à la fibre optique. Cinq ans de travaux sont nécessaires avant qu’une ville puisse pleinement bénéficier de la fibre optique.

À Bischheim, les travaux ont débuté en mars 2012 et en octobre 2014, les habitants de 1 800 logements sur 8 480 peuvent souscrire à une offre proposant la fibre selon l’opérateur historique Orange. Les travaux pour couvrir la totalité de la ville ne commenceront que courant 2015. Mais c’est bien pire dans d’autres communes de la CUS. Hoenheim et Ostwald devront attendre respectivement fin 2014 et courant 2015, quand d’autres n’apparaissent toujours pas sur le calendrier de déploiement. 

« Environ 1 200 euros d’abonnement mensuel »

Pourtant, le gouvernement a lancé le « Plan France très haut débit » en novembre 2012, qui prévoit d’équiper 100 % du territoire en très haut débit d’ici 2022 avec un budget de 20 milliards d’euros. En Alsace, l’État prévoit d’injecter 109 millions d’euros, sur les 346 millions nécessaires, afin d’équiper 250 000 prises de la fibre optique. Particuliers et entreprises doivent profiter de cette subvention.

Un objectif ambitieux freiné par le coût de déploiement d’un tel réseau. Une étude de l’organisme de l’État chargé de l’aménagement numérique du territoire indique que l’installation d’un mètre de câble revient à une centaine d’euros pour le déploiement d’un réseau filaire, et beaucoup plus en ville. Ainsi, toutes les entreprises ne disposent pas de ce service. Elles doivent le plus souvent débourser une somme conséquente pour que les câbles viennent jusque dans leurs locaux. Résultat, des zones d’activités sont toujours privées d’un accès rapide à l’Internet, même en zone urbaine.

12 zones d’activités labellisées haut débit

Les zones d’activités de la CUS sont très demandeuses d’une connexion haut de gamme pour satisfaire leurs besoins. Pour l’instant, douze d’entre elles sont labellisées haut débit. Pourtant, beaucoup d’entreprises doivent se priver de cette technologie déplore Jean-Marc Kolb, directeur chargé de l’Économie numérique à la CCI de Strasbourg:

« On a des entreprises qui sont en souffrance, notamment à Bischheim. Les tarifs pour profiter de la fibre sont dissuasifs ».

La société Rome, spécialisée dans la sécurité incendie, fait face à cette problématique. L’entreprise reçoit une masse importante de fichiers de ses clients par Internet, ce qui l’oblige à stocker le tout sur un serveur externe. Mais la connexion supporte difficilement un tel trafic regrette son patron Patrick Moscherosh :

« On a un marché porteur mais nous avons besoin d’un meilleur débit pour qu’on puisse se développer. On travaille avec 180 commerciaux dans toute la France et on reçoit chaque jour plus de 250 mails avec des fichiers informatiques importants. Sauf qu’il faut compter à peu près 1 200 euros d’abonnement mensuel pour avoir la fibre dédiée. Pour une petite entreprise comme nous, c’est un investissement trop lourd. On est éligible mais il n’y a pas d’offre intéressante. »

À Lingolsheim, 4 700 logements sont raccordés à la fibre selon Orange (Photo Orange)
À Lingolsheim, 4 700 logements sont raccordés à la fibre depuis octobre 2014 selon Orange (Photo Orange)

Des communes qui n’ont pas la main sur le prix

Les communes de la CUS s’efforcent d’établir un dialogue entre les entreprises installées sur leur territoire et les opérateurs. À Schiltigheim, l’Espace européen de l’entreprise est labellisé très haut débit mais ce n’est pas le cas de la Vogelau situé à quelques kilomètres à l’est de la commune. Rodolphe Mathus, adjoint au maire de Schiltigheim en charge du dossier, explique les contraintes auxquelles sa ville fait face :

« Des entreprises nous disent que les tarifs sont beaucoup trop élevés. Certaines pourraient quitter la zone d’activité et d’autres pourraient ne pas s’installer. Ce n’est pas encore le cas mais c’est un risque. Nous sommes la troisième commune du département, cela reste une force pour jouer un rôle d’intermédiaire entre les opérateurs et les entreprises. Mais au final, la commune n’a aucun pouvoir sur le prix fixé. »

Les opérateurs ont le dernier mot. Ce sont eux qui déterminent le prix des abonnements pour être connectés à la fibre optique, prix qui peuvent être extrêmement variables, selon qu’il s’agisse d’un câblage existant, de l’éloignement, ou d’un raccordement spécifique comme on l’explique à la communication d’Orange :

« On n’est pas du tout sur le même réseau. Les entreprises ont accès à une fibre dédiée alors que pour les particuliers, elle est mutualisée. L’entreprise doit savoir si la fibre correspond à ses besoins. Si une entreprise est sur une zone couverte, elle peut se raccorder à celle des particuliers. »

Le niveau de connexion et sa sécurité ne sont cependant pas comparables entre une connexion privée et professionnelle. À la CUS, on pousse pour qu’une connexion haut débit soit disponible pour toutes les entreprises. Patrick Depyl, conseiller communautaire et maire (sans étiquette) de La Wantzenau, espère pouvoir changer le rapport de force entre les opérateurs et les entreprises et pour lui, l’union fait la force :

« La plupart du temps les entreprises considèrent que c’est très cher. On les incite à se regrouper pour peser sur les opérateurs et obtenir des tarifs plus avantageux. On va distribuer à toutes les entreprises un kit d’aide à la décision qui leur permettra de mieux mesurer leur besoin en connexion. Elles pourront alors négocier les prix d’égal à égal avec les opérateurs. »

Le dispositif doit être développé dans les prochains mois mais évidemment, il restera à évaluer si cette volonté affichée suffira pour que les opérateurs modifient leurs plans de déploiement.


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