Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Au Secours populaire, le coronavirus a provoqué un afflux de nouveaux bénéficiaires

Le Secours populaire du Bas-Rhin a enregistré une augmentation de 50% de ses bénéficiaires entre février et juin. Le confinement a aggravé la situation économique des personnes les plus démunies ou en a précipité d’autres dans la précarité.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

Au Secours populaire,  le coronavirus a provoqué un afflux de nouveaux bénéficiaires

Pendant le confinement, le Secours populaire français (SPF) a continué ses activités et notamment les distributions d’aide alimentaire aux plus démunis. À Strasbourg, environ 800 familles bénéficiaient des produits de l’association en février, elles sont 1 200 en juin. Camille Véga, secrétaire générale de la fédération du Bas-Rhin du SPF détaille :

« On n’est plus dans l’explosion des demandes comme au moment du confinement, mais tous les jours de nouvelles personnes s’inscrivent pour recevoir des aides alimentaires. Parfois on compte 19 nouvelles inscriptions en une après-midi. »

Fresque à l’entrée de la permanence d’accueil du Secours populaire français, 150 avenue de Colmar, Strasbourg. (Photo CD / Rue89 Strasbourg / cc)

Souvent des pertes d’emplois précaires pendant la crise sanitaire

La permanence d’accueil du Secours populaire se situe au 150 avenue de Colmar. Pour s’y rendre, il faut marcher jusqu’au bout de la petite cour bétonnée et entourée de hangars, d’un potager solidaire et d’un bâtiment à l’architecture alsacienne.

Un lundi de juin vers 13h, neuf personnes attendent leur tour, munies d’un numéro. Elles souhaitent s’inscrire à l’association afin de bénéficier des produits alimentaires distribués à la permanence de distribution, au Neuhof.

Parmi elles, Anna. La jeune femme est mère d’un enfant. Elle vit dans un appartement d’insertion. Anna attend de bénéficier d’un logement HLM, mais s’inquiète de ne pas pouvoir déménager car ses revenus sont insuffisants. D’origine arménienne, la jeune femme raconte ses difficultés, avec force et sourire :

« Je cumulais deux emplois à temps partiels d’animatrice périscolaire. Mais je suis tombée malade juste avant le confinement. Je n’ai pas été reprise dans une des écoles, je ne gagne plus assez d’argent pour payer tous mes frais, c’est pourquoi je suis revenue au Secours populaire. L’association m’a déjà aidée auparavant. »

Anna, jeune Arménienne en situation régulière depuis 7 ans, se réinscrit au Secours populaire français, à la permanence d’accueil de la Meinau. (Photo CD / Rue89 Strasbourg / cc)

Pour récupérer les produits alimentaires, il faut se rendre à l’antenne du Neuhof. Une grande grille entoure un hangar, dans lequel sont rangés les dons. Certains bénévoles y trient les livres et les habits. D’autres s’occupent de mettre au frais les aliments. Ceux-ci sont ensuite étalés dans un local aménagé en épicerie.

Jeudi vers 9h, une queue se forme devant ce hangar. D’habitude, les personnes peuvent rentrer dans l’épicerie et choisir leurs produits. Mais depuis la crise sanitaire, les bénéficiaires se présentent devant un guichet, où ils précisent ce qu’ils viennent chercher : viande, poisson, pain, légumes, conserves… Les bénévoles fournissent les produits en fonction du nombre de personnes qui composent la famille du bénéficiaire.

Dans la file, Habbar, originaire d’Algérie. Son masque cache un sourire. Il vit à Strasbourg depuis dix ans. C’est la première fois qu’il fait ses courses au Secours populaire. L’homme travaillait auparavant dans un abattoir, puis dans une usine. Son dos est maintenant trop endommagé pour ces travaux. Il est aujourd’hui sans emploi et bénéficie du RSA. Habbar cherche un peu ses mots en français et raconte :

« Je m’occupais de “petits business”. Parfois, je vendais des voitures et des vélos. Je viens au Secours populaire maintenant. C’est à cause du coronavirus car je ne pouvais plus bouger, je ne pouvais plus travailler ! »

Habbar
Habbar, bénéficiaire des colis alimentaires du Secours populaire français pour la première fois. (Photo CD / Rue89 Strasbourg / cc)

À cause du confinement, plus précaires qu’avant

Entre le local de distribution des aliments et le hangar, une seconde file se forme vers 10h devant les portes de la boutique solidaire : habits à 1€, produits de beauté, jouets pour enfants…

Naoual est une Marocaine âgée de 38 ans en situation irrégulière. Elle faisait des services pour des mariages ou des fêtes, parfois de 18h à 6h, pour 70€. Elle ne dispose plus d’aucun revenu depuis que ces événements ont été annulés, confinement oblige.

Partie habits de la boutique solidaire du Secours populaire français, 5 rue Jean Henri Lambert, Strasbourg. (Photo CD / Rue89 Strasbourg / cc)

Dans la file, Florian, père de deux enfants, se trouve dans une « impasse administrative ». Il exerce le métier d’homme toutes mains rémunéré par des chèques emploi service universel (CESU). Comme il est travailleur à domicile, il a dû arrêter son activité pendant la crise sanitaire. Le site internet sur lequel il devait déclarer sa situation et ainsi bénéficier du chômage partiel présentait des « bugs ». Il explique :

« Le temps de clarifier la situation, la page n’existait plus. Je n’ai pas pu faire ma demande d’allocation chômage. Alors depuis, je n’ai plus de revenus. »

Les équipes bénévoles constatent l’augmentation de la précarité

Bénévole depuis 10 ans, Marie-Thérèse prend part à la permanence d’accueil et donne des cours de français. Elle a remarqué de nouveaux profils qui s’inscrivent comme bénéficiaires depuis la pandémie. Par exemple, un Français qui travaille au Brésil est resté « bloqué » en France, chez son frère, qui se trouve dans une situation précaire. Sans revenu, il s’est inscrit au Secours populaire. Autre cas, celui d’une femme dont le dossier pour l’Allocation aux adultes handicapés (AAH) a été accepté quelques jours avant le confinement. La fermeture de la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) et de la CAF a retardé ses démarches, déjà compliquées. Elle n’a pas pu recevoir ses allocations. Sans ressources, elle s’est tournée vers l’association. Sa collègue Françoise, inquiète mais bienveillante, résume la situation :

« Je crois que l’afflux de personnes précarisées à cause de la crise sanitaire est plus stressant que le Covid-19 lui-même. En fait, on se demande ce qu’il adviendra d’elles… »

Françoise, bénévole à la permanence d’accueil du Secours populaire à la Meinau.
Permanence d’accueil du Secours populaire à la Meinau, 150 avenue de Colmar. (Photo CD / Rue89 Strasbourg / cc)

Les étudiants qui vivaient de « petits boulots » ont également été impactés économiquement par la crise sanitaire. Le Secours populaire du Bas-Rhin a prévu des journées spéciales pour leur distribuer des denrées. Les 8 mai et 5 juin, 320 étudiants en tout ont eu recours aux colis du Secours populaire.

Face à l’augmentation de bénéficiaires, le Secours populaire du Bas-Rhin a besoin de nouveaux fonds. Les dotations annuelles versées par le Fonds européen d’aide aux plus démunis (FEAD) permet à l’association de s’approvisionner en produits secs. Mais pour maintenir les stocks jusqu’au mois de septembre, les équipes du Secours populaire font appel à l’État. L’association du Bas-Rhin a reçu 20 000€ de la part d’entreprises et 56 000€ de dotations de l’État réservées pour l’achat de produits frais.


#déconfinement

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options